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La jeune création en première ligne

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Jacques-Antoine Granjon, le pdg de vente-privee et les jeunes créateurs qu’il soutient sur son site.

Jeudi 18 juin, 7 heures, dix créateurs de 23 à 27 ans seront hébergés sur vente-privee pour un shopping exceptionnel. Jacques-Antoine Granjon, le pdg du site, explique son engagement : French touch, évolution digitale, valeurs éthiques. Rencontre avec un mentor et ses talents ultra-connectés.

Madame Figaro. - Comment est née cette collaboration ?
Jacques-Antoine Granjon.
-Tout ce qu’on peut inventer et faire pour aider les jeunes créatifs à démarrer m’intéresse. Je ne parle pas des artistes - on entrerait dans une logique de mécénat qui n’est pas la nôtre. Mais leur donner un peu d’énergie, et encourager ces jeunes à lancer une marque, un projet concret, un restaurant… j’aime ça. Nous, vente-privee ,venons du métier du déstockage, que nous avons fait muter grâce à l’outil Internet. Avec 3,5 millions de visiteurs uniques par jour, au fil du temps, on est peu à peu devenu un média. Cette puissance médiatique, on la met au service de grandes marques, mais aussi de petites qui bénéficient de notre trafic et développent leur notoriété. Mais le cœur de notre identité, c’est la mode, et on est très attentifs à ça. Alors quand Gérald Cohen est venu me voir pour me parler de son concept « BabyBrand  » (dont l’objectif est de faire connaître des marques naissantes, pépites et talents de demain, NDLR), j’ai tout de suite vu qu’il y avait là matière à soutenir de jeunes débutants.

Vous avez toujours eu le goût de la mode ?
J’aime bien la poésie des gens qui créent. Et le talent, la minutie des artisans. Le public choisit une marque pour les produits qu’elle propose, et de plus en plus pour les émotions qu’elle véhicule. Moi, je crois à la force du « quotient émotionnel » d’une marque. Et ce quotient, il vient d’un fourmillement d’idées qui jaillit d’abord de la jeunesse. À 50 ans, on est moins créatif qu’à 20, c’est comme ça. Et si, à 50 ans, on ne vit pas près des jeunes, on passe à côté de toute une partie de la culture.

Il s’agit aussi de donner une autre image de la France, de vanter un pays en mouvement, riche de ses talents…
Oui, et ce ne sont pas là des incantations éloignées de la réalité. Cette France novatrice et disruptive existe, il faut la montrer. Pas seulement ceux qui ont déjà réussi - ils sont des modèles, mais leur exemple peut bloquer. Ces jeunes mis en lumière aujourd’hui avec vente-privee ont encore plein de doutes, mais ils se prennent en main. À 25 ans, ils réfléchissent au financement de leur collection et de leur distribution, à leur notoriété… Le chemin est encore long. Mais il y a une chose dont ils ne doutent pas, c’est de leur créativité. Ils n’ont jamais peur de leur produit. Ça fait leur force. Après, il faut les encourager à vendre plus loin, en Europe…

Cette jeunesse que vous mettez en scène, c’est aussi du charnel, de l’humain au cœur du digital…
Le digital a été mal compris à ses débuts. Beaucoup y ont vu un univers aseptisé. Pas du tout ! Il permet aux gens d’accéder à un niveau de conscience plus élevé. Grâce à Internet, on a davantage d’informations, on s’intéresse à plus de choses. Demain, on vivra dans un monde plus conscient, plus intelligent et plus humain. La vraie révolution du digital, du moins dans les pays développés, c’est que le consommateur est devenu le roi. Il est de plus en plus responsable, s’intéresse à la planète, aux animaux. Il est libre, avisé, prescripteur. Il peut comparer et critiquer, et si un service le déçoit, il peut changer de boutique en un clic.

 

Jacques-AZntoine Granjon.

Comment dès lors attraper ce consommateur ?
Il faut de la transparence, de la sincérité, de l’émotionnel.

La sincérité, dans la mode, qu’est-ce que cela veut dire ?
Que le mensonge va devenir de plus en plus compliqué pour les marques avec l’avènement du digital. Les gens s’intéressent à la façon dont est fait le produit, d’où provient tel coton, tel fil. Les capteurs émotionnels sont en train de bouger. Ces jeunes qui travaillent avec nous n’intellectualisent pas nécessairement tout cela ; c’est un réflexe immédiat qui vient du cœur. Ils ne vont pas sacrifier ces idéaux-là au nom de la croissance financière. Et le meilleur conseil que je peux leur donner est de rester indépendant.

Les produits éthiques représentent  quelle part de vos ventes ?
Il y a encore des progrès à faire, mais nous évoluons. Nous ne vendons pas de fourrure sur le site. S’il y en a encore sur un col de parka, ça m’est désagréable. J’ai décidé de cesser de travailler avec des attractions où l’on peut voir des animaux en captivité ; ce qui représente une perte conséquente de chiffre d’affaires. Mais est-ce à nous de vendre des billets pour que des enfants aillent voir cela ? Je ne jette pas la pierre, ma prise de conscience a été tardive, mais elle est là. Et j’ai toujours dit que je n’étais pas pour une croissance à l’infini.

Comment le digital bouleverse-t-il selon vous le paysage de la mode ?
Le Net a bouleversé la temporalité comme la propriété intellectuelle. Regardez les marques de luxe face à celles de la street fashion : dans la minute où les premières défilent, les photos des silhouettes sont déjà sur les écrans des secondes. Tout le monde sait que les grandes enseignes de mass market copient les maisons de luxe. Avant, elles avaient une saison de décalage ; plus maintenant. Quand la cliente de luxe achète une robe 2 000 euros, si elle n’est pas disponible dans sa taille, la boutique la fera venir de Londres, de Milan pour la livrer. Aujourd’hui, la cliente de Zara exige le même service en ligne pour une robe à 49 euros. Sinon, elle ira chez Topshop.

Sur Internet, certains dépensent des fortunes pour acheter un bijou en un clic, d’autres traquent le prix le moins cher… La Toile semble avoir balayé les seuils psychologiques. Quel est le juste prix de la mode ?
Je ne suis pas un spécialiste, mais ce qui a changé fondamentalement avec le digital, c’est l’accessibilité. Avec un téléphone, on fait son shopping dans le monde entier. On peut acheter un maillot de bain sur un site au Chili et être livré en vingt-quatre heures ! Ou s’adresser à des clientes richissimes en Azerbaïdjan, inaccessibles hier. Alors oui, le luxe pratique des prix très élevés. Et comme il y a de plus en plus d’ultra-riches sur cette planète, cela marche encore. Même les prix des petites marques ont explosé. Il y a quelques produits d’appel, mais très vite l’addition grimpe. La marque devient moins accessible pour la cliente française, mais l’offre est partout. La planète est devenue toute petite.

Êtes-vous une enseigne populaire ?
Si on ne l’est pas, on se coupe un peu des réalités. Certains clients peuvent être intimidés par le cérémonial d’une boutique de luxe. Internet, soudain, leur permet d’y accéder. La question, quand vous ne voulez pas que les gens entrent chez vous, c’est : combien de temps allez-vous durer ? Les Américains, formidables vendeurs, ont compris il y a bien longtemps que les consommateurs ne se recrutaient pas sur leur look. Vous pouvez entrer avec un sac en plastique chez Tiffany, vous ne vous sentirez pas mal à l’aise, et personne ne vous mettra dehors. Chez vente-privee, avec vingt-quatre millions de membres, et trois millions de plus par an, nous sommes un site facile d’approche. Nous rendons le produit exceptionnel en associant l’image, le prix et le service : nous traitons nos membres comme le ferait une boutique de luxe. Alors, nous sommes un site populaire, oui, et très qualitatif.

Les marques pensent-elles encore que leur présence sur un site d’outlet peut tuer leur image ?
Bien sûr, le coût de l’image étant plus important que le coût du produit. C’est pourquoi la fréquence est la clé de tout. Car ce n’est pas le discount qui abîme une marque, mais sa permanence. C’est pour cela que vente-privee expose et vend les marques sur des durées très courtes, une à deux fois par an seulement, et en quantité limitée ; tout est très travaillé et mis en scène.

Beaucoup refusent-elles de venir chez vous ?
Certaines griffes sont encore réticentes et je le respecte ; mais elles sont de moins en moins nombreuses.

Comment vous voyez-vous dans dix ans ?
Nous sommes la 5e marque préférée des Français, la première marque de mode. Vente-privee effectue aujourd’hui 20 % de ses ventes à l’international. C’est un début. Notre aventure américaine est terminée, mais nous déployer en Europe (Allemagne, Angleterre, Espagne, Italie), ça, ce serait formidable. Mon rêve à moi ? Attirer des managers de talent, des jeunes capables de poursuivre cette aventure. Je les écouterai. Comment transmettre ? C’est la question essentielle.

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Sonia Souid, l'ex-candidate Miss France devenue agent de footballeurs

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Sonia Souid, 30 ans le 19 juin prochain, est l'une des 13 femmes agents de footballeurs parmi les 380 que compte la France.

Sonia Souid, bientôt trente ans, ancienne Miss Auvergne et ex-joueuse de volley-ball, est l'une des rares femmes agents de footballeurs internationaux. Elle compte bien poursuivre sa promotion du football féminin.

Le 19 juin, Sonia Souid aura trente ans. Plus que deux jours avant l'âge fatidique. Pourtant, son parcours est pour le moins prodigieux. Elle s'est fait un nom en trois coups médiatiques. La jeune femme est à l'origine du premier transfert d'un joueur venu du golfe Persique en Europe, du premier transfert payant d'une femme footballeuse en France, de la nomination de la première femme coach d'une équipe masculine. Sonia s'engage pour révolutionner tout doucement ce sport qu'elle estime être le dernier bastion que les hommes ne veulent pas céder aux femmes. Un sport qu'elle n'a jamais pratiqué.

Petite, Sonia Souid était mordue de volley-ball. Dans sa famille, qui habite en face du stade du quartier du Château-des-Vergnes, à Clermont-Ferrand, tout le monde vit à travers le sport. Son père est préparateur physique de footballeurs, son frère dribble, sa sœur, elle, préfère l'équitation. Sa mère, professeure de mathématiques, reste un peu seule sur le banc de touche. Sonia intègre un cycle de sport-études, soit 20 heures de volley-ball hebdomadaires en plus du programme scolaire. Elle passe professionnelle. Mais à 18 ans, sa monitrice d'auto-école lui dit qu'« elle est jolie » et l'inscrit illico au concours de Miss Auvergne. Curieuse, la jeune femme s'amuse de cette aventure, avant d'être élue. Elle embarque pour cinq semaines dans le cirque du concours Miss France 2004. Sonia aime la compétition. Celle où chacune se serre les coudes pour faire gagner l'équipe grâce à une bonne stratégie. Mais chez les Miss, les codes diffèrent. C'est chacun pour soi, et la couronne pour la meilleure. « La Miss doit être pure et lisse. Mais derrière les sourires, c'est un monde de requins, avec beaucoup d'hypocrisie et de coups dans le dos. Une compétition avec 45 jeunes femmes, c'est très compliqué. » Ses cinq semaines de préparation pour espérer décrocher l'écharpe suprême coûteront à Sonia sa première année de médecine et lui colleront une étiquette à vie. « Ce ne furent que quelques semaines, mais on m'en parle encore, douze ans après. »

Sonia fait ses valises et part s'installer à Paris. Elle s'installe en colocation avec Miss Paris et suit des cours d'art dramatique qu'elle paie grâce à d'innombrables jobs d'hôtesse. « Je connais tous les salons professionnels par cœur », ironise-t-elle. Plus tard, elle devient agent immobilier et développe un réseau important sur la Côte d'Azur, réseau composé de clients russes, qataris, saoudiens. Seul bémol : le sport lui manque. Un jour, elle discute avec son père, de retour des Émirats arabes unis où il travaille en tant que préparateur sportif. « J'aimais négocier, j'aimais le sport, je pouvais être agent », se dit-elle, soudain lucide.

Sonia étudie pendant cinq mois, 15 heures par jour, et obtient la licence nécessaire. Les réglementations de la Fédération française de football, de la ligue professionnelle, de la Fifa, la charte du football professionnel, plus le droit du travail, des contrats, des assurances, de la Sécurité sociale. Sur les 18 reçus parmi les 400 candidats, elle est la seule femme.

Apprendre les ficelles du métier

Agent renommé, Sonia n'a pourtant jamais joué au football.

Sa licence en poche, la jeune femme n'a plus qu'à se lancer. Une autre partie de jeu commence. L'agent en devenir s'approche des plus grands pour observer et apprendre les ficelles du métier. Mais sa condition de femme la rattrape. « J'étais un OVNI. Beaucoup ont voulu me décourager, m'assurant qu'il fallait que j'arrête, que c'était impossible. Un agent de joueurs connu m'avait assuré que jamais une femme de footballeur n'accepterait que je sois l'agent de son conjoint. Et que le joueur, lui, penserait à autre chose qu'à travailler avec moi », se souvient-elle. Car dans le monde du football, le conjoint est roi. Il est à la table des négociations, que ce soit pour un transfert ou un nouveau contrat, et tient d'une main de fer la carrière de sa moitié. « Les femmes décident de tout. Les joueurs de football ne se déplacent jamais sans leur épouse ou leur petite amie. »

Un agent se décide finalement à la prendre sous son aile. Pour gagner ses galons, il faut avoir un bon réseau... et de l'argent. « On doit se déplacer pour rencontrer tous les clubs de France. Le train, la nuit d'hôtel, l'avion, la voiture, tout cela a un coût, sans garantie de retour sur investissement. Je partais de très loin. » Après six mois à chercher à décrocher des contrats en France, Sonia prend son billet pour les Émirats arabes unis, où son père l'intronise auprès des joueurs. Alors que la France compte 380 agents sportifs, la petite parcelle du golfe Persique n'en possède qu'une dizaine à tout casser. « Même les meilleurs joueurs n'avaient pas d'agent », s'étonne Sonia Souid sur place. Sonia réalise son premier coup en décrochant le mandat de représentation du « Zidane » du Golfe : Ismail Matar. Avec son petit groupe de joueurs émiratis, Sonia gagne sa vie. Bientôt, elle contacte Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique Lyonnais, et lui propose d'être le premier à enrôler un joueur du Golfe en Europe. Cinq jours après, elle obtient un rendez-vous. Banco. « Ça m'a permis de me faire connaître non seulement aux Émirats, comme celle qui faisait passer les joueurs en Europe, mais également en France. »

Regarder là où personne ne cherche

Sonia aime regarder là où personne ne cherche. Dans les pays du Golfe mais aussi en Asie, d'où elle opère la venue de l'Indonésien Arthur Irawan dans le club de D1 belge de Waasland-Beveren. Puis elle regarde plus près, dans le football féminin. « Après tout, pourquoi se priver de la moitié de la population ? », s'interroge-t-elle, faussement naïve. Une moitié qui reste pourtant bien peu représentée dans le milieu du foot, même si les femmes font autant - voire plus - de sacrifices que les garçons. « À douze ans, les filles partent pour Clairefontaine, loin de leur famille. Elles travaillent énormément. Certaines seront dans l'un des deux clubs qui offrent de bons contrats : l'OL et le PSG. D'autres sont obligées d'avoir un travail en parallèle, comme les joueuses de Juvisy qui travaillent souvent à Carrefour, partenaire du club. Je voulais les aider dans leur carrière. » Sonia prépare son deuxième exploit : réaliser le premier transfert de club payant pour une joueuse. Dans le viseur : Marie-Laure Delie. Très bonnes statistiques, bientôt en fin de contrat au club de Montpellier. Sonia entre en jeu et marque. Le PSG accepte de racheter Marie-Laure Delie, pour 60.000 euros annuels. Sonia gagne une nouvelle notoriété. Si bien qu'elle crée l'association Ballon Aiguille pour promouvoir le football au féminin, puis Femmes et Sport pour promouvoir tous les sports au féminin, sports individuels ou collectifs. Elle essaie de « saupoudrer du féminin » partout où elle peut. Elle conseille à des clubs d'ouvrir des sections féminines, comme à Clermont-Ferrand et à Monaco. Elle devient l'agent de joueuses internationales, de Patrice Lair, l'entraîneur qui a mené les joueuses de l'OL jusqu'à deux victoires en Champions League.

Bientôt, elle a l'idée d'un troisième coup de poker : permettre qu'une femme devienne coach d'une équipe masculine. Le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, s'était alors moqué d'elle. « Mais vous rêvez Sonia, c'est impossible ! » avait-il lancé. Sonia l'a fait parier. Et Noël a perdu.

En mai 2014, l'annonce est faite devant un parterre de 120 journalistes : le club de Clermont-Ferrand engage Hélène Costa comme entraîneur de son équipe masculine. Même le New York Times parle du petit club français de deuxième division. « Je savais qu'il y aurait un fort impact médiatique, mais pas à ce point, se rappelle Sonia. C'était une première mondiale. » Le président du club, Claude Michy, avait été sensible à cette idée « pas si saugrenue ». Mais voilà, un mois plus tard, Hélène Costa claque la porte. Le soufflé retombe. « C'était une douche froide. Même les joueurs étaient déçus. Claude Michy a hésité à démissionner. J'ai eu peur que la porte qu'il avait été si compliqué d'ouvrir se referme à tout jamais », explique Sonia Souid. Finalement, après un tour à vélo, le président retrouve sa hargne : « Il faut qu'on continue. » C'est ainsi que Corinne Diacre, l'une des rares femmes ayant un diplôme de coach, reçoit un appel en juin 2014. « C'est maintenant ou jamais », lui lance Sonia au téléphone. Trois jours plus tard, la coach accepte. L'honneur est sauf. La voie est ouverte : peu après, une femme a fait son entrée comme première arbitre centrale en ligue 2 française. Puis Andy Murray a choisi Amélie Mauresmo pour le coacher.

