La navigatrice britannique, qui a participé deux fois au Vendée Globe, encourage à présent son mari, engagé dans l'édition 2016 du tour en solitaire.
Photos Facebook Sam Davies
La navigatrice britannique suit l’édition 2016 depuis la terre ferme, d’où elle encourage son compagnon, qui a pris le départ le 30 novembre. Rencontre avec une sportive engagée, à l’occasion du Salon nautique (1).
En 2008, Samantha Davies avait été l'incontestable héroïne féminine du Vendée Globe, en terminant à la quatrième place. Mais si la navigatrice britannique a épousé l'océan avant de savoir marcher, son histoire d'amour se vit désormais à trois : son compagnon, Romain Attanasio, a lui aussi attrapé le virus de la voile et pris le départ de l'édition 2016 de la mythique course en solitaire. Sam, comme on la surnomme, restée cette fois à terre avec leur fils de 5 ans, concilie passion du grand large et « vie (presque) normale ». Retour sur un parcours qui fait des vagues.
Un destin de navigatrice hors pair
La petite Samantha voit le jour en 1974 au sud de l'Angleterre, dans la ville côtière de Portsmouth. Puis le fil du destin se déroule : lorsqu'elle ne construit pas des bateaux avec son grand-père maternel, elle prend le large avec son grand-père paternel, sous-marinier dans la Royal Navy pendant la Seconde Guerre mondiale. Une trentaine d'années ont passé, et la jeune femme a depuis quitté la grisaille anglaise pour un village du Finistère, un diplôme d'ingénieur de Cambridge en poche. Sans que sa passion pour la voile ne se démente jamais, bien au contraire.
Des mini-transats aux courses mythiques
La lecture de son palmarès impressionne. Une dizaine de courses - des plus petites aux plus mythiques, dont le Vendée Globe et la Solitaire du Figaro - s'enchaînent, comme autant d'histoires à raconter. La première commence en 2001. Âgée alors de 27 ans, la jeune femme (très) indépendante apprend à naviguer seule et s'élance pour une mini-transat à bord d'un petit bateau. Suivront des vaisseaux un peu plus grands (Solitaires du Figaro de 2003 à 2006), puis des monocoques de plus de 18 mètres. En 2007, c'est la consécration : elle devient skipper du 60-pieds Imoca Roxy, un bateau double vainqueur du Vendée Globe, conçu et utilisé par Michel Desjoyeaux, à bord duquel elle conquiert la 4e place en 2008.
Soutien logistique et psychologique
Pour son troisième Vendée Globe, Sam a rangé son costume de navigatrice pour enfiler celui de femme de marin. Et si elle a regardé partir au loin son mari, Romain Attanasio, le 6 novembre dernier, elle ne demeure pas moins très impliquée dans son projet : « Je l'aide à propos des choses techniques aussi bien que logistiques (pharmacie, ravitaillement) ou commerciales. » Son soutien ne s'arrête pas là : « Comme je suis déjà connue, je lui apporte de la visibilité. Que je sois l'ambassadrice de son projet lui a permis de rentrer en contact avec les sponsors. » Mais Sam est avant tout un soutien psychologique pour Romain, dont le téléphone reste allumé 24 heures sur 24, pour le tenir notamment au courant de la vie de leur fils Rubens, âgé de 5 ans. « C'est toute notre famille qui vit le Vendée Globe ! », s'exclame-t-elle.
Mère du petit garçon, né en 2011, Sam a décidé de ne pas faire le Vendée Globe cette année et d'alterner avec Romain, pour rester auprès de leur fils et permettre à son mari de se lancer dans la compétition. « C'est maintenant une habitude pour Rubens de voir partir l'un de ses deux parents. Il a toujours vécu avec nos absences. Pour lui, c'est notre métier, et ses parents ont un métier comme tous ses autres copains ». Un quotidien exaltant d'après les principaux intéressés : « Quand il était petit, on vivait à Lanzarote (îles Canaries), et il a tout de suite parlé trois langues : l'espagnol, le français et l'anglais. Il a toujours beaucoup voyagé et n'y voit aucun problème. Et même lorsque l'année dernière, Romain et moi étions en concurrence lors de la Transat Jacques Vabre, ce sont mes parents qui sont venus le garder à la maison. Tout allait très bien ! Il n'a jamais montré de chagrin. »
Une figure féminine inspirante
Quand elle n'est pas à la barre de son voilier ou en train de s'occuper de son fiston, Samantha s'active sur un sujet qui lui tient à cœur : le manque de reconnaissance des femmes dans sa discipline. Si la voile est l'un des rares sports ou hommes et femmes s'affrontent sans distinction lors des compétitions, les deuxièmes souffrent encore d'une faible visibilité. Mais l'arrivée des réseaux sociaux contribue peu à peu à changer la donne. Facebook, Instagram, Twitter : rien n'échappe d'ailleurs à Sam-l'ultraconnectée, qui publie régulièrement des photos, des détails de ses journées bien remplies, des mantras comme ici sur Twitter ou encore des actualités concernant son projet associatif, The Magenta Project.
"The Magenta Project" : une vitrine pour la voile féminine
Premier réseau sportif international de navigatrices professionnelles, The Magenta Project a vu le jour grâce à l'initiative de Sam et de ses anciennes coéquipières de la Team SCA de la Volvo Race, afin de « nourrir l'engouement et la visibilité dans les médias qu'il y avait eu lors de la Volvo Race ». En plus de constituer un véritable vivier d'équipières pour les compétitions nautiques, l'association voit loin : « On met en place des partenariats pour permettre à des jeunes navigatrices de profiter de notre expérience, en louant des bateaux par exemple ». En attendant le retour de Samantha Davies elle-même sur les mers, peut-être lors de la neuvième édition du Vendée Globe, prévue en 2020.
Sam Davies, navigatrice connectée
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Samantha Davies : selfie sur l'eau
Séance d'entraînement avec son compagnon pour le Vendée Globe.
Photo Instagram @samdavies_sailingSamantha Davies et son fils, Rubens
Le petit Rubens n'est jamais loin lorsqu'il s'agit d'accompagner ses parents lors de leurs compétitions. Ici, il dit au revoir à son père, Romain Attanasio, qui a pris le départ de la huitième édition du Vendée Globe, le 6 novembre dernier.
Photo Instagram @samdavies_sailingSamantha Davies : sous le vent
Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, Sam garde la motivation... et le sourire.
Photo Facebook Sam DaviesSaint-Barthélemy
Quand Samantha Davies troque l'uniforme de skippeur pour une robe d'été. Mais en gardant le cap.
Née le 4 novembre 1965 à Montauban, Anne Gravoin est une violoniste professionnelle et l'épouse de Manuel Valls. (Paris, 3 décembre 2014.)
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Plutôt discrète au côté de son mari à Matignon, la violoniste Anne Gravoin est très active dans les milieux artistiques. Un atout culturel pour la campagne qui s'annonce.
«Le premier ministre et Madame Anne Gravoin» convient leurs invités à une visite privée de l’exposition Chtchoukine. Ils sont nombreux à avoir reçu ce carton pour la soirée de mercredi à la Fondation Vuitton. Vendredi 2 décembre au soir, le calendrier politique chamboulé, un mail, envoyé en urgence à 19h26, a tout annulé. Le 6 septembre dernier, les mêmes amis et connaissances se pressaient aux Invalides pour La Bohème dans le cadre de la manifestation Opéra en plein air. Avant le début du concert, Anne Gravoin, pourtant premier violon, avait pris le temps de venir saluer l’assistance réunie dans un salon des Invalides. En femme du monde, épouse du premier ministre et artiste. Les trois à la fois.