La féminisation du football a le vent en poupe. L'heure des Bleues a sonné. Ce soir, elles joueront leur troisième match de Coupe du monde au Canada, un match déterminant pour être qualifiées pour les huitièmes de finale. Leur participation réunit plus d'un million de téléspectateurs devant leur téléviseur. « La mauvaise image du football masculin, avec des joueurs gâtés et capricieux, a contribué à l'émergence du football féminin », analyse Sonia. Il lui est arrivé de se séparer de joueurs importants qui n'avaient pas « le sens des réalités », bien « trop difficiles à manager ». À la place, elle s'occupe des championnes désormais en lice pour la Coupe du monde comme Amandine Henry, Marie-Laure Delie ou Jessica Houara d'Hommeaux. Celles qui gagnent tout au plus 12.000 euros par mois, loin des millions de Franck Ribéry et de Karim Benzema.

Bientôt directrice de club ?

Un agent, lui, touche en moyenne 7 % du salaire annuel de ses clients. Seule une petite dizaine d'agents remplissent de millions leur compte en banque. Viennent ensuite une trentaine d'autres qui vivent très bien de leur métier. Puis il y a ceux qui font des coups de temps en temps, en parallèle de leur travail. Sonia fait partie de la deuxième caste. Au sein d'Essentially, la filiale française de CSM, quatrième groupe mondial dans le domaine sportif, elle gère, aux côtés de son frère, Sami, et de son collègue Patrick Estèves, tout le département football, avec des clients comme Lucas Ocampos ou Rachid Ghezzal. Ce qui n'empêche pas cette belle brune aux cheveux frisés en cascade d'être confrontée au machisme. Surtout de la part de dirigeants de clubs. Étrangement, certains préféreraient un dîner à un simple rendez-vous au bureau. L'un d'eux lui a même dit explicitement qu'un petit « plus » faciliterait la négociation. « Il y a toujours ce rapport de séduction, qui fait que tu entends ces petites phrases, ces piques, dont tu n'as pas le droit de t'offusquer, le risque étant de te fermer des portes. En tant que femme, on avale des couleuvres. C'est fatigant », affirme celle qui ne passe qu'une semaine par mois à Paris, son fief. Son emploi du temps est rempli de déplacements, en province et sur tous les continents. Peut-être trouve-t-elle un peu de répit dans les pays du Golfe, dans lesquels elle se sent à l'aise. « Au Qatar et aux Émirats arabes unis, être une femme ne pose pas de problème. Au contraire. Ils vont me recevoir et m'écouter, cela ne se fait pas de laisser une femme attendre à la porte. Avec un homme, ils seraient sans pitié. »

On ne doute pas que Sonia va encore frapper fort et réaliser quelques coups d'éclat fulgurants. Pourquoi pas en tant que tête d'affiche cette fois ? Elle l'avoue sans rougir : « Dans cinq ans, je ne me vois pas forcément encore agent. J'aimerais bien passer de l'autre côté de la barrière et diriger un club professionnel. » Pour l'instant, une seule femme a ce privilège : Pauline Gamerre, directrice générale du Red Star. Cela tombe bien : c'est Essentially qui la conseille en matière de recrutement. L'ultime entraînement avant d'entrer une bonne fois pour toutes sur le terrain ? 

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Marta, meilleure joueuse de l'histoire du football féminin

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À ce jour, Marta Vieira da Silva est la meilleure footballeuse de l'histoire. 

Depuis la Coupe du monde de football féminin, qui s’est déroulée au Canada du 6 juin au 5 juillet, on entend (enfin) parler du talent des Bleues en particulier et des footballeuses en général. Il était temps ! Zoom sur Marta Vieira da Silva, la « Zizou » du Brésil.

Elle a 29 ans, compte 77 sélections en équipe nationale et ses placards sont remplis de médailles. La « Pelé (1) en jupe », Marta Vieira da Silva, est la meilleure joueuse de football du monde. La Fifa l'a nommée 5 fois de suite meilleure joueuse de l’année, de 2006 à 2010. C’est plus que l’Argentin Lionel Messi.

Après avoir été abandonnée par son père à l’âge de 1 an, Marta grandit avec sa mère dans l’État d’Alagoas, l'un des plus pauvres du Brésil. Elle commence à jouer au foot très jeune, dans la rue, avec ses frères. À 14 ans, elle est repérée grâce sa rapidité et à la précision de ses passes par l'entraîneuse brésilienne Helena Pacheco. Marta est engagée au Vasco da Gama, basé à Rio de Janeiro. Elle y reste deux ans, jusqu'à ce que le club stoppe les activités professionnelles de son équipe féminine, et continue au Santa Cruz, le club de l’État du Minas Gerais. En 2003, alors qu’elle n’a que 17 ans, elle fait partie de la sélection nationale au poste d’attaquante. La même année, elle vivra sa première Coupe du monde aux États-Unis.

En 2004, elle change d’hémisphère pour aller jouer en Suède ; elle y disputera 103 matchs et marquera 111 buts. Un record. Après un bref passage à Los Angeles, elle jouera de 2009 à 2012 pour Santos, le club mythique de Pelé. Depuis 2012, elle évolue au FC Rosengård, en Suède. Durant la dernière Coupe du monde, elle a marqué 15 buts, mais ses efforts n’ont pas suffi à faire gagner le Brésil. C’est l’équipe américaine qui a finalement remporté le précieux titre. L’équipe est d’ailleurs composée de la principale rivale de Marta en termes de distinctions prestigieuses : Abby Wambach, qui totalise 14 buts marqués pendant le Mondial. 

L'avenir de Marta Vieira da Silva semble tout tracé. Mais nos Bleues ont, elles aussi, de solides atouts dans leur jeu : Eugénie Le Sommier, pour ne citer qu'elle, a été élue meilleure joueuse de D1 le 17 mai dernier.             

(1) Pelé c’était le joueur brésilien le plus talentueux du monde entre les années 1950 et 1970. Aujourd’hui âgé de 70 ans, il est ambassadeur pour l’Unesco et l’ONU.

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Mais qui était vraiment Oriana Fallaci ?

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La journaliste italienne reste une figure très controversée. 

Alors que le biopic qui lui est consacré sort mercredi en salle, retour sur le destin de cette brillante journaliste italienne, devenue à la fin de sa vie une polémiste critique de l'islam très controversée. 

Une résistante anti-fasciste

Oriana Fallaci naît à Florence le 29 juin 1929 dans une Europe déchirée par le fascisme. L'Italie est aux mains de Mussolini. Les parents d'Oriana, activistes politiques d'origine modeste, l'élèveront dans un esprit frondeur. La famille se bat contre le Duce et l'Allemagne nazie. À 14 ans, elle entre dans la résistance. À 17 ans, cette lectrice assidue de Jack london devient correspondante pour le journal Il Mattino dell'Italia centrale. Son oncle Bruno, lui aussi du sérail, lui donne un conseil simple : « N'ennuie jamais ton lecteur ». Oriana mise alors sur son instinct et son impertinence. 

Journaliste people puis reporter de guerre

D'abord, les paillettes. Oriana commence sa carrière journalistique en couvrant les mondanités romaines, interviewe Mastroianni et Fellini. Sophia Loren devient l'une de ses meilleures amies. Puis l'Italienne prend du grade dans la galaxie people et part vers le monde fou de Hollywood pour bavarder avec Kim Novak, Jayne Mansfield et Orson Welles. Oriana a toujours le mot qui fait plaisir. Si bien qu'elle dira de Dali qu'il est un « très grand ami de Franco et très antipathique ».

En 1960, c'est le tournant de sa carrière. Elle part en reportage en Orient pour une série sur la condition féminine. L'enfant de la résistance embrasse à nouveau la guerre en couvrant les conflits de la deuxième moitié du XXe siècle. Viêtnam, guerre indo-pakistanaise, conflits en Amérique du Sud... À Mexico City, elle sera touchée de trois balles dans le dos durant les manifestations des étudiants révoltés de 1968. Time Magazine publie les reportages de cette petite femme de 1,56 mètre et de 45 kilos. Elle devient l'un des plus grands reporters de son temps, et sa signature, une référence internationale. Elle est par ailleurs l'une des rares femmes à s'être introduite dans le milieu très viril du journalisme.

L'intervieweuse des puissants 

Pugnace, Oriana Fallaci ne connaît pas la gêne. Elle est une intervieweuse hors pair, tranchante. Chaque entretien est comme un combat, au cours duquel elle veut percer à jour sa victime. Elle fera reconnaître à Henry Kissinger que la guerre du Viêtnam, qu'elle avait couverte, fut « inutile ». L'ancien secrétaire d'État de Nixon se rappellera ensuite de cet entretien comme de « l'échange le plus désastreux que j'ai jamais eu avec un membre de la presse ». Elle passe les grands de ce monde, du dalaï-lama à Golda Meir, en passant par Indira Gandhi et Lech Walesa, sous le feu de ses questions. Son franc-parler fait des étincelles. Elle incite Ali Bhutto à raconter l'épisode de son premier mariage, forcé, alors qu'il avait 13 ans. Dit de Kadhafi qu'il est « cliniquement stupide ». Traite le couple royal espagnol d'« idiots » et Yasser Arafat d'« inculte ».

Puis il y aura cette interview tumultueuse avec l'ayatollah Khomeini, interview qu'elle a attendue pendant dix jours et pendant laquelle elle interroge le chef de la Révolution iranienne sur les motivations qui l'ont conduit à obliger toutes les femmes de son pays à se voiler. La conversation tourne vinaigre. Oriana Fallaci lui demande comment il est possible de nager avec un tchador. « Nos coutumes ne vous regardent pas, réplique Khomeini. Si vous n'aimez pas le vêtement islamique, vous n'êtes pas obligée de le porter. Parce qu'il est fait avant tout pour les jeunes femmes correctes. » « Très bien, puisque vous le dites, je vais enlever de suite cet habit médiéval stupide », lui rétorque la journaliste en se dévoilant. Plus tard, elle affirmera que l'ayatollah fut « le vieil homme le plus charmant qu'elle ait jamais rencontré », le comparant à la statue de Moïse façonnée par Michel-Ange.

Oriana Fallaci met à nu l'autre, tout autant qu'elle se met en scène en dézingueuse irrévérencieuse des grandes figures mondiales. « Elle abordait en particulier ses interviewés célèbres, chefs d'État, d'empire, de guerre ou de religion, comme un général monte à l'assaut de citadelles à abattre, se considérant comme leur égale, non par la pensée mais au sabre. Il va de soi qu'ainsi positionnée devant son miroir autant que devant ses interlocuteurs, Oriana Fallaci n'a pas fait bouger d'un pouce la Chine de Deng Xiaoping, la Libye de Khadafi ou l'Iran de Khomeyni », écrivait Élisabeth Schemla dans Le Figaro le 8 juin 2002.

L'auteur de romans

Elle tourne le dos au journalisme à la fin des années 1970 et se consacre à l'écriture de romans, qui lui vaudront d'être qualifiée de féministe, même si ses positions restent souvent ambiguës. Elle avait déjà écrit en 1962 Pénélope à la guerre, sur une journaliste qui résiste aux demandes de son petit ami pour qu'elle reste femme au foyer. En 1975 sort Lettre à un enfant jamais né, qui traite de l'avortement, de la maternité et de la famille. En 1981 paraît Un homme, livre hommage à son amant, le poète grec et activiste Aléxandros Panagoulis, mort dans un accident de voiture qu'elle suspecte avoir été orchestré par la dictature des Colonels. En 1992, elle publie Inchallah, un roman sur la guerre civile au Liban. En parallèle, elle enseigne dans les prestigieuses universités de Yale, d'Harvard et de Columbia. L'Italienne se retire à New York dans le très chic quartier de l'Upper East Side et reste silencieuse pendant dix ans.

Une des premiers intellectuels islamophobes 

Le 11 septembre 2001, Oriana Fallaci est toujours à New York quand les deux avions détournés par des terroristes d'Al-Qaïda s'écrasent sur les tours jumelles du World Trade Center. Son ancien patron, directeur du journal Corriere della Sera, l'appelle. Il veut connaître l'opinion de l'ancienne journaliste de guerre. Le 29 septembre paraît une tribune d'Oriana Fallaci qui fera grand bruit. Elle devient un essai intitulé La Rage et l'Orgueil, véritable brûlot anti-islam, qui regorge d'amalgames et de propos virulents, sans nuance. Ce sera aussi la meilleure vente de l'année 2002 en Italie, avec plus d'un million d'exemplaires écoulés. On y lit que neuf imams sur dix seraient « des guides spirituels du terrorisme », que « les fils d'Allah (...) sont des messieurs qui, au lieu de contribuer au progrès de l'humanité, passent leur temps avec le derrière en l'air, à prier cinq fois par jour », mais aussi que les musulmans « se multiplient comme des rats » et menacent les valeurs démocratiques de l'Occident. En France, Gallimard et Grasset refusent de publier l'ouvrage. Les Éditions Plon signent. Le livre paraît en France en mai 2002. Le vent se lève. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples réclame son interdiction au tribunal de grande instance de Paris. La demande est rejetée. Les éditeurs plaident la liberté d'expression. La journaliste et écrivain est devenue polémiste. Ses idées inspirent Marine Le Pen et Geert Wilders.

En 2004, elle enfonce le clou avec un deuxième essai, La Force de la raison, dans lequel elle s'auto-interviewe, se désolant que l'Europe soit « devenue chaque jour davantage une colonie de l'islam », « transformée en Eurabie ». Cette fois-ci, les Éditions Plon passent la main, et celles du Rocher récoltent le scandale. Libération parle d'elle comme de cette « vieille folle d'Oriana Fallaci, espèce de Bardot transalpine, comme elle obsédée par la pureté ethnique du continent ». Elle fustige la bienveillance des Nations unies, de l'Union européenne et du clergé, qui prône l'aide aux clandestins. Islam modéré, islam intégriste, peu importe. Pour la polémiste, il n'existe qu'un seul islam et il faut le stopper. En 2006, elle affirme dans le journal Corriere della Sera : « Cela fait quatre ans que je parle du nazisme islamique, de la guerre à l'Occident, du culte de la mort, du suicide de l'Europe. Une Europe qui n'est plus l'Europe mais l'Eurabie, qui, avec sa mollesse, son inertie, sa cécité et son asservissement à l'ennemi, est en train de creuser sa propre tombe. » Le 30 mai 2006, en réaction à la construction d'une mosquée dans sa Toscane natale, elle affirmait à un journaliste du New Yorkerêtre « prête à prendre de l'explosif pour la faire sauter ». 

Une icône italienne

Oriana Fallaci finit sa vie en se drapant dans les paradoxes. La fervente résistance anti-fasciste et laïque devient une extrémiste xénophobe et religieuse. Soudain, elle se déclare « athée chrétienne », est invitée en 2005 par le Pape Benoît XVI, qu'elle admirait pour sa défense des valeurs chrétiennes, au palais pontifical de Castel Gandolfo. Elle lègue son patrimoine personnel à l'université pontificale de Latran. Vers la fin de sa vie, celle qu'on disait féministe se serait opposée à l'avortement ainsi qu'à l'ouverture du mariage aux homosexuels. Elle meurt dans la nuit du 14 au 15 septembre 2006 à Florence, des suites d'un cancer, à 77 ans. 

En Italie, elle reste une icône incontestable. À sa mort, le Corriere della Sera lui consacre huit pages. En mars 2015, une journaliste de l'édition italienne du magazine ELLE, Cristina De Stefano, achève une biographie à sa gloire baptisée sans surprise Oriana, une femme libre. Il faut désormais ajouter à cette entreprise de réhabilitation, le biopic italien de Marc Turco, Oriana Fallaci, qui sort demain en salle et dont la bande-annonce ressemble à un film de propagande. Le réalisateur l'assure : « Raconter l'histoire d'Oriana Fallaci, c'est comme raconter l'histoire du XXe siècle. »

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Rencontre avec Delphine Ernotte-Cunci, une télévisionnaire

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Delphine Ernotte-Cunci est la première femme présidente de France Télévisions.

En poste depuis le 22 août 2015, elle est la première femme présidente de France Télévisions. Peu connue du public, l’ex-numéro 2 d’Orange a été choisie pour son projet stratégique. Dossiers de l’écran en mains dans une période sensible, la voici sous les projecteurs.

La première chose qui frappe chez elle, c’est sa simplicité. Un mélange d’ascétisme et de sérieux qui poursuit certains bons élèves et s’incarne jusque dans les traits de leur visage. Ceux qui ne la connaissent pas pourraient croire à de la froideur si le sourire spontané, presque frondeur, ne venait démentir cette impression. En ce jour d’été à la moiteur étouffante, elle nous reçoit dans ses bureaux du Ponant sur le Front-de-Seine - elle n’a alors pas encore officiellement pris ses fonctions à France Télévisions, ni totalement quitté Orange. Moquette grise, murs en aggloméré. Pour l’antichambre du pouvoir, on repassera. Un ordinateur, un téléphone portable, de nombreuses bouteilles d’eau vides attestent les longues heures passées à travailler derrière cette table nue.

Travail. Un leitmotiv. Depuis son enfance, c’est grâce à lui que Delphine Ernotte-Cunci s’est construite, imposée. À sa famille, d’abord. Ses deux parents étaient médecins généralistes à Paris. Mais, quand on lui demande d’où elle vient, Delphine évoque en premier lieu ses grands-parents, instituteurs de la République d’un côté, cheminot et commerçante de l’autre. Des origines modestes revendiquées. « Mon grand-père travaillait tout le temps, explique-t-elle. Chef de gare le jour, il fabriquait la nuit les parapluies que ma grand-mère vendait le lendemain. L’effort, il n’y a que cela qui compte dans ma famille. On peut tout faire, sauf ne pas travailler. » Elle en sourit. Avec une sœur de seize ans de plus qu’elle, reçue à Normale sup lettres à 18 ans, et un frère chirurgien, Delphine, petite dernière, a dû trouver sa voie. Elle opte pour les concours d’ingénieurs. Décroche les Mines et l’École centrale, qu’elle choisit pour son club théâtre. « À mon grand étonnement, mon père en a pleuré de fierté, se souvient-elle. Pour son propre père cheminot, les seuls vrais ingénieurs étaient les centraliens. On est toujours plus déterminé qu’on le pense. »

"Les crises ne l’effraient pas, au contraire…"

Sa mère rêve d’une jeune fille modèle, Delphine entend mener sa vie à sa façon. Et préfère, à l’atmosphère bourgeoise des étages élevés de son immeuble, l’ambiance plus chaleureuse du rez-de-chaussée, du côté de la loge de la concierge, où se jouent chaque jour les scènes d’une vie plus bouillonnante. Un mélange des genres qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère de l’Élégance du hérisson, de Muriel Barbery (éd. Gallimard).

De cette enfance composite, Delphine a gardé le goût d’une vie ancrée dans la réalité et cultivant l’imaginaire, comme celle qu’elle mène avec son mari Marc Ernotte, metteur en scène de théâtre - elle-même écrit des pièces et les joue - et leurs deux enfants. La maternité ? Elle lui est « tombée dessus », explique cette mère poule : « Quand nos enfants étaient petits, mon mari partait souvent en tournée. Je ne sais pas comment je faisais, mais je me débrouillais pour être là. De toute façon, je ne l’ai pas décidé : cela s’est imposé à moi. »

Chez Delphine Ernotte-Cunci, le goût du risque le dispute sans cesse à la quête d’harmonie. « Dans chaque période de crise traversée, comme durant l’offre offensive de Free en 2012, elle était là, combattante, témoigne Michel Jumeau, directeur marketing d’Orange. Les crises ne l’effraient pas, au contraire : elles l’amusent presque. Elle ne laisse pas ses équipes partir seules au front. Elle sait trouver les bons mots, parler avec ses émotions, livrer bataille avec ses tripes. Cette proximité opérationnelle est très rare. » Aller au feu tout en ménageant la base ; naviguer dans l’exercice du pouvoir et rester à l’écoute du terrain : il y a de l’amplitude de gamme chez cette chef d’orchestre qui inspire visiblement le respect à ses équipes.

Vingt-cinq ans chez Orange

Son obsession ? Être jugée sur son projet et ses résultats.

Cela suffit-il pour devenir la première femme présidente de France Télévisions ? Surtout en ayant fait sa carrière chez Orange ? Sa légitimité s’est construite sur le terrain. Trois hommes lui feront gravir les échelons : Thierry Breton, qui la nomme directrice opérationnelle à 38 ans. Louis-Pierre Wenes (ex-numéro 2 d’Orange), qui lui confie la communication du groupe en 2006. Et Stéphane Richard, l’actuel président d’Orange, qui la propulse directrice générale en 2009. Est-ce vraiment là le réseau puissant qu’on lui prête et lui reproche ? « Je leur dois tout », avance-t-elle. Et d’abord de l’avoir promue… malgré elle. « Quand Thierry Breton a voulu sélectionner des directeurs régionaux, il a réuni tous les candidats et a demandé à chacun deux de leurs qualités majeures. Tous déroulaient leur CV, passés par des cabinets ministériels. Quand est venu mon tour, accablée, j’ai répondu : "Si vous me demandez si je peux remplacer mes patrons actuels, ma réponse est non."Ça l’a assis. Pendant trente minutes, il m’a soutenu que, lorsque plusieurs routes se présentent, il faut choisir la plus difficile. Aujourd’hui encore, il me conseille. »

Le tournant de sa carrière reste la crise sociale doublée de la crise des suicides chez Orange - qui déterminent la décision de Stéphane Richard de la nommer DG. « Il s’est dit qu’une femme, venant du terrain, ce serait bien », analyse Delphine Ernotte-Cunci. Il a fallu affronter les familles, les équipes. Les larmes pointent encore aujourd’hui quand elle évoque le suicide de ce salarié immolé par le feu devant l’usine de Mérignac en 2011. Alors, « bien », dans ce contexte, qu’est-ce que cela voulait dire ? « Elle a remis toute l’organisation du groupe à plat, depuis la base, pour traquer les incohérences, poursuit Michel Jumeau. Tout en remettant l’expérience client au cœur du dispositif, avant la technique. »

"Elle sait déléguer et trancher au final"

Elle constitue autour d’elle une équipe de personnalités fortes, mais sans batailles d’ego - « un peu comme les Bleus en 1998, sourit une de ses collègues chez Orange. C’est son côté Aimé Jacquet. Elle sait déléguer, et trancher au final. » 
Mais alors, pourquoi France Télévisions ? « Aucun poste chez Orange ne me plaisait autant que celui que j’occupais en dernier, répond l’intéressée. Après vingt-cinq ans, j’ai dit à Stéphane (Richard, NDLR) : “Mon avenir est ailleurs, sinon je vais mourir ici, placardisée et has been.” » À dire vrai, ce poste à France Télévisons, Delphine Ernotte-Cunci en rêvait. « C’est un peu un choix fou, admet-elle, aucun président n’est jamais renouvelé à l’issue de son mandat de cinq ans. » Sans revenir sur la polémique qui a entouré sa nomination par le CSA, où il a beaucoup été question de son absence d’expérience dans la télévision, comment va-t-elle gérer la production télévisuelle - 500 millions d’euros de budget par an -, et quelque 10.000 salariés ? Dans un contexte financier où beaucoup ont à gagner ou à perdre, comment l’approcher, se l’allier ? Clairement, sa nomination n’a pas fait que des heureux. L’intéressée (qui gérait un chiffre d’affaires de 19 milliards d’euros chez Orange…) laisse passer l’orage. Et sourit. « Après vingt-cinq ans chez Orange, un ancien groupe public, où 60 % des salariés sont encore fonctionnaires, et où coexistent une stratégie nationale et d’importantes antennes régionales, je me retrouve parfaitement dans ces enjeux. Il y a quelque chose à faire ici pour lutter contre le désenchantement, redonner la fierté de travailler pour une chaîne du service public, contrer un certain défaitisme. Les usages changent, et aujourd’hui les jeunes regardent la télé via des téléphones ou des tablettes, ce qui est complètement mon métier. » Son obsession ? Être jugée sur son projet puis sur ses résultats.
« Je veux rebooster la production télé, redevenir une référence dans le monde entier pour mieux nous vendre à l’international et gagner de l’argent - car la manne de l’argent public a aussi ses limites, rappelle Delphine Ernotte-Cunci. Je veux aussi créer une chaîne d’info conçue d’abord sur smartphone. Plein de choses ont été faites et bien faites à France Télévisions, mais le numérique a été conçu à côté des chaînes traditionnelles. Il faut croiser les deux. » Quitte à créer des chaînes avec YouTube, façon BBC. Autre projet qui lui tient à cœur, une plateforme jeunesse autour de la chaîne France 4.

Comment réinventer la télévision

Enfin, elle veut renouveler les émissions politiques avec une valeur ajoutée propre à la télé. « Tout le monde lit l’info sur le Net, sur Twitter… Il faut trouver une façon d’éclairer une actualité de plus en plus rapide et complexe, peut-être multiplier les points de vue façon “Tu es pour ou tu es contre”, comme à propos du nucléaire en Iran, par exemple. C’est un de nos défis. »
« Peut-être ne faut-il pas réinventer cette télévision de façon endogame, ajoute-t-elle, mais avec le concours d’auteurs du monde universitaire, de nouveaux formats d’écriture, de start-up qui réinventent les formats, avec des algorithmes qui permettent de séquencer les programmes en des entités de 2 minutes rapidement consommables. L’innovation technologique peut changer la façon de faire lien avec le digital. »
En guise d’innovation, Delphine Ernotte-Cunci a commencé par nommer comme directeur de cabinet Stéphane Sitbon, 27 ans, ex-directeur de cabinet de Cécile Duflot (mais ayant quitté la politique depuis), jeune prodige de Sciences Po, qui écrivait ses premiers discours à 17 ans. Nomination qui a fait grincer des dents. « Avec lui, c’est la rencontre qui a primé, explique Delphine Ernotte-Cunci. Il est brillantissime, gentil, bourré d’humilité, et drôle. J’ai eu un coup de cœur. Qu’il ait été vert, bleu ou rose n’a aucune importance. C’est tellement rare et précieux de travailler autant en confiance avec quelqu’un. » Le bilan de Delphine Ernotte-Cunci parlera pour elle. Enquête faite, là où certains craignent déjà d’en voir de toutes les couleurs, d’autres entrevoient clairement dans sa venue une lueur d’espoir. Quelque chose nous dit qu’elle devrait en étonner plus d’un…

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Marlène Schiappa, la lobbyiste des mères qui travaillent

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Marlène Schiappa est la fondatrice du réseau Maman travaille.

Elle est la fondatrice du blog Maman travaille, auteure et élue à la mairie du Mans. Rencontre avec cette chantre de la conciliation entre vie privée et vie pro.

Marlène Schiappa n'est pas Sheryl Sandberg, ni Hillary Clinton, ni Beyonce. Mais au jour le jour, elle fait avancer la cause des femmes. Élue du Mans, fondatrice du réseau Maman travaille, devenue mère à 24 ans, elle évangélise depuis huit ans entreprises et politiques à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Cette prophétesse inattendue a offert une brèche d'oxygène aux mères actives asphyxiées. Brune spontanée aux origines corse et italienne mêlées, elle porte l'Ile de Beauté en pendentif en or autour du cou et une bague en plastique bleue au doigt. Et se raconte avec candeur.

Depuis 2008, Marlène est à la tête d'un véritable lobby : Maman Travaille. À l'origine, un blog sur la conciliation vie privée vie pro, muté en réseau de mamans charbonneuses aux milliers de membres. On y trouve, en vrac, articles coups de gueule décomplexés de Marlène, conseils de coaching, interviews, initiatives et start-up parents-friendly. Les débuts sont prometteurs, et vite, Yahoo! décide d'héberger ce site, qui attire 6 000 visites par jour. Fleurissent également des réunions locales en région dans les cinq plus grandes villes de France, la publication d'une dizaine de guides de conseils et de coaching pour les mères actives, la journée annuelle de Maman travaille. La prochaine se tiendra le 8 décembre au ministère des Affaires sociales et affiche complet, avec un simple post Facebook en guise de campagne publicitaire.

L'Assemblée nationale, le Sénat, le ministère des Droits des femmes et Najat Vallaud-Belkacem, en pleine construction de la loi pour l'égalité professionnelle, la sollicitent. Début novembre, elle sort un nouveau livre, Plafond de mère, pour pointer du doigt les freins au travail des femmes avec enfants, à savoir : l'auto-censure, l'entreprise peu parent-friendly et les pouvoirs publics. Sa prochaine bataille : faire signer un pacte de transparence aux mairies des grandes villes pour qu'elles s'engagent à publier les critères d'attribution des places en crèche. « Il manque des milliers de places en crèche. Beaucoup de parents ne postulent même pas parce qu'ils pensent que cela marche uniquement au piston, alors que c'est un service public. Il n'y a pas de volonté de la part des politiques, quelque soit le parti, de s'emparer du sujet. 27% des députés sont des femmes, la plupart des gens qui font les lois n'ont jamais eu à se poser la question de la garde de leur enfant ». 

« Des histoires de bonnes femmes »

Elle a fait son premier enfant à 23 ans. À l’époque, Marlène travaille chez Euro-RSCG et a des horaires incompatibles avec la maternité. La réalité la frappe de plein fouet. « Le plus gros frein quand on travaille et qu’on a des enfants ce sont les horaires : la culture du présentéisme, le fait que pour progresser il faut rester tard au bureau… ». Marlène monte sa propre boîte pour conjuguer ses deux amours. Mais l’indignation la gagne. Nous sommes début 2007 et le sujet de la conciliation vie privée-vie pro n'emballe personne. « Des histoires de bonne femme », dit-on. Comment est-ce possible de mener les choses sur les deux fronts en combinant ses horaires ? Comment trouver une crèche, un mode de garde, conserver son emploi ?, s'interroge la jeune femme. « L'observatoire de la parentalité en entreprise n'existait pas, ni l'observatoire de la responsabilité sociale, ni le ministère des droits des femmes, contextualise-t-elle. Les magazines féminins ne parlaient jamais de la vie des mamans qui travaillaient, même dans Neuf Mois. Mais moi je vivais tout ça au quotidien. Je voulais savoir comment les autres mères faisaient ». Personne n’occupe le boulevard des mères actives. Après avoir lancé un premier blog Les Pasionaria (un flop), Maman Travaille voit le jour, et prend une bonne part du gâteau.

Dans cet élan, Marlène tente de lancer le pendant testéroné du blog : Papa travaille. Résultat : 100 visites par jour et des commentaires postés essentiellement par des femmes. Un flop. « En Suisse, au Canada ou en Belgique, les pères s'expriment beaucoup plus. En France, c'est tabou. Les hommes aussi sont brimés par les stéréotypes. Quand ils veulent poser un jour de congé car leur enfant est malade, on leur demande avant tout si leur femme ne peut pas s'en charger. Il est toujours considéré comme le parent de substitution. Dans la convention collective du secteur de la pub, un père ne peut prendre un congé "enfant malade" que s'il est veuf et a une famille à charge. C'est dire ». 

Son mari, lui, n'a pas vraiment le temps d'aller chercher leurs deux filles de 4 et 8 ans à la sortie de l'école. Ce manager a deux heures de transport tous les jours entre la gare Montparnasse à Paris et Le Mans, où le couple a déménagé il y a deux ans. Tant pis pour la répartition parfaite des tâches. « Oui, j'en fais plus, factuellement, car je garde mes enfants tous les mercredis mais c'est mon choix, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Après, on peut toujours se demander si nos décisions sont éclairées ou conditionnées par des stéréotypes. Les femmes se mettent trop de pression à vouloir être belles et soignées, avoir la carrière d'Hillary Clinton, des enfants bien élevés et une jolie décoration. Moi, par exemple, j'ai renoncé à être une femme d'intérieur, qui tient bien sa maison ».

Ne jamais s'excuser

Marlène fait comme elle peut. L’imperfection ne la dérange pas et le regard des autres, si peu. Être mère active n’est pas une tâche évidente mais elle serait bien la dernière à s’excuser. « J'amène souvent mes filles aux réunions à la mairie du Mans et je ne demande pas l'avis des autres. Ça peut paraître malpoli, mais les réunions ont lieu à 18h00, la pire heure pour moi : elles sortent de l'école et mon mari n'est pas revenu. Mais si les gens ne jouent pas le jeu en fixant des réunions plus tôt, je ne joue pas le jeu non plus et j'arrive avec mes deux enfants ». 

Les débuts en politique ont été tout à la fois enchanteurs et difficiles. En 2013, à peine installée au Mans, le maire de 70 ans, avisé du succès de Maman travaille, lui tombe dessus pour proposer de rouler avec lui. Marlène Schiappa devient adjointe au maire, sans être affiliée à aucun parti, et femme qui plus est. « Tous les jours, j'apprenais que j'avais couché avec une nouvelle personne ! » se rappelle-t-elle. Aujourd'hui, les esprits se sont apaisés. Et si la politique lui ouvrait les bras ? « Je ne me ferme pas de porte mais je ne fais pas de plan de carrière ».

Rien n’est vraiment prévisible avec Marlène. Le livre qu’elle a écrit l'an dernier, Pas plus de quatre heures de sommeil, dans lequel une mère de famille et une carriériste s'entraident, sera bientôt adapté au cinéma par Mélissa Theuriau, qui a acheté les droits. « Le sujet l'a touchée. Nous nous sommes rencontrées plusieurs fois. Elle avance sur le scénario en ce moment. Chez Stock, ils m'ont dit qu'ils n'avaient jamais vu quelqu'un d'aussi investi ». Le livre en est à sa deuxième réédition et a déjà été traduit en plusieurs langues. L'édition tchèque du livre a été affublée d'un macaron stipulant « maternité à la française » alors que l'édition espagnole a choisi une couverture bleu blanc rouge et même incrusté les noms d'Inès de la Fressange et Charlotte Gainsbourg dans la quatrième de couv'. L’art du marketing.