«C’est une artiste», répètent ceux qui, dans le milieu musical, côtoient l’ancien premier prix de violon et de musique de chambre du Conservatoire national de Paris. Façon de dire que la brune et vive violoniste ne veut pas sacrifier sa passion aux impératifs de la politique. Ni en 2012, lorsque Manuel Valls prend le portefeuille de l’Intérieur, ni en en 2014 lorsqu’il est nommé à Matignon, sa femme ne ralentit le rythme. Accumulant les responsabilités à la tête de sa société Régie Concert qui organise des événements musicaux, enchaînant les tournées en France comme à l’étranger, virevoltant avec son archet et Travelling Quartet, le quatuor à cordes qu’elle a fondé. Signe de cette intense activité, le 15 mai 2012, lors de la passation de pouvoirs entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, l’épouse de Manuel Valls n’est pas à son côté mais sur la scène du Stade de France pour la tournée de Johnny Hallyday. Classique, opéra, rock : c’est une adepte de la diversité.
"À 300% derrière Manuel Valls"
«Le mois de décembre est très chargé. Peur de ne pas trouver un créneau pour déjeuner», répondait il y a quelques jours Anne Gravoin à l’une de ses amies. Sans savoir que le calendrier allait encore s’accélérer, le renoncement de François Hollande précipitant Manuel Valls dans la primaire... Quel rôle a-t-elle pu jouer dans la détermination de Manuel Valls ces derniers mois? «Sa passion naturelle n’est pas la politique mais l’homme qu’elle a épousé. Or elle lui souhaite le plus grand avenir», confie l’avocate Françoise Dreyfus qui, avec son mari Tony Dreyfus, également avocat, figurent parmi les intimes de Manuel Valls depuis la période Rocard.
«Anne est éminemment politique. Elle était déjà très engagée dans la campagne socialiste de 2007. Pour la primaire et, peut-être pour la présidentielle, elle sera à 300% derrière lui. C’est la première de ses militantes», poursuit une autre amie qui suppose que la musicienne mettra son agenda entre parenthèses. Déjà, depuis un an, a-t-elle essayé de lever le pied pour être plus disponible. Ce qui ne signifie pas qu’elle est omniprésente. «Pas de risque qu’elle se comporte comme Valérie Trierweiler qui, en 2007, agaçait l’entourage de François Hollande», se satisfont les proches du futur ex-premier ministre.
Une histoire d’amour de jeunesse
À Matignon, Anne Gravoin n’a pas cherché à occuper le devant de la scène. Elle s’est contentée d’apparaître aux dîners officiels, d’accompagner quelques visites à l’étranger comme récemment en Tunisie. Discrète finalement, comme l’avait été avant elle, Brigitte Ayrault, cible d’un de ses bons mots ravageurs, rapporté dans la presse : «C’est sûr qu’une musicienne, c’est un peu plus glamour qu’une prof d’allemand (en réalité professeur de français, NDLR)». Ses amis n’avaient pas été surpris : lors des dîners d’intimes dans l’appartement du quartier de la Bastille, la violoniste n’a pas sa langue dans sa poche. Mais elle a vite compris qu’il valait mieux réserver ses traits d’esprit au premier cercle.
Le couple s’est marié le 1er juillet 2010 à la mairie d’Evry, ville décidément symbolique pour Manuel Valls. Une jolie histoire d’amour de jeunesse dont les chemins se sont recroisés à la quarantaine. Des amis de tous horizons se mélangent pour célébrer cette union. La jeunesse catalane de Manuel Valls comme les origines juives d’Anne Gravoin, les rocardiens historiques comme des figures de l’autre bord politique tel le couple Xavier et Laure Darcos, les beaux quartiers parisiens et les cités populaires de l’Essonne.
Une synthèse réussie... Lui a quatre enfants, aujourd’hui jeunes adultes, de son précédent mariage avec une enseignante. Elle, une fille qui poursuit ses études à l’étranger. Tous deux partagent leur goût de la culture, «qui n’est pas feint chez Manuel. Il baigne dedans depuis son enfance et l’éducation qu’il a reçue, notamment de son père, le peintre Xavier Valls», rappelle Françoise Dreyfus.
Au cœur de la polémique
«Ils sont incroyables. Jamais fatigués!», s’enthousiasme une habituée des dîners de la Bastille. Un début de polémique a cependant affecté le couple. Un article du Nouvel Obs qui, en mars, accusait la violoniste de s’être «retrouvée au cœur des réseaux de la Françafrique» après avoir pris la direction artistique de l’Alma Chamber Orchestra, un ensemble créé par «un mystérieux homme d’affaires d’origine algérienne». Au fil des sous-entendus, l’hebdomadaire suggérait que la femme du premier ministre avait accepté les yeux fermés cette «chance de sa vie». Craignant que le feu prenne, Matignon s’était employé à éteindre les premières flammes de cette histoire sans fondement évident. Depuis, d’autres préoccupations, plus politiques, se sont accumulées : la fusée Macron, l’impopularité de l’exécutif, l’éclatement de la gauche et la montée du populisme...
Il y a quelques années, Michel Rocard avait réuni ses amis pour fêter son anniversaire fin août dans sa propriété des Yvelines. Là, les yeux dans les yeux, l’ancien premier ministre avait dit au futur occupant de Matignon: «Désormais, c’est à toi de reprendre le flambeau. Celui de Jaurès, de Blum... le mien». Manuel Valls n’avait pas répondu directement à son hôte. Anne Gravoin n’assistait pas à cette partie de campagne mais son mari la lui a sans doute racontée...
Anne Gravoin, la femme de Manuel Valls
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Anne Gravoin, la femme de Manuel Valls
Née le 4 novembre 1965 à Montauban, Anne Gravoin est une violoniste professionnelle et l'épouse de Manuel Valls. (Paris, 3 décembre 2014.)
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Manuel Valls et Anne Gravoin se rencontrent dans les années 80, sans donner suite. « Quand je l'ai revue (30 ans plus tard, NDLR)... Le coup de foudre, je suis tombé amoureux d'elle, depuis on ne s'est plus quittés », confiait l'actuel premier ministre à Michel Drucker, sur le plateau de « Vivement Dimanche ». (Masters de Paris, Paris, 2 novembre 2014.)
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Mariés depuis 2010, ils vont ensemble à Beauvau en 2012, puis à Matignon en 2014. (Paris, 6 juin 2014.)
Photo AFPAnne Gravoin, la femme de Manuel Valls
Si elle paraît très présente aux côtés de son mari, Anne Gravoin a toujours tenu à garder son indépendance, continué à gagner sa vie grâce au violon, poursuivi son projet de création d'orchestre de 40 musiciens. L'Alma Chamber Orchestra est né en 2015. (Dans les jardins de l'hôtel Matignon, Paris, 16 décembre 2014.)
Pour retenir Megyn Kelly, la chaîne Fox News lui a proposé un salaire chiffré à plus de 20 millions de dollars par an. En vain. (Iowa, janvier 2016.)