Elle aurait pu se dire que tout ceci n’arriverait jamais. Que les problèmes des mères actives n’intéressent personne, sont trop compliqués. Avec cette naïveté particulière, Marlène a constaté, parlé et influencé. Les choses ont l'air simple quand on ne s'empêtre pas dans le fatalisme. Même quand son train part dans seulement 4 minutes. « Je suis vraiment désolée, il faut que je file », lâche-t-elle soudainement. Marlène court, rate son train, négocie avec le contrôleur pour grimper dans un autre, en surnombre. Son humble sourire l'emporte. Parfois, il suffit d'y croire.

Pas plus de quatre heures de sommeil, de Marlène Schiappa, aux Éd. Stock, 336 pages, 19,50 euros.

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L'histoire bouleversante de Hyeonseo Lee, qui a fui la Corée du Nord

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Hyeonseo Lee vit aujourd'hui en Corée du Sud.

A 17 ans, elle pensait partir pour quelques jours. Elle n'a plus revu sa famille pendant 14 ans. Réchappée de la dictature nord-coréenne, Hyeonseo Lee raconte cet exil douloureux, comment elle a fait évader ses proches et le goût parfois amer de la liberté dans La fille aux sept noms.

Hyeonseo Lee n'a jamais voulu s'enfuir de Corée du Nord. Au moment où la famine frappait le pays, révélant un spectacle morbide de gisants et d'enfants perdus dans la rue, la jeune fille regardait, captivée, les images surréelles de la télévision chinoise, dont on capte les ondes depuis la ville frontalière de Hyesan où elle habitait avec sa mère et son frère. Ses yeux se sont écarquillés devant les émissions colorées et les publicités opulentes où les gens portaient jeans, bijoux, maquillage. « En Corée du Nord, tout cela était interdit, c'étaient des éléments du capitalisme, donc de la déchéance ». Elle avait toujours cru vivre dans le « meilleur pays au monde » jusqu'ici. Puis la curiosité l'a emporté sur la conscience du danger, l'illégalité et le dernier regard de sa mère ce soir où elle avait prétexté une visite chez une copine pour partir de la maison le soir. Elle a traversé la frontière : un fleuve de onze mètres de large qui sépare la Corée du Nord de la Chine. À peine un dernier regard envoyé vers sa ville natale. L'échappée belle était censée durer quelques jours seulement. 

Hyeonsoe Lee n'a revu sa mère que quatorze ans plus tard. La même qui lui a dit au téléphone de ne pas revenir en Corée du Nord. Sa fuite avait été remarquée et le poids des soupçons était trop lourd pour prendre le risque d'un retour incognito. Condamnée à l'exil, Hyeonsoe a vécu clandestine en Chine plusieurs années, avant de s'installer en Corée du Sud. Puis de repartir à la frontière sino-coréenne pour faire évader sa mère et son petit frère. Cette histoire de miraculée, elle la raconte dans une biographie, La fille aux sept noms (1). Pourtant, elle ne voulait pas écrire de livre. « Je me serais retrouvée comme nue face au monde, ceci est ma vie privée. Je portais déjà ce fardeau, j’avais déjà tant souffert, je n’en voulais pas plus ». Mais le million et demi de vues sur Youtube de sa conférence TEDx en 2013 et la vague de soutiens et d'encouragements qui ont suivi l'ont convaincue. Rares sont les échappés du régime dictatorial. Et parce qu'ils sont encore plus rares à parler à découvert, le récit de Hyeonsoe Lee a fasciné. 

L'ignorance comme gage de bonheur

Elle vient d'un autre monde, reclus, archaïque. Un monde où elle a à peine entendu parler de l'Afrique et de l'Europe. Les leaders de la dynastie Kim sont des dieux, gardiens du peuple face au capitalisme destructeur des « Yankees ». En leur présence, « les fleurs s'ouvraient et la neige fondait », racontait la maîtresse d'école. L'unique chaîne de télévision mentionne leurs noms des centaines de fois par jour. Leurs portraits sont affichés dans chaque maison et une

brigade spéciale effectue des visites impromptues pour vérifier leur bon entretien. Petite, Hyeonsoe les pointait du doigt innocemment, avant que sa mère la rabroue d'un : « Ne fais plus jamais ça ». Dans ce monde, assister aux exécutions était obligatoire à partir de l'école élémentaire. Le moindre mot de travers est suspect. La délation est imposée par le régime. Le jour de la mort de Kim Il-sung, en 1994, Hyeonsoe a craché dans ses mains pour humidifier son visage, mimer les larmes à l'école et ne pas être suspectée. Là où chacun est un ennemi pour l'autre, une véritable solidarité soudait les êtres. Par chance, sa famille appartenait à un rang bien vu par le régime et ne manquait de rien. Hyeonsoe y a vécu une enfance heureuse. « Je ne savais pas ce qu'était la liberté, la démocratie... Pourquoi aurais-je voulu m'échapper ? »

L'ignorance aurait pu lui garantir une vie moins tourmentée. Hyeonsoe en est quasiment persuadée : elle aurait été heureuse en restant là-bas. Ce pays horrible que le reste du monde pointe du doigt, la jeune femme l'aime de tout son coeur. « Les gens s’attendent à ce que je ne regrette rien de la-bas, confie-t-elle. Mais tous mes amis, mes souvenirs et mes proches sont là. Comment je pourrais les détester ? ». Souvent, elle imagine avec sa mère ce qu'aurait été sa vie si elle n'avait jamais traversé la rivière ce soir de décembre 1997. « Je serais mariée, mère de famille, une femme ordinaire en somme. Si je pouvais revenir en arrière, en sachant que je ne reverrais pas ma famille, aurais-je traversé ? La réponse est non. Ce que j'ai vécu n’était pas la vie dont je rêvais ». 

Hyeonsoe Lee a raconté son histoire en 2013 lors d'une conférence TEDx. En arrière-plan, la rivière qui constitue la frontière entre la Chine et la ville de Hyesan.

Double culpabilité

« Et si, et si »... Sa vie n'a jamais été linéaire, la coréenne semble avoir épuisé les chemins tortueux.  Son cerveau fait des va-et-vient entre le réel et l'irrationnel, à l'image des deux mondes extrêmes qu'elle a connus. Comme un schizophrène sur un fil, entre le mal du pays et une liberté acquise, mais qui ne suffit pas à  satisfaire. Hyeonseo a songé maintes fois à rentrer en Corée du Nord. Les questions l'assaillent sans cesse. Le lot des exilés. Aujourd'hui, elle est libre mais très fatiguée.

La liberté dont elle est devenue l'étendard a un prix. Des cauchemars pendant dix ans et la séparation avec sa famille. « Ça vous tue mentalement de savoir que vous n'allez sûrement jamais les revoir ». La culpabilité l'a rongée pendant quatorze ans. Quand elle a finalement retrouvé ses proches après une fuite abracadabrante à travers la Chine (qui traque les transfuges) le happy end avait un goût amer. « Ma mère voulait me revoir, mais elle a dû laisser derrière elle ses frères et soeurs et tous les proches avec lesquels elle a 60 ans de souvenirs. Mon frère, lui, a abandonné sa fiancée là-bas. Il a failli y retourner. Je me suis demandée ce que je leur avais fait ». Déchirée entre une vie de solitude et le combat pour les belles idées, la transfuge se refuse à dire que la liberté ne valait pas tous ces tourments. 

« Aurais-je imaginé publier un livre à Paris et voyager à travers le monde ? Jamais », sourit-elle, assise sur une chaise au siège des éditions Stock, emitouflée dans sa parka matelassée, bien maquillée. La vie a repris son cours. Son époux, l'Américain Brian, l'attend à l'hôtel. Ils se sont mariés l'an dernier, au centième étage d'une tour de Chicago, dans « l'antre du monstre impérialiste ». Ils vivent à Séoul le reste de l'année. Le frère de Hyeonsoe lui aussi s'est marié, sa mère tente de soigner sa nostalgie. À chaque jour son petit émerveillement. Hyeonsoe Lee se laisse subjuguer par l'Europe et tous ces monuments « qui sont restés debout pendant des siècles ». Aujourd'hui, elle devrait aller revoir la Tour Eiffel. « Je n'en avais jamais entendu parler alors que c'est la tour la plus connue au monde », s'agace-t-elle. 

La Nord-coréenne a beaucoup de choses à rattraper. « Nous n'avons appris que des choses fausses à l'école en Corée du Nord pendant toutes ces années. J’ai l’impression de venir d’une société ancienne et de manquer de temps pour tout apprendre ». Elle dévore les films historiques, dit adorer ceux sur l'Holocauste et les nazis. « Avec les fictions, je sens que je perds mon temps. Je veux voir des histoires vraies, notamment les films sur la fin du communisme, pour m'inspirer ». Après avoir étudié l'anglais et le chinois, Hyeonsoe, 35 ans, se dirige vers des études de relations internationales. Son avenir ne se conjugue qu'avec la Corée du Nord, dont le deuil est impossible. « Quand la frontière s'ouvrira de nouveau, ce sera le chaos pour les Nord-coréens qui se sont fait laver le cerveau. Ils auront besoin d'aide. Je pourrai les aider car j'aurais expérimenté tout cela, la démocratie, la capitalisme, le monde réel, avant eux. Tout ce que j'entreprends aujourd'hui me prépare à ce jour ». 

La fille aux sept noms, de Hyeonseo Lee, co-écrit avec David John aux Éd. Stock,  351 pages, 21,50 euros.

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Ces start-up qui veulent bonifier le monde

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De gauche à droite, Hugo Mercier et Quentin Soulet de Brugière, fondateurs de Dreem, avec Sandra Rey, fondatrice de Glowee.

Le Women’s Forum vient d'ouvrir à Deauville, avec le slogan “Energizing the world !”. Madame Figaro a rencontré des hommes et des femmes qui injectent dans nos vies un supplément d’humanité. Des antibiotiques intelligents, une école numérique solidaire, des fermes solaires… Les grands défis de la société inspirent les cracks de la French tech. 

« Changer le monde ! » Des bancs de Polytechnique aux incubateurs les plus pointus, les petits génies de la French tech ont les yeux qui brillent en prononçant ce nouveau mantra de l’ère digitale. Il émane de leurs corps une énergie physique palpable tant leur conviction est forte. Utopistes ? Pas seulement. « Face à l’accélération technologique, nous sommes comme Alice au pays des merveilles : à la fois excités et terrifiés, analyse Clara Gaymard, présidente du Women’s Forum 2015 (1) et PDG de General Electric France. Pour la première fois dans l’histoire, cette révolution peut résoudre le problème de l’accès aux besoins vitaux (eau, énergie, santé, éducation) de la population mondiale… », ajoute-t-elle. « Madame Figaro » a choisi de mettre en valeur cette énergie positive et enthousiasmante, qui imprègne - aussi - l’époque, à travers huit start-up innovantes. Elles sont portées par des femmes et des hommes, ingénieurs, data experts, chercheurs entrepreneurs en biotech ou en cleantech, adeptes de l’open source, de l’intelligence collective et du crowdfunding. Pas un de ces « hack-givers » du XXIe siècle interrogés ne rêve d’un destin à la Mark Zuckerberg, milliardaire à 23 ans. Leur désir ? Avoir un impact social et donner du sens à la révolution technologique.

Simple épiphénomène ? « Pas du tout, estime Michel Lévy-Provençal, fondateur des conférences TEDxParis et de L’Échappée Volée (2), un catalyseur de start-up fondées sur l’intérêt général. Les grandes industries du XXe siècle (tabac, pétrole, armes) n’avaient pas de morale. Confrontée à des crises systémiques, la génération Y est davantage portée par la quête de sens que par l’appât du gain. Internet lui a aussi donné la capacité de voir le monde de façon plus globale et prégnante. De plus en plus de start-uppers cherchent à être des acteurs positifs du monde, c’ est un des marqueurs forts du XXIe siècle. »

Pour Nicolas Bouzou, membre de cette jeune garde des économistes (3), la crise de 2008 a joué le rôle d’électrochoc. « Jusque-là, les diplômés des grandes écoles s’orientaient plutôt vers la finance. Depuis la crise, ils se dirigent vers l’entrepreneuriat avec le désir de réconcilier performance et responsabilité. » Autre indice : la plupart des grandes business schools, telles HEC, l’Essec ou l’université Paris-Dauphine, se sont récemment dotées de chaires d’entrepreneuriat social. « On assiste au retour des valeurs humanistes de la Renaissance », estime Nicolas Bouzou. Le chercheur François Taddei, fondateur du CRI (Centre de recherches interdisciplinaires), qui collabore intellectuellement avec ces nouveaux entrepreneurs, estime qu’« il y a une nécessité pour cette génération d’être créative. C’est même devenu essentiel à leur employabilité. Ils veulent se poser des questions et être capables de trouver leurs propres solutions ». Plongée dans cet écosystème vivifiant qui réinjecte de l’éthique et du collectif dans la révolution technologique.

 

Stéphanie Delestre 45 ans (à gauche), CEO et fondatrice de Qapa


Votre utopie ?
J’ai été marquée par l’histoire de ma mère, licenciée à 55 ans par un grand groupe. Vingt ans plus tard, elle m’en parle encore. Après avoir travaillé dans le numérique pendant quinze ans (pour le groupe TF1 puis à la tête de start-up), à 40 ans, je me suis inscrite à Pôle emploi pour la première fois de ma vie. J’ai rencontré des femmes de 50 ans bourrées de compétences
et des jeunes filles de cités hyperdébrouillardes, mais en marge du marché du travail. J’étais sidérée. Il y a six millions de chômeurs en France, et neuf cent mille emplois non pourvus. J’ai alors lancé Qapa.fr, un site de recherche d’emploi qui ne met pas en avant les métiers, mais valorise les compétences. Une vendeuse a les mêmes qualités relationnelles qu’une assistante dentaire ! Nos algorithmes ouvrent le spectre de la recherche et « matchent », en temps réel, candidats et recruteurs. L’objectif ? Fluidifier le marché du travail et remettre l’humain au cœur du système.

Son impact ?
Qapa compte vingt salariés, quatre millions d’inscrits et deux cent mille nouveaux candidats chaque mois. Je reçois des e-mails très forts. Des jeunes de banlieue qui signent leur premier CDI ou des seniors qui rebondissent professionnellement. Cela me motive et me donne encore plus d’énergie !
www.qapa.fr
 

Lætitia Chabannes 27 ans (à droite), fondatrice de What if Community

Votre utopie ?

Il y a un an, j’ai hébergé une amie en master de droit. Elle n’avait plus un sou pour se nourrir, se loger, s’habiller. Elle voulait arrêter ses études. Je trouvais insupportable qu’à 20 ans nos désirs soient suspendus à une question d’argent. En France, un étudiant sur quatre, soit six cent mille jeunes, rencontre des difficultés financières. Comment trouver les trois mille euros que coûte en moyenne une année d’étude ? Diplômée de l’École de commerce de Lyon, j’ai créé What if Community, la première plateforme de crowdfunding qui finance les études supérieures. Les contributeurs ? Des salariés qui veulent accompagner des étudiants, souvent engagés dans la même filière. En retour, ils ont le plaisir de transmettre leur expérience.

Son impact ?
Il est possible de reconnecter l’enseignement supérieur et les entreprises, et ce crowdfunding devrait permettre aux sociétés de booster leurs talents de demain. À droite sur la photo.
www.whatifcommunity.com

Éric Scotto 48 ans (à gauche) CEO d’Akuo Energy

Votre utopie ?
Pionnier du Web, j’ai monté mes premières start-up au début des années 1990, en pleine bulle Internet. Mais après cette folie spéculative, à la naissance de mon deuxième enfant, j’ai vu la vie différemment. Je voulais construire un monde plus durable. Début 2000, je me suis lancé dans les énergies renouvelables. Par l’éolien d’abord, puis le solaire, la biomasse et les énergies marines. Akuo s’est spécialisé dans les îles, gorgées de vent, d’eau et de soleil. La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, la Corse, l’Indonésie… Je les aide à accéder à l’autonomie énergétique en développant des fermes solaires qui combinent panneaux photovoltaïques et agriculture locale, raisonnée ou bio. L’innovation, c’est qu’elles peuvent stocker l’énergie dans des batteries au lithium-ion.
Son impact ?
Lauréat du prix My positive impact de la Fondation Nicolas Hulot, Akuo Energy compte deux cent trente salariés, treize bureaux, dont huit à l’étranger, et cent quatorze millions d’euros de chiffre d’affaires. Premier producteur français indépendant d’énergie propre, je veux accélérer
la transition vers une société postcarbone.
www.akuoenergy.com/fr
 

Erwan Kezzar 29 ans (à droite), fondateur de Simplon

Votre utopie ?
Élevé par une mère célibataire, diplômé du Celsa, je ne pouvais pas me payer une école de codage informatique. Alors j’ai appris seul. Quand j’ai vu la rapidité d’apprentissage et les besoins du marché (il manque environ cinquante mille développeurs en France), j’ai décidé d’agir. J’ai créé Simplon, une école solidaire à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, qui propose une formation gratuite et intensive de six mois pour apprendre à créer des sites ou des applis. Simplon cible des personnes sous-représentées dans le numérique : des femmes, des seniors, des jeunes en difficulté… La motivation est le seul critère de sélection. Et ça marche : 87 % de nos élèves trouvent un job après leur formation !

Son impact ?
L’école a ouvert une quinzaine d’antennes, en France mais aussi en Roumanie, en Afrique du Sud, créées par d’anciens « simploniens » devenus formateurs. J’aimerais rendre le codage accessible à tous, car c’est le langage universel de demain.
www.simplon.com


 

Xavier Duportet 27 ans, CEO d’Eligo Bioscience 

Votre utopie ?
Bachelier à 16 ans, j’ai soutenu ma thèse en biologie synthétique au MIT (Massachusetts Institute of Technology), à Boston. Pas question que mes inventions finissent sous la poussière d’une étagère. Au CRI (Centre de recherches interdisciplinaires), j’ai rencontré David Bikard, un chercheur qui étudiait la résistance aux antibiotiques. En 2050, ce fléau causera dix millions de morts dans le monde, soit plus que le cancer. Ensemble, nous avons
lancé Eligo Bioscience, une start-up incubée à l’Institut Pasteur. Notre idée ?
Créer une nouvelle génération d’antibiotiques intelligents et ultra-ciblés.
Ces robots moléculaires ne s’attaqueront qu’aux mauvaises bactéries
en séquençant leur génome, tout en préservant la flore bactérienne.

Son impact ?
Élu innovateur de l’année par la revue du MIT, j’ai levé deux millions d’euros, pour une mise sur le marché de notre médicament d’ici à huit ans. J’ai aussi créé Hello Tomorrow Challenge, à la Cité des sciences, qui récompense les start-uppers qui veulent changer le monde. Ma génération n’est ni pessimiste ni individualiste. Quand on grandit en ayant conscience des dégâts de l’industrialisation massive, on a plus envie de sauver des vies que de s’en mettre plein les poches.
www.eligo-bioscience.com

Julie de Pimodan 31 ans, fondatrice de Fluicity

Votre utopie ?
J’ai travaillé comme reporter au Moyen-Orient pour la BBC et le « New York Times », puis en tant que business manager chez Google en Turquie. En 2013, à Istanbul, j’ai assisté aux manifs anti-Erdogan. La force de mobilisation des réseaux sociaux, qui défiaient la censure, m’a frappée. De retour en France, j’ai vu que 40 % des Français n’avaient pas voté aux élections municipales ! Une idée a surgi : et si j’utilisais le digital pour rapprocher élus locaux et citoyens ? Fluicity est née début 2015. Elle offre à chaque mairie une interface innovante,
fluide et interactive, avec un agenda collaboratif, des infos hyperlocales, géolocalisées et personnalisées pour chaque citoyen. La mairie peut repérer et faire remonter les problèmes de sa commune ou les idées qui ont généré le plus de likes.

Son impact ?
Fluicity m’a valu le prix MIT du jeune innovateur de l’année, et le soutien de L’Échappée Volée, l’incubateur de la communauté TEDx. Une quarantaine de villes m’ont contactée pour tester l’appli, ainsi que plusieurs fonds d’investissements. Je veux moderniser la citoyenneté
et rendre le vivre-ensemble plus cool et désirable.
www.flui.city
 

De gauche à droite, Hugo Mercier et Quentin Soulet de Brugière, fondateurs de Dreem, avec Sandra Rey, fondatrice de Glowee.

Hugo Mercier et Quentin soulet de brugière 23 ans et 24 ans, cofondateurs de Dreem

Votre utopie ?
Polytechniciens tous les deux, nous avons toujours été tentés par l’entrepreneuriat. Créer un énième gadget high-tech ne nous intéressait pas. Nous voulions avoir un impact positif. Pendant nos études, nous avons travaillé sur le sommeil avec des neuroscientifiques de l’ICM (Institut du cerveau et de la moelle épinière). Un tiers des Français souffrent de troubles du sommeil, liés, notamment, au stress professionnel. Cela entraîne une plus grande vulnérabilité au diabète, à l’obésité, aux maladies cardio-vasculaires… Nous avons imaginé un bandeau connecté très léger, Dreem, bourré de micro-capteurs et évolutif. Grâce à des algorithmes « apprenants », Dreem améliore, nuit après nuit, la qualité et la durée du sommeil profond. On a déposé plus de vingt brevets et recruté trente-cinq personnes.

Son impact ?
Dreem pourrait devenir un objet aussi banal et indispensable à notre santé qu’une brosse à dents. Car le sommeil profond consolide la mémoire, renforce nos défenses immunitaires, améliore les capacités cognitives. On se lève plus énergique le matin, et de bien meilleure humeur ! 
www.dreem.com


Sandra Rey 25 ans, CEO de Glowee

Votre utopie ?
J’ai eu l’idée de Glowee en regardant un film sur les poissons des abysses. Et si l’on éclairait les villes avec ces organismes marins bioluminescents ? Étudiante en master de design industriel, j’ai imaginé un éclairage urbain écolo et renouvelable, fondé sur le biomimétisme. J’utilise des solutions de bactéries bioluminescentes cultivées en laboratoire et injectées dans des feuilles de résines transparentes. Ce projet m’a valu le prix ArtScience 2013. Et une vingtaine de groupes industriels m’ont contactée. Après une formation à l’entrepreneuriat social à l’ESCP Europe, j’ai créé ma start-up en 2014. Incubée au CRI (Centre de recherches interdisciplinaires), puis au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables), Glowee va sortir le premier produit d’éclairage vivant et éphémère pendant la COP 21, début décembre. 

Son impact ?
L’éclairage urbain représente vingt-sept pour cent des factures d’électricité des communes. Glowee pourrait réduire à la fois notre consommation d’énergie et la pollution lumineuse, qui perturbe la biodiversité. Vitrines des magasins, monuments publics, parcs d’attractions…
Les applications sont multiples !
www.glowee.fr
 

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La jeune création en première ligne

En ligne de front, les femmes s'emparent de la question du climat


Ces femmes ont changé le monde et vous ne les connaissez pas

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États-Unis, 1969. Les yeux du roi et de la reine de Belgique sont levés vers le ciel pour observer la navette Apollo décoller. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que si c'est un homme, le doigt levé, qui leur indique où regarder, c'est bien à une femme que l'on doit le premier pas sur la Lune.

Pas trop tôt ! Cette semaine, l’Adaweek met à l’honneur les femmes dans les sciences, technologies, l'ingénierie et les mathématiques (STEM). Telles des super héroïnes tapis dans l’ombre, elle n’ont heureusement pas attendu la deuxième semaine d’octobre 2015 pour changer le monde. Visionnaires, utopistes, brillantes, courageuses et souvent - trop - discrètes, découvrez notre top 5 des femmes qui ont contribué à faire du XXIe siècle celui que vous connaissez.

Ada, la hackeuse de l'ère victorienne

Passionnée, extravagante et brillante, Ada détonne dans le paysage victorien. Il faut dire qu’elle a de qui tenir. La fille du célèbre poète Lord Byron tient de son père. Inquiète, la mère d’Ada veut dompter les humeurs irrégulières de sa fille à coup de cours de maths, considérés comme rassurants et immuables. Las ! Cette méthode censée calmer les ardeurs poétiques de sa fille s’avère aussi farfelue qu’inefficace. Ada se jette à corps perdu dans les équations, les cours par correspondance et les dérivées intégrales.

A Londres, elle rencontre l’homme qui va changer sa vie. Non, Charles Babbage ne deviendra ni son mari ni son amant, mais celui qui va canaliser sa pensée grâce à un petit bijou de technologie, l’ordinateur le plus évolué de l’époque, la machine différentielle (une espèce de machine qui occupait une pièce et pouvait réaliser des opérations complexes). Ada va mettre par écrit les algorithmes qui permettent de donner des ordres à la machine, ce que certains ont appelé, en extrapolant un peu, le premier programme informatique.

Même si le terme de hackeuse avant l’heure ou de première programmatrice de l’histoire est un peu exagéré, son esprit poétique doublé de son don pour les maths ont amené Ada à voir le potentiel de la machine, à préfigurer la programmation web et à devenir la figure de proue des femmes de science

Margaret Hamilton, celle qui a envoyé Armstrong sur la Lune

Margaret Hamilton pendant sa mission au sein du MIT. 

Margaret Hamilton a inventé le software (ce bout de code qui vous permet d'utiliser votre ordinateur) et a envoyé des hommes sur la Lune. Rien de moins. Pourtant, elle n'a jamais fait la une d'aucun journal et personne n’a jamais mis en avant sa performance. Celle qui 10 ans avant Microsoft a écrit le code du premier ordinateur portable et fait travailler 400 personnes sur le programme du projet Apollo, dirige aujourd’hui la compagnie Hamilton Technolgies Inc. située juste à côté du MIT, où sa carrière a commencé.

Valentina, la première astronaute... qui a failli être la dernière

En pleine guerre froide, pendant les années 1970, l’américaine Margaret et la russe Valentina Terechkova se seraient sûrement crêpé le chignon si elles s’étaient rencontrées. Pourtant, pendant que Margaret bossait dur côté technique pour envoyer un homme sur la Lune, Valentina, jeune astronaute, avait déjà littéralement la tête dans les étoiles. À bord de sa capsule Vostok, la - très - jeune femme de 27 ans part en orbite autour de la terre. Ce n’est pas la business class mais elle a de quoi manger, boire et, comble du luxe, du dentifrice. Pas mal, même si le personnel au sol a oublié la brosse à dent. Valentina décolle, tirée par sa fusée R-7. Sauf qu’ un autre « détail » à été oublié : programmer la fusée pour redescendre. Une broutille un tantinet plus importante que son hygiène bucco-dentaire qui a failli lui coûter la vie. Armée d’un sacré courage et d’une équipe au sol hyperréactive, Valentina revient finalement saine et sauve.

Traumatisé par l’événement, le directeur du programme spatial russe refuse d’envoyer à nouveau une femme dans l’espace, ce qui met Valentina dans une colère noire. Elle militera des années durant pour que ses collègues puissent partir. L’histoire inspirera Nikita Khrouchtchev qui se moquera de ceux qui considèraient à l'époque les femmes comme le sexe faible.

Sue, la docteure militante

Les cheveux courts et rouges, le caractère bien trempé, l’énergie de Sue Black transparaît au premier coup d’oeil. À tel point que la BBC s’est inspirée de cette femme pour l’un des personnages de Girls Can Code, la série qui met en valeur les femmes qui réussissent, et en particulier dans le domaine des nouvelles technologies. Celle qui écrit dans les colonnes du Guardianlorsqu’elle ne fait pas profiter de ses conseils les mamans du Google campus for mum détonne dans le paysage scientifique international. Non contente d’être l’auteure de nombreuses publications académiques, cette docteure en sciences de la programmation de l'University College de Londres milite pour la reconnaissance du travail des femmes dans le déchiffrage des conversations secrètes nazies pendant la seconde guerre mondial à Bletchley Park.

Joanna, cyber-traqueuse de criminels


Star d’Internet, Joanna Shields est la première ministre britannique en charge de la sécurité Internet. Son job ? Traquer les cybercriminels sur la Toile. Il faut dire que le style de celle que l’on surnomme « la Baronne » colle parfaitement à la tâche. Ancienne directrice de Facebook Europe passée par Google, Joanna avait déjà été consultante Nouvelles Technologies du 1er ministre James Cameron. C’est également elle qui se cache derrière la Tech City UK initiative, qui promeut le secteur de la technologie en Grande Bretagne. Titulaire d’un Bachelor en sciences, entrepreneuse, femme politique, Joanna a été désignée comme l’une des 100 femmes les plus influentes par la BBC et par Wired. 

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De France 2 à la SPA, portrait de Natacha Harry, une femme de proximité

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Natacha Harry est présidente de la SPA depuis deux ans. L'association sera mise à l'honneur lors d'une émission spéciale sur France 2, diffusée à l'occasion des fêtes de fin d'année. 

Présidente de la SPA depuis le 23 juin 2013, Natacha Harry a pris les rênes d’une vieille institution à la dérive. Main de fer dans un gant de velours, cette amoureuse des animaux a fait de sa passion son métier. Deux ans après son élection, elle s’apprête à fêter les 170 ans de l’association. Retour sur la réussite de cette vétérinaire et femme d’affaires à la carrière fulgurante.

 

À l’heure où la plupart des Parisiens commencent leur journée, elle raccroche tout juste sa première casquette. Cette grande blonde à la silhouette élancée vient de terminer l’enregistrement de « Télématin », l'une des émissions phares de France 2, dans laquelle elle parle d'animaux de compagnie et d'environnement. Un poil en retard, Natacha Harry s’excuse avec le sourire et s’installe à la table d’un café parisien situé à deux pas des locaux d'Europe 1, sa prochaine étape. Car cette femme de 42 ans a plusieurs cartes de visite. Vétérinaire, journaliste, productrice, experte animalier et présidente de la SPA depuis 2 ans, rien ne semble l’arrêter tant elle vit avec passion toutes ces activités. De quoi en inspirer plus d’une.

La passion du travail ; celle des animaux. Deux motivations essentielles pour cette femme active, pleine d’énergie et de projets mais surtout très modeste sur son parcours d’excellence. Elle préfère d'ailleurs le qualifier d’« atypique ». Entre deux tartines de confiture, Natacha raconte son enfance dans le sud de l’Eure-et-Loir, dans la région Centre. Un univers où l’animal avait une place importante. « C’est un enrichissement de grandir autour d’eux», affirme-t-elle. Déjà, toute petite, elle soigne ses compagnons à quatre pattes : « À 5 ans je voulais être vétérinaire. Je mettais des pansements sur mon chien, même quand il n’était pas malade », raconte-t-elle en riant. En grandissant, l’envie d’exercer ce métier ne l’a jamais quittée. Après l'obtention de son diplôme, Natacha éprouve le besoin de partager sa passion et ses connaissances avec le plus grand nombre. « Très jeune, avant même d’être vétérinaire, je me disais qu’un jour, je ferais des reportages dans "Télématin". »

"Avec du temps, on arrive à ses fins"

Après ses études vétérinaires, la jeune femme entre en master de marketing à HEC. « J’avais envie d’avoir une carte supplémentaire qui m'ouvre d'autres horizons. Avec cette formation, on peut prétendre à tout », confie-t-elle. De cette institution, Natacha se souvient de l’ouverture d’esprit et de sa devise : « Apprendre à oser ». Une expression qui lui correspond bien.

À sa sortie de master, elle se se sent suffisamment armée pour réaliser son rêve : frapper à la porte de France 2. « J’ai débarqué un peu comme un ovni, dans ce milieu dans lequel je n’avais pas de contact et qui est relativement fermé », se souvient-elle. Décrocher sa rubrique dans l’émission de William Leymergie n’a pas été simple. Il a fallu qu’elle s’y prenne à plusieurs reprises, qu’elle insiste, passe par des chemins détournés pour ne serait-ce qu’avoir la chance de présenter son projet : parler des animaux dans cette émission qui ne le fait jamais. Sa détermination paie : cela fait 15 ans aujourd'hui que l'experte partage sa passion à la télévision.

Si la carrière médiatique de Natacha débute avec « Télématin », où elle « apprend le journalisme sur le tas », elle devient ensuite « par hasard » en 2004, rédactrice en chef de Cheval Santé. Le magazine est alors sur le point de couler. Natacha participe à son sauvetage, le relance, puis quitte le navire après trois années à sa tête, lui préférant la télévision et la radio. En 2008, elle crée sa propre société de production audiovisuelle, Des histoires et des hommes production. Un nom qui « résume assez bien ce que devrait être la télévision », selon sa dirigeante. En ayant sa propre structure, Natacha dispose d'une plus grande liberté dans la réalisation de ses sujets. Même si, parfois, cela ressemble à un parcours du combattant. « C’est difficile de vendre ses projets car c’est très concurrentiel. Il faut du temps. Et avec du temps, on arrive à ses fins. » 

Son parcours a été fulgurant, c’est vrai. Elle a rapidement connu le succès et la reconnaissance, aussi bien de ses pairs que de son public. Mais sa réussite semble suivre une certaine logique, au détour des opportunités qui lui ont été présentées ou qu'elle a su saisir. « On peut difficilement griller les étapes si on ne veut pas que les choses tombent comme un château de cartes. Mais les choses ne vont jamais assez vite à mon goût », raconte cette grande impatiente.

Depuis 2010, Natacha Harry a ajouté une corde à son arc en officiant sur les ondes. « La radio c’est un média de proximité. J’ai l’impression d’être un trait d’union entre le grand public et des ultra-spécialistes », dit-elle à propos de son rôle dans l’émission de Jean-Marc Morandini, « Le grand direct de la santé ». « Les équipes d’Europe 1 sont venues me chercher. J’ai découvert cet univers que je ne connaissais pas du tout et j'ai été stupéfaite du plaisir que l’on prend en radio, explique-t-elle. On est moins dans le contrôle de soi et de son apparence qu'à la télévision. » Derrière son micro, elle peut échanger directement avec son public. Être au plus près des autres pour transmettre, toujours transmettre, ce qu'elle sait du monde animal. 

L'engagement avec la SPA

On aurait pu croire qu’avec toutes ces activités et les journées à rallonge, Natacha Harry avait suffisamment à faire. Mais il y a deux ans, un nouveau hasard la propulse à la présidence de la Société Protectrice des Animaux, 600 employés et 3 000 volontaires. Une élection qui met fin à trois années d’administration judiciaire. Un nouveau défi à relever pour cette « vieille association qui manquait de structure, de rigueur et de gestion », relève son actuelle présidente. Pour diriger la SPA, il ne suffit pas d’aimer les animaux. Je fais beaucoup de gestion, de conduite de projets », ajoute-t-elle avant de lister les réussites accumulées durant ces deux premières années de mandat : un nombre d’adoptions croissant, la création du programme familles d’accueil pour les animaux âgés ou malades, et un refuge pour chevaux.