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Parions que Donald Trump, depuis la Maison-Blanche, aura maille à partir avec Megyn Kelly, la journaliste la plus célèbre de la télévision américaine ! Retour sur une histoire mouvementée.
L’arrivée de Donald Trump dans le fameux bureau Ovale, ce vendredi 20 janvier, a été précédée d’un coup de tonnerre : Megyn Kelly, la journaliste de télévision la plus célèbre du moment, a quitté Fox News, la chaîne la plus regardée du câble pour NBC ! Or Megyn Kelly est désormais une icône. Et Donald Trump y est pour quelque chose.
L'origine du succès
La journaliste Megyn Kelly lors du gala annuel organisé par le «Hollywood Reporter» pour les femmes dans les médias. (Los Angeles, décembre 2016.)
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La belle et ultramordante intervieweuse est devenue, au fil des mois, l’une des protagonistes de la dernière campagne électorale américaine, violente et émaillée de débats au ras de la moquette. Avec une seule question, acérée, qu’elle a lancée à Donald Trump au début de la primaire républicaine en août 2015 : «Vous appelez les femmes que vous n’aimez pas "grosses truies", "chiennes", "animaux dégoûtants"… Pensez-vous que ce soit digne d’un homme qui se présente à l’élection présidentielle ?»
La réplique de celui qui est devenu ensuite, le 9 novembre dernier le quarante-cinquième président élu des États-Unis, fut consternante. Dès le lendemain, Donald Trump a grossièrement suggéré qu’elle avait ses règles («Le sang sortait de sa bouche, comme de toute part»), qu’elle n’était qu’une bimbo, menteuse de surcroît. Kelly a ensuite fait l’objet de menaces de mort de la part des partisans de Trump, au point d’engager des personnes pour sa sécurité, mais elle ne s’est pas démontée. Leurs relations se sont, depuis lors, normalisées.
Journaliste "bankable"
Plastique parfaite, toujours sanglée dans des tenues aussi sexy qu’impeccables, pugnace, courageuse, piquante, sûre d’elle…, la journaliste phare de Fox News pendant douze années est devenue en un peu plus d’un an le visage le plus connu de la chaîne conservatrice, ironiquement qualifiée d’«annexe du Parti républicain».
Son émission «The Kelly File» s’est maintenue comme le deuxième programme le plus suivi du câble, avec plus de deux millions et demi de téléspectateurs chaque soir. Voilà pourquoi, quand elle a annoncé, au début de janvier, qu’elle quittait la chaîne, propriété de Rupert Murdoch, pour rejoindre NBC News - en dépit d’une offre pour la retenir à plus de 20 millions de dollars par an -, la médiasphère s’est emballée. Megyn Kelly fascine autant qu’elle agace, ne s’avoue ni démocrate ni républicaine, ne se considère pas comme féministe - mot trop connoté à gauche - et trace sa route en suivant le conseil du comédien Steve Martin : «Sois si bonne qu’ils ne pourront pas t’ignorer.» C’est chose faite.
D'avocate à journaliste
Megyn Kelly en plein exercice de journaliste politique pour la chaîne américaine Fox News. (Cleveland, juillet 2016.)
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«Elle échappe aux cases dans lesquelles on aime habituellement ranger les femmes à la télévision», souligne Jessica Yellin, une ancienne correspondante à la Maison-Blanche pour CNN. «Elle est intelligente, forte, sexy, féroce et sympathique à la fois.»
Cette mère de trois enfants, mariée à l’écrivain Douglas Brunt, fait son entrée sur les plateaux de télévision après une carrière dans le cabinet d’avocats Jones Day, où elle s’est spécialisée en litiges d’entreprises. Elle ne s’y sent pas à sa place. Arrimée à son leitmotiv préféré, «Just do it», elle concocte une vidéo de démonstration, fait un petit tour sur la chaîne locale WJLA, puis Roger Ailes, le président du groupe Fox Television, la remarque et lui donne sa chance.
«J’aurais pu rester dans mon cabinet d’avocats, je pense que j’y étais dans ce que ma belle-sœur appelle ma "zone d’excellence"», avance-t-elle, avec l’aplomb qui la caractérise, dans son livre récemment publié Settle for More (éditions Harper, non traduit). «Mais j’ai choisi un autre chemin, fait des sacrifices, financiers notamment, pour arriver dans ma zone de génie.» (sic)
Megyn Kelly, la challengeuse
Megyn Kelly n’a jamais rien sacrifié de sa personnalité, tout comme elle n’a pas hésité, l’année dernière, à dénoncer son mentor et patron, Roger Ailes, pour une affaire de harcèlement sexuel qui vaudra à l’homme son éviction de la chaîne en juillet dernier.
«Elle préfère la vérité au pouvoir», applaudit Sheryl Sandberg, la patronne de Facebook, devenue son amie. «Elle est dure mais juste et implacablement culottée.» Sur NBC, qu’elle rejoindra réellement dans quelques mois, Megyn Kelly animera une émission quotidienne en semaine et une émission d’information hebdomadaire le dimanche soir. Elle devra faire face au mastodonte «60 Minutes» (sur CBS), c’est-à-dire le plus gros succès de la télévision américaine depuis presque cinquante ans… Même pas peur.
L'interview de Donald Trump par Megyn Kelly
Les femmes de la galaxie Trump
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Donald Trump et ses drôles de dames
Ivana Trump. Elle est la première femme de Donald Trump. Ils se marient en 1977, et règnent sur la jet-set américaine pendant quinze ans. En 1992, la liaison du magnat de l’immobilier avec Marla Maples a raison de leur union, et le couple divorce. (New York, 1er janvier 1988.)
Photo Getty ImagesDonald Trump et ses drôles de dames
Lors de leur séparation, elle accuse son ex-mari de viol avant de revenir sur cette affirmation en parlant d’une expérience où elle s’est simplement sentie « blessée ». Aujourd’hui, elle déclare à son propos à Pagesix : « Je pense qu’il peut gagner (l'élection présidentielle, NDLR). Il dirigerait le pays comme une entreprise, pas comme l'imbécile que l'on voit aujourd'hui, qui n’arrive pas à prendre une décision et qui ne connaît rien sur rien ». (New York, 15 septembre 2015.)
Desiree Navarro / Getty ImagesDonald Trump et ses drôles de dames
Ivanka Trump. De cette union naît Ivanka en 1981. Elle grandit dans le bling-bling des socialites de la Grosse Pomme. (New York, 3 septembre 1991.)
Photo Ron Galella / Getty ImagesDonald Trump et ses drôles de dames
Aujourd'hui, elle est vice-présidente du groupe de son père, The Trump Organization, et fait office d’atout dans la course à la présidentielle. Donald Trump ne manque pas une occasion de la discréditer en vantant sa plastique. Dans Playboy, il a déclaré à son propos : « Si Ivanka n’était pas ma fille, il se pourrait bien que je sorte avec elle. » Et a réitéré dans le magazine Rolling Stones.« Elle a vraiment quelque chose. Quelle beauté, celle-là. Si je n'étais pas marié, enfin son père… » (Floride, 5 mars 2015.)
Déborah François dans "Fleur de Tonnerre", de Stéphanie Pillonca, en salles le 18 janvier 2017.