De quoi oublier la vague de violence sur Internet qui a suivi l’élection de Natacha et de son équipe. « J’ai appris à ne plus en tenir compte. Mais c’était terrible et surréaliste », avoue-t-elle. « J’ai même été agressée physiquement, il y a eu des menaces de mort et des attaques sans raison. Lorsqu'on n’est pas habitué à ce mode de fonctionnement, c’est un véritable choc. Surtout quand on vient bénévolement pour se consacrer à une cause. »

Le grand public pourra constater de lui-même l’engagement sincère de Natacha lors d’une émission spéciale à l'occasion des 170 ans de la SPA. Elle sera diffusée en prime time et co-animée avec Stéphane Bern durant les fêtes de fin d'année sur France 2. Une grande première pour la cause animale que Natacha oublie presque de nous annoncer. Elle a déjà l'esprit à ses futurs projets. Elle finit quand même par souffler, avant de commander un dernier café en attendant l'enregistrement de son émission radio : « C’est bien d'avoir un peu de temps, c’est rare. Aujourd’hui c’est ce qui me manque le plus. »

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Nathalie Azoulai : "Il n'y a rien de plus actuel qu'une rupture amoureuse"

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Prix Médicis de l'année, Nathalie Azoulai signe un roman qui remet Racine au goût du jour. 

En toute discrétion, Nathalie Azoulai remporte le prix Médicis pour son roman au titre provocateur, Titus n’aimait pas Bérénice. Avec liberté et légèreté, elle dépoussière un monument de la littérature et séduit les foules.

Pile à l’heure, Nathalie arrive au Rostand dans le quartier d’Odéon. « A l’intérieur, ça ne vous dérange pas ? » Les yeux clairs, le regard limpide, Nathalie respire la douceur. Elle s’exprime avec clarté, ses mots sont cristallins. Elle est lumineuse. Il y a de quoi. Même si elle avoue avoir été « un peu déçue » de ne pas remporter le Goncourt, avec le Médicis, la romancière signe un coup de maître.

Peu médiatique, Nathalie rencontre la notoriété après la publication de Mère agitée(éd. Seuil) en 2002. Elle travaille alors dans l’édition. Ce récit fragmenté autour de la maternité met en lumière zones d’ombre et angoisses qui assaillent à l’arrivée d’un enfant. Le sujet intrigue, intéresse et trouve une résonance particulière dans les médias. D’autres romans suivront dont Une ardeur insensée chez Flammarion en 2009, qu’elle aime particulièrement mais qui n’a pas rencontré son public. « Pourtant, il annonçait mon dernier livre. Tout le monde m’a demandé d’où venait ma reprise de Racine mais tout était déjà ancré dans ce livre. »

Avec passion et minutie, elle explore zones d’ombre et conflits internes. Elle éclaire les ambiguïtés, accroche les aspérités, donne un décor aux tensions. Entre la famille et le théâtre, l’amour et le désamour. Pourtant quand elle commence à travailler sur Titus n’aimait pas Bérénice, ses amis s’inquiètent. « Tu vas faire un OVNI », la prévient-on. Elle persévère. « Je n’imaginais pas une seconde que mon livre allait passionner les foules. »

Bérénice, cette femme moderne

Douce mais provocatrice, elle choisit de s’attaquer à Racine dont elle aime la langue. Alors que l’auteur du XVIIe campe un Titus renonçant à l'amour pour obéir à la raison d'État, la Bérénice moderne de Nathalie est sacrifiée au profit de Roma, la femme de Titus. « Bérénice, c’est la déception archétypale. Elle est l’inverse de l’élue. Celle qu’on aime mais qu’on quitte quand même. La configuration de cette tragédie est tout ce qu’il y a de plus classique. Il n’y a rien de plus actuel qu’un chagrin d’amour. Hier Rome, aujourd’hui une femme, des enfants, une carrière. »

Femme de lettres, normalienne, Nathalie n’est pourtant pas née dans les livres. Issues d’une famille immigrée modeste, elle reçoit de ses parents une impulsion, une énergie qui la pousse à se dépasser, même si sa mère « ne comprend pas toujours ce qu’elle fait ». Ce prix est aussi un moyen de rendre hommage à leurs efforts.

L’écriture, un travail chirurgical 

Au croisement du présent et du passé, Nathalie dépoussière un mythe de la littérature française. 

Mère de 2 enfants, elle garantit qu’elle a une « vie normale » avec un mari et des amis. Mais de temps en temps, elle a besoin de moments de repli, de solitude. Elle s’impose un rythme de 4 heures d’écriture par jour. On devine les ratures, les retours, les corrections, l’obsession. « Il ne faut pas croire qu’écrire vient comme une illumination. Ça demande du travail et de la régularité. » Elle jette d'abord grossièrement les première bribes de son texte à l'ordinateur, « une contrainte qui fait aller vite ». Puis elle y revient, le retravaille, encore et encore. « Écrire est un travail de précision. La matière première est sonore, visuelle, parfois même tactile. Il faut la travailler encore et toujours. » L'œuvre publiée, elle se dit encore qu’elle aurait pu modifier un mot, une phrase.

Côté inspiration, elle se nourrit encore et toujours de Flaubert, Proust, Sarraute et Charles Juliet. Mais c’est la langue de Racine qui la marque et l’inspire. « Demandez à n’importe quel acteur, il vous dira que sa langue a une résonnance particulière, un rythme spécial. » Son roman a d’ailleurs eu un très bon accueil dans le milieu du théâtre. La Comédie-Française l’a même appelée. Ce n'est d'ailleurs peut être pas un hasard si elle se voit diriger des acteurs. À quand Titus n’aimait pas Bérénice, sur scène ?

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De réfugiée à conseillère d'Obama, l'incroyable parcours d'Elizabeth Phu

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Elizabeth Phu a fui avec sa famille le régime communiste vietnamien pour les États-Unis. Elle est aujourd'hui conseillère à la Maison Blanche. 

Elizabeth Phu est une citoyenne américaine de 39 ans. Arrivée aux États-Unis à l'âge de 3 ans, elle accompagne aujourd'hui le président américain dans ses déplacements en Asie du Sud-Est. 

L'histoire d'Elizabeth Phu est une de ces sucess story que l'Amérique sait produire. Son incroyable parcours l'a emmenée de Hô-Chi-Minh-Ville, au Vietnam, jusqu'en Californie, en passant par les flots de l'océan Pacifique et la vie dans un camp de réfugiés en Malaisie. Aujourd'hui conseillère à la Maison Blanche, cette citoyenne américaine de 39 ans accompagne Barack Obama dans ses voyages en Asie du Sud-Est et le conseille sur les questions d'accueil des réfugiés dans cette région. 

Prisonnière à l'âge de 2 ans

Elizabeth Phu n'a que 2 ans lorsque son père, qui travaille pour l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam, et sa mère tentent de quitter le Vietnam en 1978, comme le raconte un article du LA Times. Mais le gouvernement les rattrape et les place dans un « camp de rééducation ». Un lieu cruel où l'on enferme les intellectuels, leaders religieux et employés de l'ancien gouvernement pour leur « apprendre » comment vivre dans un régime communiste. « Un euphémisme pour "prison"», commente Elizabeth Phu dans un article publié par la Maison Blanche. Les détenus sont censés n'y rester que quelques semaines, mais la famille Phu est gardée prisonnière pendant 7 mois, explique Elizabeth.

Une rencontre avec des pirates

Grâce aux grands-parents d'Elizabeth, la famille peut acheter sa liberté et embarque sur un bateau où sont rassemblées plus de 250 personnes. Mais le moteur du navire lâche en pleine traversée vers la Malaisie. Les passagers sont emportés alors par les flots pendant trois longs jours. Là, des pirates leur proposent leur aide en échange des bijoux, et notamment des alliances. Frank, le père de Phu, se charge de récolter ce trésor et scelle l'arrangement. 

Mais à l'approche des terres malaisiennes, la famille Phu et les autres passagers sont attaqués par un second bateau de pirates. Ces derniers saccagent le navire et brisent tous les réservoirs d'eau. Après quatre jours de dérive dans les mers du Pacifique, les autorités malaisiennes leur viennent enfin en aide. Elizabeth et sa famille sont alors envoyées dans un camp de réfugiés sur l'île de Pulau Bidong. Les premiers souvenirs de la jeune femme remontent d'ailleurs à ce camp. La tour centrale dans laquelle elle jouait, le peu de nourriture aussi. « Ils nous laissaient juste rester là », confie-t-elle au LA Times. « Pour ça, je suis reconnaissante. »

Un mois avant ses 4 ans, la petite Elizabeth fait ses premiers pas sur le sol américain. « Mes parents avaient 20 dollars en poche et quelques amis à Oakland, en Californie ». Jour après jour, ils construisent leur nouvelle vie, « modeste et discrète », raconte la conseillère. 

Aux côtés de Barack Obama

Elizabeth Phu est aujourd'hui multi-diplômée : elle possède une licence de Science Politique de l'université de Berkeley, en Californie, mais aussi un Master en Affaires Internationales spécialisé dans la région Pacifique de l'Université de San Diego ainsi qu'un Master de la Eisenhower School, qui forme et prépare militaires et citoyens au leadership et aux questions de développement national. Aujourd'hui, Elizabeth Phu accompagne Barack Obama dans ses déplacements en Asie du Sud-Est et le conseille sur les questions d'immigration dans cette partie du globe. La semaine dernière, elle faisait partie de l'équipe envoyée avec le président américain, en Malaisie notamment, pour discuter de l'accueil des réfugiés. « Mon engagement est très important et personnel. Nous avons besoin de partenaires comme la Malaisie qui aide les gens désespérés à avoir une vie meilleure. »

Et si la conseillère de 39 ans se dit « fière d'être américaine », elle regrette les débats qui ont lieu à la Maison Blanche, depuis les attentats de Paris, sur l'éventualité de fermer les frontières des États-Unis aux réfugiés. « C'est très dur pour moi d'entendre ça », confie t-elle au LA Times. « Ce n'est pas comme ça que je vois notre nation. Nous sommes un pays qui accueille les gens lorsqu'ils en ont besoin, des personnes qui veulent juste travailler dur et avoir une vie meilleure pour leurs familles ». 

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COP21 : les 10 Françaises qui se battent pour la planète

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De gauche à droite : Delphine Blumereau, Catherine Berthillier, Laurence Tubiana, Alice Audoin, Michèle Sabban, Naziha Mestaoui, Anne-Sophie Novel, Valérie Masson-Delmotte, Nathalie Bastianelli et Stéphanie Gay-Torrente.

C’est à Paris que se joue un nouvel acte déterminant sur la grande scène du climat. L’enjeu ? Contenir le réchauffement de la planète au-dessous de la barre de deux degrés supplémentaires. Parmi tous ceux qui sont de l’événement, Madame Figaro a choisi dix femmes actrices du changement. Elles sont engagées dans une course contre la montre pour que cette COP21, quel que soit l’accord final, bouscule les comportements, accélère le déploiement d’une économie sans carbone et inspire la société civile. Portraits.

 

 

Virginie Calmels, la sprinteuse des élections régionales

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Après son irrésistible ascension dans le monde audiovisuel, Virginie Calmels change de cap et s’engage en politique.

Ex-dirigeante de Canal+ et du géant Endemol, elle bouscule les codes en s’engageant aux côtés d’Alain Juppé. Adjointe à la mairie de Bordeaux, elle brigue la présidence de région. À deux jours du premier tour des élections régionales, rencontre avec une stratège hors norme.

Dans la voiture qui l’emmène à Lalande-de-Pomerol, premier rendez-vous d’une journée de rencontres dans la 10e circonscription de Gironde, Virginie Calmels relit ses notes. Mordille son pouce. Tourne une page. Mordille son pouce… Métronomique, son geste rythme la validation méthodique des listes des douze départements pour les élections de la future région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. Un casse-tête stratégique. À la veille de la commission nationale d’investiture, le 7 octobre dernier, la chef de file de la droite et du centre, l’oreillette de son iPhone 6 vissée au tympan, mène les dernières négociations. Courtoise mais ferme.

Un milieu machiste ?

Une dizaine d’édiles, ses aînés pour la plupart, l’attend au syndicat des vins. Blonde, sans fard, en tailleur-pantalon gris strict, pull et escarpins rouges, elle a une heure pour convaincre, écouter, distiller les apartés, avaler quelques tranches de fromage avant de filer à Libourne, Saint-Émilion… Jour de campagne ordinaire. Verdict : « Elle est bien, cette petite ! », juge un élu. Hier « la papesse de la télé-réalité », « la Margaret Thatcher des médias» ne goûtait guère les hyperboles ; pas davantage le diminutif aujourd’hui. Paternalisme débonnaire, machisme déguisé…, elle ne craint pas de dire qu’elle trouve le milieu politique un brin arriéré

L’arrivée à la mairie de Bordeaux

« La petite » a le goût du risque. Elle a mené trois plans sociaux avant ses 30 ans, dirigé Numéricable, Canal+ et Endemol. En janvier 2014, Alain Juppé, maire de Bordeaux, l’a placée en tête de sa liste pour les municipales. « J’étais à la veille de signer un LBO de 500 millions d’euros pour ma société SHOWer Company quand j’ai été sollicitée. Juppé, Bordeaux où j’ai grandi, où vit ma sœur Alexandra… J’ai accepté. » En mars, elle devient adjointe au maire en charge de l’économie, l’emploi et la croissance durable. C’est son premier mandat. « Alain Juppé m’a fait confiance d’emblée, il délègue énormément. » Très vite, elle déploie sa puissance de travail, met à profit son carnet d’adresses, dirige son équipe comme une entreprise, en mode projets.

Le nouveau défi des régionales

Un an plus tard, son mentor lui demande de mener le combat pour les régionales en décembre 2015. « Plus le défi est difficile, plus je fonce. Je le vis comme une mission », commente-t-elle. « Sa conviction qu’elle est faite pour le job ne date pas d’hier, confirme Anne-Charlotte Rousseau, une intime du premier cercle. Il y a douze ans, quand nous nous sommes rencontrées, elle m’a dit : "Je veux faire de la politique. Mais pour en faire bien, il faut pouvoir être indépendant. Donc, je vais travailler et gagner de l’argent."»

Présidente d’Endemol à 31 ans

Chose faite, diviser son salaire par cinquante (elle ne confirme pas) pour rejoindre le palais Rohan n’est pas un problème. « Si j’avais eu un plan de carrière, j’aurais moins bien réussi. Tant pis si on ne me croit pas », glisse-t-elle. Premier job : l’audit dans le nucléaire et les télécoms. Denis Olivennes la repère et lui propose la direction financière d’une société qui deviendra Numericable. De là, son ascension fulgurante dans l’audiovisuel. « Je ne me suis jamais dit : je veux être DG de Canal+ à 27 ans, pdg d’Endemol à 31. Mais je n’ai jamais eu peur. Si tout va plus vite pour moi que pour d’autres, c’est peut-être parce que ma mère n’a cessé de me répéter : "Ne remets jamais au lendemain"… »

Un profil atypique

Sa vie privée n’est pas un long fleuve tranquille. Mariée à 25 ans, très vite divorcée, capable d’annuler son second mariage avec Christian Blanc, l’ex-pdg d’Air France, deux semaines avant le jour J. Séparée de François-David Cravenne, conseiller à la Mairie de Paris, père de ses enfants, Pénélope, 8 ans, et Fitzgerald, 6 ans. « J’assume tout. » De l’homme qui est à ses côtés désormais, elle ne dira rien.

Les dix vies d’une combattante

Aujourd’hui, Virginie Calmels estime avoir la chance inouïe d’avoir déjà vécu dix vies où « le hasard n’existe pas ». C’est aussi le titre d’un récit que seuls ses enfants liront, plus tard. Explications : « Un soir, j’ai retrouvé toutes les lettres que mes parents m’ont écrites. À minuit, j’ai pris la plume pour les remercier : "Tout ce que j’ai fait, c’est grâce à vous." J’avais 29 ans. Mon père est mort quinze jours après d’une rupture d’anévrisme. Cela m’a ramenée à mes 16 ans, à son premier accident. J’étais seule avec lui, l’hôpital le croyait condamné, j’ai exigé qu’on le transfère ailleurs, où il a été sauvé. Treize ans de vie en plus. Après le décès de mon père, maman a eu un cancer. L’ombre d’elle-même. Je l’ai emmenée en croisière, sa nouvelle vie a commencé sur ce bateau. Voilà : je me bats à fond pour les choses et les êtres auxquels je crois. »

Une vocation précoce

Dans un café du quartier Saint-Seurin, où elle habite, elle évoque encore ce père, viticulteur en Algérie, ruiné lors de l’Indépendance, dont elle a hérité de l’opiniâtreté et du goût de l’engagement. « Il était aussi fou de politique, maire adjoint à 25 ans, puis vice-président du Conseil national du commerce. Moi, à 11 ans, j’étais fan de "l’Heure de vérité" ». De sa mère, Paule, qu’elle chérit : « Je n’aurais probablement pas mené cette carrière sans elle. J’ai fait un enfant en même temps qu’un LBO à 3,5 milliards d’euros, et je devais être la seule femme PDG à Paris avec chauffeur, deux sièges bébé à l’arrière et des couches dans la boîte à gants ! On habitait à 500 mètres l’une de l’autre. Désormais, maman a son appartement dans ma maison. Elle m’est indispensable », confie l’élue.

Une région de la taille de l’Autriche

En « méritocrate » convaincue, Virginie Calmels a « du mal avec les gens qui pensent que ça doit leur tomber tout cuit dans le bec ». Si elle est élue à la présidence du conseil d’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, une région de la taille de l’Autriche et aussi peuplée que le Danemark, elle s’engage à décentraliser, à valoriser la spécificité des territoires, à réduire la dépense publique - « l’impôt est un robinet trop facile » -, à rapprocher les mondes politique et économique, à revaloriser le service public et le travail des fonctionnaires. Elle démissionnera de ses mandats de maire adjoint et d’administratrice d’Iliad (fondé par Xavier Niel) pour éviter le conflit d’intérêt, mais souhaite garder celui de présidente du conseil de surveillance d’Euro Disney, non exécutif, « pour garder un pied dans l’entreprise ».

La seule femme du cercle rapproché d’Alain Juppé

Elle se fixe un mandat pour réussir, deux tout au plus. Son adversaire socialiste Alain Rousset brigue, lui, son quatrième mandat. « Chef d’entreprise, je me suis engagée sur des résultats, je les ai toujours obtenus. Sur ma capacité à gérer le conseil régional, je suis convaincue de faire beaucoup mieux. Je veux gagner ces élections pour réformer, faire ce qui est utile et urgent. Pas pour le pouvoir. » Certains lui prêtent cependant d’autres ambitions : la mairie de Bordeaux, un portefeuille ministériel. Ne conseille-t-elle pas Alain Juppé sur son programme économique, seule femme de son cercle rapproché dans sa préparation aux primaires ? « Ministre, je le serai si on me le propose. Et je pourrais aussi refuser. » « Elle a du sang-froid, elle est déterminée, dure, loyale », affirme Nicolas de Tavernost, président de M6 et des Girondins de Bordeaux, qui l’a observée en négociation. L’heure de vérité de son premier combat politique est proche. 

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Discrète et engagée, Priscilla Chan est bien plus que l'épouse de Mark Zuckerberg

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Le couple aux Breakthrough Prize Awards, un prix qui récompense les avancées majeures en mathématiques, sciences ou physique. (Mountain View, le 9 novembre 2014.)

Diplômée de médecine, directrice d'une école et à l'origine de la fondation Chan Zuckerberg Initiative, Priscilla Chan est une femme discrète mais fondamentalement engagée.

Le parcours de Priscilla Chan est exemplaire. Pourtant, cette enfant d'immigrés n'avait pas un destin tout tracé. Major de sa promotion au lycée, première femme de sa famille à se rendre à l'université, elle a brillamment réussi ses études de médecine avant de rejoindre son époux à Palo Alto, en Californie. Là bas, Priscilla Chan cultive sa discrétion tout en œuvrant pour le bien de sa communauté. 

Une enfance "très coincée"

Dans sa première et unique interview télévisée pour l'émission « Today » sur NBC News en mai 2014, Priscilla Chan s'est confiée sur ses origines et son enfance, dans l'État du Massachusetts, sur la côte ouest américaine. Aînée d'une fratrie de 3 filles, Priscilla Chan est née en 1985 et a grandi dans un milieu modeste. Sa mère était obligée de cumuler plusieurs jobs pour subvenir aux besoins de la famille. Ses parents sont des réfugiés sino-vietnamiens, arrivés aux États-Unis en bateau en 1975, juste après la chute de Saïgon. À la maison, on parle cantonais et c'est à l'école que la petite fille apprend l'anglais. Elle jongle entre deux langues et deux cultures, tenant même le rôle de traductrice pour ses grands-parents.

Priscilla Chan a également avoué sur le plateau de « Today » qu'elle était une enfant « très coincée ». Mais cela ne l'a pas empêché de décrocher le titre honorifique de major de sa promotion au lycée de Quincy, une petite ville dans la banlieue de Boston. Ce qui lui a d'ailleurs valu l'honneur de clôturer la cérémonie de remise des diplômes par un discours et d'être élue « génie de la classe » par ses camarades.

Harvard, ses soirées et Mark

Première femme de sa famille à fouler le gazon d'un campus universitaire, Priscilla Chan est acceptée dans l'un des établissements d'enseignement supérieur les plus prestigieux au monde : Harvard. Là bas, la nouvelle recrue s'inscrit en biologie et découvre les joies des soirées étudiantes. 

En 2003, alors qu'elle fait la queue pour se rendre aux toilettes lors d'une fête, Priscilla Chan croise le chemin d'un jeune homme un peu timide, un peu ringard, portant probablement l'un de ses célèbres sweat-shirts à capuche gris. C'est Mark Zuckerberg, un an avant la naissance de Facebook. Les deux petits génies sympathisent. À son propos, Priscilla a expliqué : « Je me suis dit que c'était un type intéressant mais qui ne s'intéressait pas du tout aux études. Il préférait aller à un rendez-vous avec moi plutôt qu'à ses examens de mi-semestre ! »

Une personne normale

Pendant que son futur époux s'occupe de développer Facebook, Priscilla Chan poursuit ses études avec brio. Elle quitte Harvard en 2007, son diplôme sous le bras et part étudier la médecine à San Francisco, de l'autre côté du pays. Le couple emménage ensemble en 2010. Mais si Mark Zuckerberg devient rapidement l'un des hommes les plus riches de son pays, Priscilla Chan assure être une personne tout à fait normale. Encore interne en médecine au moment de l'enregistrement de l'émission « Today », elle confie alors : « Il n'y a rien de glamour, je vis la même expérience que les autres. C'est étrange parce que je ne me rends pas compte de tout cela dans ma vie de tous les jours. Je suis juste quelqu'un qui s'entraîne pour devenir médecin. » Un but qu'elle atteindra en 2012, année de sa diplomation et de son premier travail en tant que pédiatre. Mais aussi l'année de son mariage, au lendemain de l'entrée en bourse du réseau social créé par son mari. 

Découvrez l'album photo de Priscilla Chan :

 

Facebook addict ? 

Pour apprendre à connaître un peu plus Priscilla Chan, il suffit d'aller faire un tour sur le site de Mark Zuckerberg. Sur son profil public, elle dévoile quelques informations à son sujet. En plus de l'anglais et du cantonais, la trentenaire parle l'espagnol, une langue qu'elle a étudiée à l'université et qu'elle a pratiquée avec ses patients. Elle « aime cuisiner » mais aussi « les lieux chaleureux » et « les tomates séchées». Dans sa bibliothèque, il y a probablement une copie d'Orgueil et Préjugés, de Jane Austen ainsi que la saga Harry Potter, imaginée par J.K. Rowling. On l'imagine aussi regarder durant son temps libre des épisodes de Glee ou de Modern Family qu'elle like sur Facebook et chanter sous la douche sur un morceau de Beyoncé, Green Day ou Taylor Swift

Encore étudiante, elle a donné des cours de sciences à des élèves de CM1 et CM2 dans une école de San Jose, en Californie. C'est cet amour de l'éducation, du partage de savoirs qui a d'ailleurs rapproché Mark et Priscilla, a-t-elle expliqué à « Today ». 

L'engagement dans l'éducation et la santé

Outre d'importants dons financiersà des associations caritatives et des hôpitaux, Mark et Priscilla se sont associés dans plusieurs projets pour poursuivre ensemble leur engagement dans l'éducation des générations futures. 

Le couple a notamment fondé à Palo Alto, leur ville de résidence, The Primary School. Cette école privée à but non lucratif ouvrira sa première classe en août prochain. Elle offrira un suivi éducatif et médical à tous les enfants inscrits, issus des familles modestes du quartier. Priscilla en est la directrice générale. Autre projet majeur du couple : leur fondation, The Chan Zuckerberg Initiative, qui a pour but de « développer le potentiel humain et d’assurer l’égalité pour tous les enfants de la prochaine génération. » Dans une lettre adressée à leur fille Max, née le 1er décembre 2015, les deux jeunes parents ont annoncé leur décision de céder 99% de leurs actions Facebook à cette fondation. « En devenant parents nous entrons dans un nouveau chapitre de nos vies ». La nouvelle génération est en marche.

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Il y a 80 ans, Tahar Haddad, précurseur du féminisme en Tunisie, s’éteignait

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Tahar Haddad est considéré comme le précurseur des droits des femmes en Tunisie. 80 ans après sa mort, son travail est encore reconnu et apprécié.

Mardi 8 décembre 2015, le Centre de Recherches, d’Études, de Documentation et d’Informations de la Femme de Tunis a organisé un colloque afin de commémorer les 80 ans de la mort de Tahar Haddad. L’occasion de revenir sur ce penseur, réformateur, syndicaliste mais surtout féministe engagé du début du 20e siècle. 

Il a été l'un des premiers à défendre l’idée qu’une société ne peut évoluer sans l’émancipation des femmes. Dans son ouvrage Notre femme, la législation islamique et la société publié en 1930, Tahar Haddad évoquait pour la première fois la place inégale accordée à la femme en général. Il soulignait notamment la mauvaise interprétation de la religion qui entraînait des pratiques sociétales absurdes. « Le jour où nos esprits se dégageront de la prison des traditions et pourront librement juger notre passé et notre présent dans l’intérêt de notre avenir, ce jour-là engendrera l’action de notre vie », écrivait-il déjà en 1933, comme le relève La Revue Juridique Thémispubliée par l'Université de Montréal.

Déjà convaincu que l’islam peut s’adapter à toutes les époques, ce syndicaliste et penseur est opposé à la polygamie et même au port du voile. En s’appuyant sur les préceptes de la religion musulmane, il démontre dans son plaidoyer que la femme a autant de droits et de devoirs que les hommes dans la société tunisienne, un avis qui fait largement grincer des dents les conservateurs de l’époque. Car en effet, au début du 20e siècle, comme le souligne lepetitjournal.com, les femmes confiaient leurs biens aux hommes de leur famille et n’étaient pas autorisées à occuper des postes au sein des administrations.

Défenseur de la femme libre

Tahar Haddad était également opposé à la pratique du mariage forcé. Il considérait l’union d’un homme et d’une femme comme un acte d’amour et pensait déjà qu’un environnement familial sain était un facteur essentiel pour une meilleure éducation des nouvelles générations. Mais le progressiste ne s’est pas arrêté au mariage. Il a osé parler de ruptures. La Revue Juridique de Thémis explique que, selon l'interprétation du Coran par Tahar Haddad, le divorce officiel pouvait être prononcé après deux tentatives de « réconciliation » par les deux époux avec l'aide de témoins. Si toutefois ces essais étaient voués à l'échec, la promulgation de la séparation était officielle et donnait droit à la femme de recevoir une aide pécuniaire dite de « consolation ». 

Toutes ces idées progressistes n’ont pas été accueillies avec entrain par les conservateurs de l’époque. Selon lepetitjournal.com, suite à la publication de son livre Tahar Haddad a fait l’objet d’un violent dénigrement de la part des membres du Destour (parti conservateur) et de la hiérarchie de l’université Zitouna.    

Issu d’une famille modeste, le réformateur est né en 1899 dans le sud tunisien. Il est décédé le 7 décembre 1935 à l’âge de 35 ans des suites d’une tuberculose. Ses idées ont été reprises par les politiques du pays suite à la déclaration d’indépendance tunisienne de 1956, notamment par le président Bourguiba qui a réformé le Code su Statut Personnel et rendu les femmes égales aux hommes. Aujourd'hui, 80 ans après son décès, Tahar Haddad est toujours considéré comme l'un des plus grands défenseurs de la cause des femmes en Tunisie. 

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Régionales : qui est Carole Delga, nouvelle présidente de Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon ?

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Le sourire de Carole Delga, après sa victoire aux élections régionales ce dimanche. (Montpellier, le 13 décembre 2015.)

À 44 ans, la socialiste Carole Delga, future présidente de la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, un territoire aussi grand que l'Autriche, a déjà une longue carrière derrière elle.

Son accent chantant du sud-ouest, cette « bosseuse » comme on la qualifie dans son entourage, le conserve jalousement. Comme un signe de plus de son authenticité. Car Carole Delga se veut l'élue venue du terrain, proche des gens. Elle a quitté le gouvernement pour se consacrer à la campagne des régionales. Une stratégie gagnante qui couronne un parcours assez exceptionnel. Discrète, elle évoque lorsqu'on l'intérroge une enfance pauvre, mais« très heureuse » entre sa grand-mère et sa mère. Enfant unique, elle confie avoir été « adorée par sa grand-mère ». Son père ? « Il est mort », répond-elle en parlant surtout des figures tutélaires féminines qui ont compté dans son enfance. Sa mère, d'abord, secrétaire devenue à 50 ans femme de ménage pour subvenir à leurs besoins. Et son institutrice Mme Ducos, ensuite, qui lui a donné « pleine confiance » en elle. Une histoire de femmes qui ont porté ses rêves.

Comment en est-elle arrivée là ?

Venue d'un « milieu très modeste (...), on m'a toujours dit que les rêves sont possibles mais qu'il faut bien travailler à l'école ». Une ligne de conduite à laquelle a fidèlement adhéré Carole Delga. Elle, la « fille de l'école républicaine, du mérite républicain », comme elle aime à le répéter.

Carole Delga a ensuite suivi des études en droit des collectivités territoriales avant d'occuper le poste de fonctionnaire territoriale en charge des monuments historiques et archéologiques à la mairie de Limoges. Elle devient ensuite directrice générale des services du Syndicat des eaux, un poste qu'elle occupe jusqu'en 2005. Cette année là, elle est également nommée directrice adjointe de l'Aménagement du territoire pour le conseil régional de Midi-Pyrénées.

Son engagement politique

Militante socialiste depuis 2004, elle fait son entrée sur la scène politique en se faisant élire maire de sa commune d'origine Martres-Tolosane (Haute-Garonne) dès le premier tour en 2008. Elle avoue alors sa tendresse pour ce poste de maire« qui lui a permis d'être plus près, à l'écoute » de ses administrés. De là commencera sa carrière politique, au conseil général de Midi-Pyrénées, à l'Assemblée nationale et au gouvernement, en tant que secrétaire d'État chargée du Commerce et de l'Artisanat.

Elle mise tout sur le local

Mais dès sa candidature pour les régionales officialisée en juin, elle démissionne du gouvernement Valls pour se consacrer à la campagne électorale et mise alors tout sur le local. Elle sillonne les 13 départements de la nouvelle région pour exposer sa vision de la politique. 

Une démarche payante : Carole Delga l'a emporté ce dimanche 13 décembre avec plus de dix points d'avance sur le frontiste Louis Aliot (44,81% des voix pour elle, 33,87% pour lui). Le candidat LR, Dominique Reynié, troisième du podium, cumule quant à lui 21,32% des voix.

Être une femme,"un atout"

Carole Delga, quelques instants avant ses premiers mots d'élue. (Montpellier, le 13 décembre 2015.)

« Être une femme, moi je juge que c'est un atout », assène-t-elle, interrogée sur son jeune âge et sa féminité pour assumer le poste de présidente d'une région de 5,7 millions d'habitants. « Dans la campagne régionale, j'ai senti de la misogynie (...). J'ai bien constaté que le fait d'être une femme, et jeune pour certains, pouvait être un motif de manque de légitimité », dit cette femme combative et élégante. Et ceci, « de la part de concurrents, de certaines personnes haut placées... pas du tout dans le monde rural », précise-t-elle.

La présidente "de toutes et de tous"

Carole Delga qualifie sa région d'« exemplaire ». La socialiste dit vouloir agir avec « détermination et passion ». « Je serai la présidente de toutes et de tous, sans exception », a-t-elle déclaré à Montpellier devant une foule de journalistes et quelques dizaines de militants. Sur Twitter, elle a également tenu à remercier ses électeurs et à assurer sa détermination pour remplir les missions qui lui incombent désormais. 

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Raja Kheir, dresseuse de pur-sang dans les plaines du Golan

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Raja Kheir a su s'imposer dans une activité considérée comme virile et réservée aux hommes.

Raja Kheir, 32 ans, est la première dresseuse de chevaux du plateau du Golan. Malgré le climat instable et les nombreuses menaces, elle a su s'imposer dans cette activité réputée "virile".

Le pur-sang a beau se cabrer, s'agiter à droite, à gauche, et se rouler au sol, il en faut plus pour impressionner Raja Kheir. Avec élégance, elle s'éloigne du cheval qui refuse d'être dressé. À 32 ans, la frêle cavalière est la première dresseuse de chevaux sur le plateau du Golan.

Rien d'exceptionnel dans cette région onduleuse aux confins de la Syrie et du Liban, occupée par Israël depuis 1967 et annexée en 1981. Rien, si ce n'est que Raja Kheir est l'une des rares, peut-être même la seule femme arabe dans cette région à exercer l'activité, réputée virile, d'inculquer la docilité aux bêtes rétives.

Des mouvement audacieux et dangereux

Depuis l'aube, Qamar (la lune, en arabe), une jument de trois ans, l'a fait tomber plusieurs fois. Mais Raja, les traits déterminés et encadrés par des cheveux châtains coupés courts, s'obstine. À force de mouvements précis, audacieux et parfois risqués, elle obtient ce qu'elle voulait : la selle est en place, fermement nouée sur le dos du cheval. « Seller un pur-sang, ce n'est rien », dit-elle. « Le plus important, c'est de le monter ».