Photo Sophie Dulac Distribution
La plus féroce des meurtrières du XIXe siècle tient l'affiche de Fleur de Tonnerre, le premier film de Stéphanie Pillonca. Portrait de celle qui tuait de sang-froid dans de bons petits plats chauds.
«Âgée de 48 ans, fortement bâtie et colorée, coiffée du capot blanc empesé, vêtue de la robe montante de droguet et du tablier de cotonnade à bavette des paysannes d'Ille-et-Vilaine, la croix d'argent au cou, l'empoisonneuse, déjà légendaire dans toute la Bretagne, entre les yeux baissés et les mains jointes et prend place au banc des accusés où sa laideur abjecte, son regard dur, son front déprimé, sa bouche au sourire bas et méchant répondent bien à l'idée qu'on s'était fait d'elle et qui se traduit par un long murmure de répulsion.» Nous sommes le 6 décembre 1851, dans la rubrique judiciaire du Figaro de l'époque, au premier jour du procès d'Hélène Jégado - procès qui se terminera par sa condamnation à mort huit jours plus tard.
Hélène Jégado, dite la «Jégado», née à Plouhinec, dans le Morbihan, en 1803. Nourrie par les légendes de la Basse-Bretagne et les histoires d'Ankou - la personnification de la mort dans la mythologie bretonne. Orpheline à 7 ans, apprentie-cuisinière à 8. Accusée de trente-sept empoisonnements - officiels - en dix-huit ans, dont sept seulement n'ont pas été suivis de la mort des victimes. «Elle a traversé la Bretagne de part en part, tuant avec détermination tous ceux qui croisèrent son chemin : les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants et même les nourrissons», peut-on lire en quatrième de couverture de Fleur de Tonnerre (1), l'ouvrage de Jean Teulé (Ô Verlaine, Le Montespan, Je, François Villon) qui a fait de cette vie un roman, fascinant et morbide. «Le bourreau qui lui trancha la tête le 26 février 1852 sur la place du Champs-de-Mars de Rennes ne sut jamais qu'il venait d'exécuter la plus terrifiante meurtrière de tous les temps.»
"Partout où je vais, la mort entre"
La plus grande empoisonneuse du XIXe siècle tuait de sang-froid, à travers des petits plats mijotés à l'arsenic en cuisine. Sa spécialité, la soupe aux herbes. «En 1833, Hélène entra au service de M. Le Drogo, prêtre à Guern. Dans cette maison, en trois mois, du 28 juin au 3 octobre 1833, décédèrent sept personnes, parmi lesquelles Anna Jégado, la sœur d'Hélène, le père et la mère du recteur, et M. Le Drogo lui-même», peut-on lire dans la chronique judiciaire du Figaro. «Toutes ces personnes moururent à la suite de pénibles vomissements. Toutes avaient mangé des aliments préparés par Hélène et avaient reçu ses soins jusqu'à leurs derniers moments.» Ou encore le témoignage de cette lingère à Locminé : «Quand la Jegadotte est entrée chez nous, ma mère avait un mal blanc au doigt. "Je crois bien, me dit-elle, que votre mère mourra". Mais pourquoi ? elle n'a qu'un petit mal. "Ah, oui !, qu'elle répond, mais partout où je vais, la mort entre".»
Dans son roman, Jean Teulé explique qu'Hélène Jégado aurait eu tellement peur de l'Ankou petite – «Se promenant en Bretagne avec sa charrette (...), il croise ou s'introduit chez les êtres, ne se fâche jamais après quiconque. Il les fauche, c'est tout», page 21 – , qu'elle aurait décidé de devenir elle-même l'archange de la mort, tuant sans raisons ni remords – «L'âme crispée lorsque la nuit tombe, elle écoute cette voix qui lui parle du fond d'une fosse épouvantable», page 149.
"Je ne leur ai donné que ce qui sort des pharmacies"
C'est ce roman que Stéphanie Pillonca a adapté au cinéma, sous un titre éponyme. «J'ai été bouleversée par l'histoire de cette jeune femme, sa solitude, son déclin ; cette fillette de 5 ans placée sous le sceau de la maltraitance, qui a grandi dans des conditions extrêmes», explique la réalisatrice qui a soigneusement travaillé avec les Archives nationales, les musées de Bretagne et les reliques du procès, pour coller au mieux au personnage que Le Figaro de l'époque décrit comme «l'un des types les plus épouvantables, au point de vue physique et moral, de la perversité humaine». Dans Fleur de tonnerre, le premier film de Stéphanie Pillonca, Hélène Jégado, incarnée par Déborah François, n'est pourtant pas que monstrueuse. «J'ai voulu montré son isolement, sa solitude, j'ai voulu que l'on se rappelle qu'en toute femme il y a cette petite fille qui pleure. Mon objectif était non pas de l'excuser mais de montrer que le manque d'amour conduit à la haine.»
L'avis du Dr Pitois, appelé par la défense de l'époque pour apprécier l'état mental de l'accusée, est relativement différent : «La lésion de quelque organe et une prédisposition au meurtre indiquée nettement par le crâne, font de l'accusée une anomalie. (...) C'est chez elle un tel besoin instinctif que j'ai cru saisir sur son visage une expression de bonheur chaque fois que l'on racontait dans cette enceinte les palpitations de ses victimes.» Jusqu'à la fin, malgré les multiples témoignages et les implacables accusations, Hélène Jégado criera son innocence : «Ben franchement, répond-elle aux questions de M. le président, et c'est là son dernier mot, je ne leur ai donné que ce qui sort des pharmacies et par ordre des médecins.» (Le Figaro, 1877). La peine de mort une fois prononcée, elle quittera l'audience, hochant la tête en signe de menace, montrant le poing au public.
(1) Fleur de Tonnerre, de Jean Teulé, 288 pages, Éd. Julliard.
"Fleur de Tonnerre", la bande-annonce
En images, les couples meurtriers les plus redoutables
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Bonnie et Clyde
Dans l'Amérique des années 1930, en pleine Grande Dépression, un certain Clyde Barrow et une dénommée Bonnie Parker braquent ensemble des banques et tuent des policiers sur leur route. Le 23 mai 1934, les deux amants meurent après que la police a tiré 150 balles sur leur véhicule pris en embuscade. Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot en feront une chanson mythique, et Arthur Penn un film culte avec Warren Beatty et Faye Dunaway, qui remportera l'oscar du meilleur film en 1968.
Photo STF / AFP Files /AFPDenise Labbé et Jacques Algarron
Dans les années 1950, Denise Labbé (à gauche) est une mère célibataire qui se saigne pour élever sa fille. Elle rencontre Jacques Algarron (à droite), un jeune étudiant en philosophie, qui la harcèle pour qu'elle sacrifie son enfant en symbole de leur amour extraordinaire. Après plusieurs tentatives de meurtres ratées, Denise Labbé noie sa fille de deux ans dans une lessiveuse. Algarron est aussi reconnu coupable de meurtre.