Alors Raja, vêtue d'une chemise blanche et de jeans, revient à la charge. Tout doucement, elle place ses pieds dans les étriers, enfourche le cheval avant de presser ses cuisses autour de l'animal. Qamar ne veut rien entendre et chaque tentative finit par une roulade au sol. Raja ne se décourage pas.

Le "garçon manqué" de la famille

Née dans une famille druze (population musulmane hétérodoxe du Proche-Orient) du village de Beit Jann en Israël et près de la frontière libanaise, la dresseuse monte à cheval depuis l'âge de six ans. Toute petite, « tout le monde m'appelait le "garçon manqué" parce que je n'avais peur de rien », raconte-t-elle. À l'époque, elle faisait de l'équitation « sur les terres du grand-père à Beit Jann ». Mais c'est à huit ans que la petite fille commence vraiment à s'entraîner.

Depuis, Raja a fait du chemin, multiplié les diplômes et s'est installée dans le Golan. Elle peut monter des chevaux, les dresser, les entraîner mais aussi interpréter ce qu'elle appelle leur « langage ». Elle pratique également l'équithérapie, une forme particulière de thérapie qui utilise le cheval comme un médiateur pour la personne en souffrance psychologique. 

L'art du dressage selon Raja

Avec Qamar, qu'elle a accueillie il y a quelques jours, elle en est aux premiers pas. Il a d'abord fallu lui faire accepter sa présence et la faire entrer dans son box, au sein de l'école d'équitation et de dressage que Raja a cofondée. Elle se situe près de Majdal Shams, entre des monts vallonnés et un étang naturel. Les étalons aiment « la liberté et ne rien avoir sur leur dos », explique Raja. « Qamar a passé trois années à l'état sauvage. Quand je monte pour la première fois un cheval comme elle, il a peur de moi et moi de lui, et il ne sait pas quelle réaction je vais avoir ni moi la sienne. Quand je sens que je pourrais me faire mal, je me laisse tomber », ajoute-t-elle.

Raja Kheir, la femme du Golan qui murmurait à l'oreille des chevaux

« Dresser un cheval, ce n'est pas seulement lui apprendre à se laisser monter, c'est aussi l'habituer au bruit des voitures par exemple, à toutes les choses qui nous paraissent normales à nous alors que le cheval, lui, est surpris et sursaute à chaque fois », confie la dresseuse. Pour cette période d'adaptation, il faut compter deux semaines, qui s'ajoutent aux deux ou trois semaines précédentes d'acclimatation à la selle.

La première qualité d'un dresseur, c'est « le courage », dit Raja. « Si le cheval sent ta peur, il te rejette. Si au contraire il sent que tu l'aimes, il te protègera ». Une fois cette confiance gagnée, le tour est joué. « Le cheval est un animal très intelligent : si on lui apprend à trotter, il va trotter, si on lui apprend à galoper, il va galoper, il enregistre tout ce qu'on lui enseigne », assure-t-elle.

Une femme arabe dans un milieu d'hommes

Pour ses 15 chevaux, Raja se lève tous les jours aux aurores. À six heures, elle les nourrit. Après sept heures, dit-elle, c'est déjà trop tard. Parce que bousculer les horaires de repas d'un cheval en dressage peut avoir des conséquences graves pour la santé de l'animal, voire mortelles. Son école n'est pas la seule du Golan et des colonies israéliennes environnantes. Raja se refuse à accuser qui que ce soit. 

Mais elle avoue avoir eu des difficultés à faire son trou. Elle, la femme arabe, dans ce milieu d'hommes et dans un territoire occupé. « C'était une vraie guerre contre nous. Nos chevaux et nos poulains ont été empoisonnés. Ils nous ont aussi fait la guerre pour les acheter, mais nous avons obtenu toutes les autorisations légales, notre école continue à exister », dit-elle. Des propriétaires lui amènent aujourd'hui leurs chevaux récalcitrants. Certains sont destinés aux courses. D'autres aux concours. ou au plaisir exclusif de leurs maîtres. Car dans ce milieu, une telle possession est aussi affaire de statut social. 

(Avec AFP.)

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Stéphanie Gicquel, l'aventurière polaire

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L'aventurière et avocate a traversé l'Antarctique à ski en 74 jours. 

Stéphanie Gicquel a traversé l'Antarctique à ski. Un défi de 74 jours, relevé aux côtés de son mari. Avant elle, aucune femme n'avait jamais réalisé une expédition aussi longue sans voile de traction. Un record que l'aventurière polaire ne revendique pas particulièrement, préférant se concentrer sur le partage de son savoir avec les générations futures. 

Petite et menue, Stéphanie Gicquel pourrait s'envoler à la moindre brise de vent. À première vue. Car cette jeune femme de 33 ans a survécu aux bourrasques, au brouillard et aux températures extrêmes de l'Antarctique. Un exploit qu'elle tait presque. Préférant s'emporter sur la beauté de ce continent que peu d'êtres humains ont eu la chance - ou l'audace - de traverser. L'idée paraît folle. Mais c'est pourtant le grand défi que Stéphanie Gicquel et son mari Jérémie ont réussi à relever l'année dernière lors de leur expédition « Across Antarctica », à la fois dangereuse, fascinante et profondément bouleversante. 

Avant de skier 12 heures par jour dans les impressionnants paysages du continent blanc, Stéphanie et Jérémie Gicquel étaient déjà des passionnés de sport et de voyage dans les pays froids où les conditions de vie sont extrêmes. « Quand on s'est rencontré à HEC, on a tout de suite commencé à voyager ensemble », raconte-t-elle d'une voix douce et chantante, qui rappelle ses origines toulousaines. Le Grand Nord comme première destination et un coup de foudre immédiat pour ses panoramas et son extraordinaire beauté. Le couple explore ensuite le Pôle Nord ou le Groenland, lors de randonnées à pied ou à ski. De « courtes expéditions de deux à trois semaines pendant les congés », précise Stéphanie qui exerçait jusqu'à l'année dernière le métier d'avocate.

Un "corps à corps" avec la nature

Lors d'une énième expédition, les deux aventuriers se rendent à Ushuaïa, en Argentine, et passent deux semaines sur la côte antarctique. Un premier contact avec ce mystérieux continent et le déclic de leur grand projet : « On s'est dit qu'on ne connaissait pas l'Antarctique. Il y a des images de la côte, de la péninsule, des glaciers, des icebergs et des phoques mais très peu d'images de l'intérieur, mises à part celles des bases scientifiques », explique Stéphanie Gicquel. Le meilleur moyen d'apprendre à le connaître, selon elle et son mari ? Le traverser ! Une idée folle qui devient peu à peu un véritable objectif de vie pour le couple. Date, budget, itinéraire, contacts sur place, consignes de sécurité... la planification du projet s'apparente à la création d'une entreprise, confie Stéphanie Gicquel. « La logistique d'une telle expédition donne le vertige ! L'entraînement, c'est la partie sympa de la préparation. »  

Presque un an après la fin de cette aventure hors-norme, Stéphanie Gicquel semble avoir ramené une bonne partie de l'Antarctique avec elle. Les yeux brillants et la voix vibrante d'émotion, elle tente de mettre des mots sur son expérience : « C’est une partie du monde qui est vraiment en moi, j’ai l’impression de venir de là bas. 74 jours dans un lieu où il n’y a pas de faune, de flore, il n’y a rien mais tu es toujours sur Terre... c’est hallucinant. Ça chamboule plein de chose dans la tête ».

Car derrière l'incroyable performance physique et sportive du couple, on retient surtout leur émerveillement. « Je l’ai plus ressenti comme un corps-à-corps avec la nature qu’un défi sportif », se souvient Stéphanie Gicquel qui a pourtant énormément souffert durant la traversée. Le manque de nourriture d'abord : les deux sportifs auraient dû ingurgiter 6 000 calories par jour ; ils n'en auront que 4 500. Porridges hyper caloriques le matin et repas lyophilisés le soir. À cause d'un problème avec leur fournisseur en alimentation, le couple a dû se passer de ce type de repas le midi. Stéphanie et Jérémie se contentent donc de barres de céréales, chocolats et fromages... Des douceurs qui ne conviennent pas vraiment à la vie dans le grand froid. Résultat : Jérémie a perdu douze kilos, Stéphanie six.

Les températures extrêmes, pouvant aller jusqu'à moins 50 degrés, sont une véritable épreuve de survie aussi. Le mental doit être sans faille. Et le corps toujours en mouvement pour créer de la chaleur et empêcher ses extrémités de geler. La grande peur de Stéphanie. « Dans ce moments là, tu te sens vraiment seule. L’autre gère aussi sa survie. Tu espères qu'il va bien mais tu ne lui parles pas vraiment. Tu as le vent de face, un truc de fou, et dans la journée c’est vraiment l’un derrière l’autre. Tu es seule avec toi-même en réalité. » À côté de ça, il y a le brouillard blanc qui efface tous les repères, les kilomètres de vagues de glace impossibles à contourner et qui font perdre un temps fou, et les nombreuses douleurs musculaires, quotidiennes et inconnues jusqu'alors... Le résultat d'une pratique sportive intense, à raison de 12 heures par jour soit 12 séances d'une heure, séparées par 10 petites minutes de pause. « À la fin, on avait réduit à 7 minutes pour combler notre retard », précise la skieuse.  

Découvrez le carnet de voyage de Stéphanie et Jérémie Gicquel : 

Le retour à la vie normale

« Après une telle expédition, tu veux te reposer », souffle Stéphanie Gicquel. Car une fois les skis rangés, pas le temps de s'ennuyer en Antarctique : « Il faut monter la tente, faire fondre de la glace pour nos repas lyophilisés, monter les panneaux solaires pour recharger les batteries de l'appareil photo, écrire pour notre blog, notre carnet de voyage personnel, appeler le routeur météo et lui donner nos coordonnées GPS... » Jusqu'aux deux dernières semaines, le couple dort peu. 

Vivre cette expérience à deux a en tout cas renforcé leur relation. « Aujourd’hui ce n’est pas évident d’en parler… Si je veux me rappeler ou parler de certains moments, je ne peux le faire qu’avec Jérémie. C’est ce qui doit être difficile pour ceux qui partent en solo : le retour à la vie normale. Ils doivent avoir l’impression d’être seuls. Nous, on n’a pas cette sensation là. » Aujourd'hui, Stéphanie Gicquel apprécie davantage le confort créé par l'homme dans les grandes villes et se déplace beaucoup plus à pied. « Car tout me semble proche ! », s'amuse-t-elle. En Antarctique, son quotidien était réduit à l'essentiel : pas de douche pendant 74 jours. Manger, avancer, dormir. Le reste est accessoire. 

"La vie est une aventure !"

Stéphanie et Jérémie n'ont pas ramené que des souvenirs de leur aventure. Ils ont édité un livre, produit un documentaire, exposent leurs nombreux clichés et interviennent dans des écoles ou des lycées pour « sensibiliser les jeunes à la beauté des régions polaires » et les inciter à protéger notre planète. Une mission de transmission et d'enseignement qui va de soi pour le couple. « Dans notre film, je voulais montrer que l’objectif était élevé mais que malgré ça, on pouvait l'atteindre si on s'en donnait les moyens », explique Stéphanie. Un message universel qui ne s'applique pas seulement au pari d'une traversée de l'Atlantique. Car pour Stéphanie, tout est aventure : « La vie est une aventure ! Créer une entreprise, se reconvertir, avoir un enfant, je pense que c'est aussi une aventure. » Un message, peut-être ?

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Qui était Gerda Taro, la femme de l'ombre de Robert Capa ?

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Fusionnels et complémentaires, le couple de photographes-reporters a travaillé ensemble durant la guerre civile espagnole. (Le 1er janvier 1936.)

Alors que le Jeu de Paume organise une exposition consacrée au photographe de légende Robert Capa, retour sur la femme qui lui a permis de devenir « le plus grand photo-reporter de guerre de l'histoire ». 

 

Le 1er août 1937, 10.000 personnes se pressent au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, pour pleurer la mort tragique de Gerda Taro. Érigée en icône anti-fasciste par le parti communiste français, photographe de guerreà la courte carrière, la compagne et partenaire de Robert Capa aurait dû célébrer le jour même ses 27 ans. Louis Aragon prononce son éloge funèbre et le sculpteur Alberto Giacometti dessine sa tombe. Mais cette attention est de courte durée, tant le travail de la photo-reporter tombe ensuite dans l'oubli. Et pourtant, sans l'intelligence de cette jeune femme, Robert Capa n'aurait probablement jamais été désigné comme « le plus grand photo-reporter de guerre de l'histoire ». 

Gerda, pygmalion

Née à Stuttgart, en Allemagne le 1er août 1910, Gerta Pohorylle, de son vrai nom, grandit dans une famille bourgeoise d'origine juive polonaise. Elle étudie l'art et la politique avant de quitter précipitemment l'Allemagne en 1933, dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Comme de nombreux artistes et intellectuels menacés par le régime nazi, Gerta Pohorylle s'exile à Paris et tente de subvenir à ses besoins. Elle trouve quelques missions en tant que secrétaire mais passe la plupart de son temps à écumer les cafés de Montparnasse et de Saint-Michel comme Le Dôme ou la Capoulade. Mais c'est son poste d'assistante à l'agence Alliance-Photo qui va se charger de tracer son court destin de grande photographe. 

Septembre 1934, Gerta Pohorylle rencontre un jeune photographe, un certain Endre Friedmann, juif hongrois, banni de son pays pour militantisme de gauche. « Peu après leur rencontre, ils sont déjà inséparables », raconte à TV5 Monde Cynthia Young, conservatrice des archives Robert Capa à New York. Intelligente, polyglotte, belle, avec une forte personnalité, Gerta Pohorylle avait « le sourire d'une jeunesse immortelle », selon le poète espagnol Rafael Alberti. Elle repère le talent naissant d'Endre Friedmann et décide de prendre sa carrière en main. Telle un pygmalion féminin, elle l'habille avec élégance, lui invente une nouvelle identité. Endre Friedmann devient alors Robert Capa, un photographe américain faisant ses premiers pas en Europe. La combine fonctionne et les clichés de Capa sont vendus aux prix forts. 

Une femme de terrain

Comme un jeu de miroir, Gerta devient quant à elle Gerda Taro et assimile les techniques de photographie que lui enseigne le maître du noir et blanc. Leur relation fusionnelle et amoureuse est complémentaire, une véritable force qui les amènent tous les deux en Espagne en 1936, pour suivre les combats auprès des républicains. Gerda Taro est une femme de courage et de terrain, qui n'hésite pas à suivre les combattants au cœur de l'action, confirme Cynthia Young : « En aucun cas elle ne photographiait plutôt des enfants ou d'autres femmes. Elle était à fond dans les scènes de combat et les grandes opérations militaires, tout autant que lui ».

Jane Rogoyska, auteur de Gerda Taro, Inventing Robert Capa ajoute à la BBC : « Taro s'est énormément impliquée dans la guerre civile espagnole... elle était tellement passionnée et concernée par la souffrance du peuple espagnol. » Estimée par les combattants républicains, qui la surnomment alors « pequeña rubita » (la « petite rousse »), Gerda Taro travaille pour la revue Ce soir, tandis que son compagnon rencontre un important succès international. 

Le 26 juin 1937, après onze petits mois de carrière, l'intrépide aventurière meurt écrasée par un char républicain lors de la bataille de Brunete. Elle est la première femme photographe-reporter tuée dans l'exercice de ses fonctions. Robert Capa est profondément touché pour le décès tragique de sa compagne : « Jusqu'à la fin de ses jours, les très belles femmes qu'il photographie ont toutes quelque chose de Gerda : spirituelles, sportives, affirmées, un peu garçonnes. Sa mort a cassé quelque chose en lui. Il ne l'a jamais oubliée », affirme Cynthia Young. 

Tombée dans l'oubli

Mais alors pourquoi une femme si estimée et talentueuse est-elle tombée dans l'oubli ? Selon Kate Brooks, photo-journaliste américaine qui a elle aussi capturé des images de guerre en Afghanistan ou en Irak, c'est le contexte historique de la seconde Guerre mondiale qui explique cette part d'ombre : « Les membres de sa famille sont morts durant l'Holocauste, et après la mort de Capa, en 1954, il ne restait plus personne pour préserver la mémoire de son travail », affirme-t-elle à la BBC

Robert Capa n'aurait pas non plus facilité la tâche, considérant les photos de Gerda Taro comme appartenant au couple, écrit l'historienne Irme Schaber, dans une biographie publiée en Allemagne en 1994 et traduite en français sous le titre Une photographe révolutionnaire dans la guerre d'Espagne : « Capa était habitué à considérer comme siennes les images de Gerda », a rapporté Le Monde. Le couple travaille ensemble sur certains clichés mais les sigantures sont aléatoires. Ils peuvent être accompagnés du simple nom de Capa, parfois leurs deux patronymes sont mentionnés et plus rarement, celui de Taro. Un oubli que le 21ème siècle a tenté de rattraper avec la publication de plusieurs livres retraçant le destin tragique de la photo-reporter, une exposition à l'International Center Of Photography de New York et même une chanson du groupe anglais alt-J, sobrement intitulée Taro

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