Photo Intercontinentale / AFPRaymond Fernandez et Martha Beck
Ils sont les « Lonely Hearts Killers » (traduire « les tueurs des petites annonces »). Fernandez (troisième en partant de la gauche) est un homme marié (sa femme et ses enfants vivent en Espagne) quand il rencontre Beck (première à gauche). Cette mère célibataire en surpoids à cause d'un dérèglement hormonal a trouvé refuge dans les romans à l'eau de rose. Bientôt, elle abandonne ses enfants et rentre dans les combines de son amant : répondre aux petites annonces de femmes solitaires pour les rencontrer et les voler. Martha se fait passer pour la sœur de Raymond, qui joue au fiancé idéal. La première victime est Janet Fay, 66 ans, tuée par la jalouse Beck alors qu'elle était au lit avec Fernandez. Vient ensuite Delphine Downing, jeune veuve et mère d'une petite fille de deux ans. Beck ne supportait pas les cris de l'enfant. Le couple diabolique finira sur la chaise électrique en 1951, après un procès qui avait fait les choux gras de la presse.
Photo AE / APIan Brady et Myra Hindley
Dans les années 1960, l'affaire des « Meurtres de la lande » secoue la Grande-Bretagne. Ian et Myra assassinent cinq enfants en l'espace de deux ans. Ian, perturbé et violent depuis l'adolescence, est passionné par la torture. Myra a été élevée par deux parents alcooliques et violents. La jeune fille est envoûtée par Ian, qui rêve d'accomplir « le meurtre parfait » et l'initie au nazisme. Après avoir attiré dans sa voiture des enfants en leur demandant de l'aide, Myra les conduit dans la maison que le couple possède dans la lande de Saddleworth. Là, Ian viole et tue les enfants. Condamnée à perpétuité, Myra Hindley est décédée en prison en 2002. Reconnu comme psychopathe, Ian Brady, lui, a déclaré ne jamais vouloir être libéré et demande assistance pour se suicider. Il est le plus vieux prisonnier de Grande-Bretagne.
Caroline Morard et François Fillon, le 26 février 2013 à Paris.
Photo AFP
Elle s'occupe des relations presse de François Fillon depuis 2012. Portrait de cette ex-championne de tennis devenue la «social media girl» du candidat de la droite.
Dans la famille des communicant(e)s de François Fillon, il y Anne Méaux, toute-puissante dirigeante de l'agence Image 7, experte en communication de crise ; Myriam Lévy, ancienne journaliste et fidèle conseillère depuis les années Matignon ; et la jeune Caroline Morard, silencieuse attachée de presse depuis 2012.
Au moment où François Fillon traverse une violente tempête médiatique, où chaque membre de l'entourage du candidat de la droite à la présidentielle est donc, scruté à la loupe, nous avons décidé de nous intéresser à celle qui a cette mission compliquée de faire le lien avec la presse - déchaînée à l'heure qu'il est, sur le Penelopegate.
Depuis mai 2012, elle gère le compte Twitter de François Fillon, ouvert pour les élections législatives. Elle s'est chargée de sa communication pendant la campagne pour la présidence de l'UMP, avant de prendre en main celle de son propre parti, Force Républicaine. Grosso modo, de par son statut d'attaché de presse, Caroline Morard diffuse - ou pas - les informations de ou sur M. Fillon à la presse, organise les rencontres avec les journalistes, analyse sans cesse la couverture médiatique autour du candidat qu'elle représente. Tout cela, paradoxalement, à l'ombre des médias.
Dans le documentaire d'«Envoyé Spécial» diffusé jeudi sur France 2, apparaissent Patrick Stefanini, le directeur de campagne de François Fillon, Anne Faguer, une assistante parlementaire du candidat de la droite, et Dimitri Lucas, un attaché de presse, oui, mais celui de Bruno Lemaire. Pas de Caroline Morard, tout du moins sur le devant de la scène, lors du meeting - devenu de crise - du candidat Les Républicains à la Villette, le 29 janvier.
Frappeuse et tweeteuse
Quand nous la contactons pour réaliser son portrait dans nos pages, elle nous «remercie pour (notre) proposition, mais nous sommes une équipe soudée autour du candidat», ajoutant, prudente : «Je n'ai aucune intention de me mettre personnellement en avant».
À 38 ans, cette tweeteuse de choc vient de loin. Avant de plonger dans le bassin politique, Caroline Morard est d'abord une ex-championne de tennis, promotion Mauresmo à l'Insep - le lycée qui forme les futures stars du sport français (source : Le Point, 2013). Nous avons essayé de joindre Amélie Mauresmo au sujet de sa co-pensionnaire, sans succès - elles avaient 12 ans, en même temps, à l'époque.
Force est néanmoins de croire que Caroline Morard a rapidement abandonné la terre battue pour se lancer dans de longues et difficiles études. Elle obtiendra bientôt un doctorat en pharmacie clinique au CHU de Grenoble dans les années 2000, qu'elle complètera par un cursus commercial à l'EM Lyon. Un parcours atypique dont elle parle, hésitante dans une vidéo, lors de ce qui semblent être ses premiers pas en politique. En 2008, elle s'engage timidement à la Jeunesse, aux côtés de Xavier Dullin, candidat à la mairie de Chambéry, dont elle est originaire. Sur son blog de l'époque, intitulé «Nouvelle vie», il dit d'elle : «Un profil de haut niveau pour une des plus jeunes colistières. Longtemps éloignée de Chambéry par ses multiples activités, Caroline a fait le choix de revenir s'installer dans sa ville natale. Les diverses expériences accumulées, en France et dans le monde, lui ont permis d'avoir un regard extérieur sur sa ville, un œil neuf pour une chambérienne de toujours en quelque sorte.»
Rien sur le Penelopegate
À part dans cette vidéo de campagne, Caroline Morard n'a que très peu pris la parole. Quatre fois, très exactement, dans la presse. En 2014, alors que François Fillon est embourbé dans l'affaire qui l'oppose à Jean-Pierre Jouyet, elle prend sa défense dans Paris Match : «C'est une vaste opération de manipulation destinée à éliminer François Fillon de la scène politique. À croire qu'il gêne vraiment !». Se contentant d'un «L'événement est devenu international», le soir de la victoire de François Fillon au second tour de la primaire. Avouant que «la solidité du projet Fillon, on la doit principalement à Pierre Danon et François Bouvard» au JDD, en novembre 2016.
Quand Libération l'accuse de cumuler les mandats, il y a quelques jours - elle serait toujours l'assistante parlementaire de Jérôme Chartier à l'Assemblée -, elle se justifie en disant «travailler à temps partiel pour le député et pour la campagne». À part ces rares prises de parole politique, et quelques «replies» sur Twitter, Caroline Morard garde le silence. Évidemment, elle n'a rien dit sur le Penelopegate. Et en même temps, était-ce son rôle de le faire ?
Le style pointu de François Fillon
En images
Le style de François Fillon
Costume bleu marine impeccable, cravate assortie, chemise rayée blanc et bordeaux : François Fillon maîtrise, déjà, les coupes et les couleurs. (Strasbourg, 7 novembre 2013.)
Photo ReutersLe style de François Fillon
Pull col roulé violet et chaussettes ton sur ton, si c'est pas du style, ça, on ne s'y connaît pas. (Paris, 16 janvier 2005.)
Photo AFPLe style de François Fillon
L'imper de détective marron, oui, mais avec la doublure orange Hermès. (Paris, 18 février 2004.)
Photo AFPLe style de François Fillon
Néo-tradi devant l'hôtel Matignon. (Paris, 22 mai 2007.)
Dolores Huerta a reçu la médaille présidentielle de la Liberté, haute distinction, des mains de Barack Obama le 29 mai 2012.
Photo Reuters
Méconnue du grand public, cette féministe aguerrie milite depuis soixante ans pour, notamment, les droits des femmes. Dolores Huerta aurait même influencé les plus grands : de Barack Obama à Jane Fonda. Portrait.
Barack Obama lui doit son «Yes we can», Jane Fonda la qualifie d'icône et Hillary Clinton la considère comme une des figure de proue du féminisme. Mais en dépit de cette reconnaissance quatre étoiles, l'activiste Dolores Huerta, 86 ans, demeure inconnue du grand public. Une chose est sûre, elle a la tête dure à défaut d'avoir sa langue dans sa poche. Portrait.
Soleil californien
Née le 10 avril 1930 à Dawson, Nouveau-Mexique, Dolores Huerta est d'origine hispanique. La fillette hérite des convictions de son père, Juan Fernandez, travailleur agricole engagé. Alors qu'elle n'a que 3 ans, ses parents divorcent et sa mère déménage à Stockton, Californie. Le déménagement n'empêche pas Dolores de garder le contact avec son père, devenu militant syndical à l'Assemblée du Nouveau Mexique.
Sous le soleil californien, le grand-père de Dolores Huerta remplace souvent sa mère, absente du foyer familial à cause de son travail. Cette dernière l'a toujours encouragée à devenir celle qu'elle souhaitait être ; Alicia Sanchez travaillait dur afin d'offrir des cours de violon, piano et danse musique et des activités extrascolaires à sa fille. Dolores a également été scoot jusqu'à ses 18 ans.
Mère à 17 ans, et onze fois
En dépit d'une éducation riche et de son statut de bonne élève, Dolores n'échappe pas au racisme qui sévit, à l'époque, contre la communauté latine, et principalement les travailleurs agricoles. En 1947, elle devient - à 17 ans - à son tour mère. Elle le sera au total onze fois. Onze enfants, nés de trois pères différents. Après le divorce avec son premier mari, elle est insatisfaite de la dizaine de petits boulots qu'elle enchaîne. Qu'à cela ne tienne, Dolores décide de reprendre ses études de professorat et part enseigner à l'Université du Pacifique, toujours en Californie. Elle y renonce néanmoins, frappée par les conditions déplorables dans lesquelles certains élèves étudient, et à quel prix. Huit ans plus tard, elle crée la Community Services Organization : ce groupe de travail combat la ségrégation et les discriminations. C'est le début de sa carrière d'infatigable militante des mouvements syndicaux, féministes, écologistes, non-violents et pour les droits de l'Homme...
Dolores Huerta devant un portrait d'elle-même en 1998 à Los Angeles.
Photo AP
Raisin et laitue avec Cesar Chavez
L'engagement de Dolores Huerta prend une autre tournure lorsqu'elle rencontre Cesar Chavez, le dirigeant du centre d'aide communautaire de Stockton, en Californie. Ils partagent une passion commune pour la défense des droits des travailleurs fermiers et décident de fonder l'Union des travailleurs agricoles. Nous sommes dans les années 1960 et leur opération vise à protester contre les mauvaises conditions des travailleurs qui récoltent les grappes de raisin. Grâce à eux, des grèves, manifestations, rassemblements, et même un boycott national du raisin en septembre 1965 voient le jour. Après cinq ans de dur labeur et un slogan mythique («Si si puede», ancêtre de «Yes we can»), l'Union obtient un accord historique améliorant les conditions des travailleurs agricoles : réduction de l'utilisation des pesticides, nouvelle assurance maladie... Durant la décennie suivante, Dolores Huerta coordonne le boycott de la laitue pour la création d'une politique climatique avantageuse. En 1975, une loi est adoptée et reconnaît pour la première fois la négociation collective entre travailleurs.
Violences policières
Une fois n'est pas coutûme,en 1988, Dolores Huerta défile dans les rues de San Francisco contre le programme politique du candidat républicainà la présidentielle de l'époque, George Bush père. Le rassemblement dégénère et un officier de police la matraque. Elle en ressort avec six côtes cassées et la rate perforée. Ce passage à tabac, largement dénoncé par les Américains, amènera la police de la ville à modifier son règlement, et à renforcer le contrôle de discipline des agents de sécurité.
Dolores Huerta et Jane Fonda à Los Angeles le 21 décembre 2016
Photo AFP
L'"Hys-toire"
Après sa convalescence à la suite des violences de 1988, Dolores Huerta se focalise sur les droits des femmes. «En général, le rôle des femmes dans l'Histoire est minimisé», déclare-t-elle à l'AFP. Et d'assimiler «l'hystérectomie», cette ablation de l'utérus, à une quasi-absence des femmes dans l'Histoire - avec un grand H. «J'appelle ça l'Hys-toire. Il n'y a qu'à voir la dernière élection : on avait une femme superbement qualifiée pour être présidente des États-Unis (Hillary Clinton, NDLR) et un homme sans expérience qui a été élu (Donald Trump, NDLR)», a ainsi réagi la démocrate après l'élection du milliardaire.
Batterie de prix
Le militantisme chevillé au corps de Dolores commence à se faire connaître, notamment auprès des grands dirigeants. En 1993, elle reçoit la médaille de la liberté Ellis Island et est intégrée au National Women's Hall of Fame de Seneca Falls. En 1998, elle reçoit le Prix Eleanor Roosevelt ; en 2002 le Prix Puffin et en 2012 la prestigieuse médaille présidentielle de la liberté des mains du président Barack Obama.
Récompense ultime, un documentaire lui a été consacré - et présenté au Sundance festival. Émue par cet honneur, l'activiste déplore que des sujets évoqués dans le film «restent d'actualité» en 2017 : violences policières, discriminations contre les femmes, pesticides... Et de conclure, déterminée : «C'est la nature des luttes : deux pas en avant, un pas en arrière, mais il faut continuer. Organisez-vous, impliquez-vous, et surtout, votez : manifester ne sert à rien si ça ne se traduit pas en votes.»
Ces féministes insoupçonnés :
En images
Nicki Minaj
« Twerker » (danser en agitant outrageusement ses fesses) avec des vêtements ultra moulants et être féministe, c’est possible ? La preuve avec Nicki Minaj, cette chanteuse américaine qui, dans ses clips, claque les mains des garçons qui voudraient lui pincer le derrière, ridiculise les clichés de la femme parfaite véhiculés par le hip-hop et évoque sans cesse dans ses interviews la question de la relation des femmes avec le pouvoir. Son credo ? Une femme autoritaire ou qui réussit n’est pas forcément une garce.
Photo Getty2pac
Oui, du féminisme dans le rap américain, dont la plupart des chansons vantent l'utilisation des armes à feu, les filles dénudées et une virilité très orgueilleuse, ça existe ! Ce fils d’une militante des Black Panthers a rédigé le manuel du savoir-vivre dans les gangs, Code of Thug Life (code de la vie de voyou). Après un couplet contre les fusillades pendant les fêtes, il invoque le respect des femmes, qu’il appelle « mes sœurs ». Puis il écrit Dear Mama, une ode à celles qui élèvent seules leurs enfants, souvent dans des conditions précaires. Dans une autre chanson, il s'interroge : « Pourquoi on viole nos femmes ? Pourquoi on hait nos femmes ? Alors que ce sont les créatures les plus importantes de l’univers. » On approuve.
Photo GettyKurt Cobain
Difficile d’imaginer le roi du grunge, avec ses riffs de guitare électrique endiablés et ses piqûres quotidienne, prendre position pour les femmes. D’ailleurs, il ne s’en est jamais vanté. Pourtant, il a répété à plusieurs reprises qu’il aimerait ne plus avoir de sexistes parmi ses fans. Autre fait d’armes : avoir tagué et dénoncé une fausse clinique d’avortement, ces locaux très répandus aux États-Unis dans les années 1990, où des femmes pensant aller se faire avorter étaient coincées par des fondamentalistes chrétiens qui leur lavaient le cerveau à coups d'images de fœtus morts et de menaces.
photo GettyMarylin Monroe
Elle a vécu à une époque où l’avortement était interdit, les inégalités salariales quasi officielles... Mais elle n’a pas marqué son temps par des prises de position féministes. Elle a même longtemps été considérée comme la femme-objet par excellence. Alors, comment intègre-t-elle ce classement ? Grâce à ses biographes, aux psychologues et aux fans qui ont fait de son parcours une sorte de « proto-féminisme ». Pour un psy spécialiste des stars, elle incarnerait même « toutes les formes du féminisme ». Pour l'un de ses plus grands fanclubs, « elle est la pionnière du féminisme moderne ». Marylin Monroe, la première femme à devenir féministe à titre posthume.
Comment réconcilier business et écologie ? Des personnalités engagées dans la protection de l’environnement et des dirigeant(e)s d’entreprise ont décidé d’en finir avec les préjugés pour trouver, ensemble, des solutions.
Didier Duhaupand et Claire Nouvian
Didier Duhaupand est président de la Société Les Mousquetaires, et Claire Nouvian* a fondé l’ONG Bloom.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Claire Nouvian. - J’ai créé Bloom ,association dédiée aux océans, en 2005. Or, le Grenelle de la Mer, en 2009 et en 2010, a été une désillusion. J’ai découvert la brutalité et la mauvaise foi des lobbys industriels, qui refusaient d’arrêter le chalutage profond, malgré les désastres écologiques sur la faune marine. Avec Les Mousquetaires, qui possèdent la première flotte de pêche fraîche en France, la guerre des tranchées a duré quatre ans. Études scientifiques, conférence TED, campagne de « shaming », notamment via une BD en ligne de Pénélope Bagieu qui a explosé notre serveur, pétition de 900 000 signatures… Les Mousquetaires ont sous-estimé notre ténacité. Didier Duhaupand, nommé en 2013, a eu le courage et la lucidité de nous écouter, d’enterrer la hache de guerre.
Didier Duhaupand. - Notre groupe s’est tourné vers la pêche en eaux profondes pour aider les marins bretons en difficulté. On pensait bien faire ! Mais nous étions taxés d’industriels prédateurs, pris entre deux feux. Alors j’ai décidé de travailler avec Claire Nouvian pour rendre ma flotte irréprochable.
Qu’est-ce que cela a changé ?
D. D. - En 2015, notre groupe a annoncé qu’il se désengageait de la pêche en eaux profondes d’ici à 2025. Nous avons investi 50 millions d’euros pour changer nos méthodes, modifier les mailles de nos filets, réinvestir sur la pêche artisanale… Notre flotte s’est autolimitée à 800 mètres. Les espèces en eaux profondes représentaient 41 % de nos étals en 2015. On en est aujourd’hui à 16 %.
C. N. - C’est une grande avancée. Les grenadiers, une population menacée, ont été remplacés par des espèces comme le lieu noir, dont les stocks se portent mieux. Cette décision des Mousquetaires a fait bouger l’Union européenne, qui, début 2017, a interdit le chalutage profond au-delà de 800 mètres.
Qu’avez-vous appris l’un de l’autre ?
C. N. - Que tout est possible avec des personnes de bonne foi.
D. D. - Nous poursuivons nos efforts sur d’autres matières premières, comme le porc, le bœuf ou les jus de fruits. C’est un nouvel élan vers la consommation responsable.
* Auteur d’« Abysses », éditions Fayard.
Christian Courtin-Clarins et Tristan Lecomte
Christian Courtin-Clarins et Tristan Lecomte
Photo Stéphane Grangier
Christian Courtin-Clarins est président du conseil de surveillance du groupe Clarins ,et Tristan Lecomte* fondateur de Pur Projet
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Christian Courtin-Clarins. - Lors d’un voyage en Amazonie, il y a vingt ans, j’ai été choqué par les dégâts de la déforestation .Amoureux des plantes, j’avais pour mentor le botaniste Jean-Marie Pelt et je sponsorise le pionnier de l’aviation solaire Bertrand Piccard. En tant que patron, dès 1990, j’ai arrêté les sacs en plastique. Au travers de Colibris, le mouvement de Pierre Rabhi ,j’ai rencontré Tristan, qui avait fondé Alter Eco. J’ai aimé son côté entrepreneur de l’écologie.
Tristan Lecomte. - Les patrons que je croise sont souvent des durs. J’ai été touché par l’humanité de Christian et par sa bienveillance.
Qu’est-ce que cela a changé ?
C. C.-C. - À partir de 2011, Tristan nous a aidés à structurer notre action. Il a réalisé notre premier bilan carbone et créé un éco-calculateur pour mesurer l’impact de nos produits et diminuer leur empreinte. C’est simple : tous les ans, je veux que ces indicateurs diminuent. On a réduit le transport de nos produits par avion, on privilégie le bateau. On a aussi allégé nos pots en verre de 30 % et diminué le packaging. Tristan a été l’inspirateur essentiel de ma vision et de mes projets.
T. L. - Grâce à Christian, Pur Projet a planté 330 000 arbres au Pérou, en Thaïlande, en Chine ou au Brésil, pour compenser les émissions de Clarins. L’engagement personnel du patron est déterminant.
Qu’avez-vous appris l’un de l’autre ?
C. C.-C. - Tristan m’a apporté de l’optimisme. De plus en plus de patrons sont conscients de la nécessité de préserver la nature. Je suis persuadé que seules les entreprises qui ont une belle vision de développement durable survivront à long terme.
T. L. - J’aime travailler avec un groupe autant aligné sur ses valeurs, avec une cohérence entre le patron et ses équipes. J’apprécie aussi l’indépendance de Christian, qui a retiré Clarins de la Bourse en 2008 pour sortir de la course au profit à court terme. Les entreprises familiales comme Clarins ont une vision sur plusieurs générations.
* Auteur de « Et si on remontait dans l’arbre ? », éditions La Mer Salée.
Élisabeth Laville et Myriam Cohen-Welgryn
Élisabeth Laville et Myriam Cohen-Welgryn
Photo Stéphane Grangier
Élisabeth Laville* est la fondatrice de l’agence Utopies ,Myriam Cohen-Welgryn est pdg de Mars Petcare Europe
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Myriam Cohen-Welgryn. - Pendant une « learning expedition » organisée en 2011 par Élisabeth, à Londres, pour rencontrer des patrons engagés. D’emblée, j’ai aimé son énergie positive. Je l’avoue, j’ai un peu honte du temps que j’ai mis à m’engager pour l’écologie. Quand je travaillais chez Pepsi ou Procter & Gamble, j’étais dans le mythe de l’abondance. Grâce à mon mari écolo, j’ai pris conscience de la rareté des ressources naturelles. Je suis devenue une activiste green dans l’entreprise. Chez Danone Nature, j’ai réduit les émissions du groupe de 33 % en quatre ans. Et chez Mars Petcare Europe, j’ai fixé des objectifs radicaux : 100 % de poissons issus de la pêche durable d’ici à 2020 dans nos produits et 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2040.
Élisabeth Laville. - Beaucoup de patrons se contentent de micro-changements, comme d’alléger les emballages de 1 ou 2 %. Nous avons besoin de « corporate hackers » comme Myriam, qui détournent les projets pour y mettre du sens. Le niveau d’ambition qu’impulse le big boss détermine le succès de sa transition écologique. L’entreprise doit engager des transformations radicales.
Qu’est-ce que cela a changé ?
É. L. - Avec Myriam, nous avons réuni autour d’une même table managers, ONG, experts, institutionnels comme l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), pour identifier des solutions. Certaines entreprises se satisfont de minimiser leurs impacts négatifs, alors qu’elles peuvent s’engager à avoir des impacts positifs.
M. C.-W. - On ne se limite pas à vendre des aliments pour chiens et chats. On finance aussi des cliniques vétérinaires, on lance des campagnes de prévention contre l’abandon, et nos acheteurs contribuent à l’achat de nourriture pour les refuges chaque hiver.
Qu’avez-vous appris l’une de l’autre ?
É. L. -Grâce à Myriam, j’ai un chien ! J’ai acquis la conviction qu’il faut arrêter de faire des gammes vertes vendues plus chères, mais proposer 100 % d’offres responsables. C’est en touchant la consommation de masse que l’on aura un effet sur la planète.
M. C.-W. - Oui, 100 % d’offres responsables… On doit tendre vers un tel objectif. Les entreprises ont elles aussi un devoir d’utopie.
* Auteur de « l’Entreprise verte », éditions Pearson Village Mondial.
Arnaud Deschamps et Gildas Bonnel
Arnaud Deschamps et Gildas Bonnel
Photo Stéphane Grangier
Arnaud Deschamps est pdg de Nespresso France, Gildas Bonnel est président de Sidièse
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Gildas Bonnel. - Lors d’une exposition du photographe Reza sur les caféiculteurs, il y a huit ans. Avant de connaître Arnaud, Nespresso incarnait l’opposé de mes valeurs et symbolisait la société du jetable. J’ai découvert l’engagement discret, ancien et solide du groupe en matière d’écologie. La maturité d’Arnaud sur le sujet m’a bluffé.
Arnaud Deschamps. - De mon côté, j’avais des idées préconçues sur l’écologie ! Ce monde m’effrayait. J’imaginais des militants agressifs, je craignais leur radicalité et les confrontations stériles. On nous taxait de pollueurs, sans dialogue possible, alors que nous agissions depuis 2002 : après une pénurie de café provoquée par la dégradation des écosystèmes, pour sécuriser nos sourcings, nous avons formé 70 000 fermiers à l’agroforesterie. Notre rencontre a été un déclic. La bienveillance de Gildas m’a touché. Loin de me juger, il m’a encouragé à accélérer notre action.
Qu’est-ce que cela a changé ?
A. D. - Gildas a pointé l’obsolescence de nos machines. Nous avons pris la décision de les réparer, de les réutiliser. Nous travaillons aussi sur le recyclage des capsules. En 2008, en France, aucune ne l’était. Nous en sommes à 20 % aujourd’hui. Il faudrait pouvoir les jeter dans les poubelles jaunes, alors je m’attelle à révolutionner le recyclage des métaux fins en France. Enfin, depuis 2015, Nespresso compense son empreinte carbone en plantant 500 000 arbres par an.
G. B. - Arnaud ne craint pas la confrontation. Je l’ai invité à débattre avec près de 500 écolos, des experts et des radicaux anticapitalistes, pour trouver des solutions ensemble.
Qu’avez-vous appris l’un de l’autre ?
A. D. - Gildas m’a ouvert au monde des ONG. Aujourd’hui, je travaille avec Rainforest Alliance, le WWF, Eco-emballages. Surtout, nous acceptons tous deux de montrer notre vulnérabilité. Nous n’avons pas peur de prendre des coups pour avancer.
G. B. - Tu acceptes de dire que, parfois, tu ne sais pas. Et moi aussi ! L’entreprise doit se confronter à des amis critiques pour accélérer sa transition écologique et prendre de l’avance sur l’avenir.
Laurent Boillot. - En 2011, chez Guerlain, lors d’une soirée « Inspirations durables », où nous invitons des personnalités engagées, comme Cécile, à venir dialoguer. J’ai apprécié son regard exigeant et bienveillant sur un sujet aux allures d’Everest : le luxe et le développement durable.
Cécile Lochard. - Après une expérience dans la finance éthique, j’ai travaillé huit ans au WWF, dans une ONG très critique vis-à-vis des grands pollueurs que sont les pétroliers et les cimentiers, mais aussi vis-à-vis du luxe. Cet univers est ambigu : il représente aussi bien la rareté que la gabegie et l’abondance. J’ai trouvé Laurent très courageux. Enfin un patron du luxe qui osait aborder le sujet !
Qu’est-ce que cela a changé ?
C. L. - J’ai écrit les deux premiers rapports de Guerlain sur le développement durable, en 2014 et en 2015. Et j’ai animé leur comité dédié avec une totale liberté de parole. Laurent avait déjà une maturité en la matière, mais on a pu aller plus loin sur le packaging pour réduire l’empreinte carbone de la marque. De la contrainte écologique naît aussi l’innovation. Ensemble, nous avons lancé en 2016 Cha Ling L’Esprit du Thé : c’est la première marque de cosmétique de luxe « eco-born », qui allie éthique et esthétique. Aucune marque de luxe n’a poussé le geste écologique aussi loin.
L. B. - Chez Guerlain, le travail de Cécile représente pour nous une vraie introspection. Il nous permet de mesurer le chemin parcouru et de réfléchir aux prochains défis. Cha Ling est née d’un rêve écologique, du désir de protéger une forêt d’arbres millénaires dans le Yunnan, le poumon vert de la Chine.
Qu’avez-vous appris l’un de l’autre ?
C. L. - Tout ce que j’ai théorisé, je peux le concrétiser avec Cha Ling, qui incarne le luxe de demain, durable et responsable.
L. B. - L’humilité. Est-on irréprochable ? Non. Va-t-on sauver la planète ? Non plus. Mais, comme la légende du colibri popularisée par Pierre Rabhi, nous faisons notre part.
* Coauteur du livre Luxe et développement durable, la nouvelle alliance,éditions Eyrolles.
Le Ministre et ses conseillers, une histoire de confiance.
Illustration Christophe Blain
Disponibilité totale, stress extrême, crises politiques à enrayer, vie privée à oublier… rien n’est épargné aux jeunes hauts fonctionnaires attirés par l’idée de servir l’État et de côtoyer le pouvoir. Pourtant, tous rêvent de s’y frotter.
Entrer dans un cabinet, c’est comme entrer dans les ordres. Sont requises, pour prendre les habits de moine, une fidélité absolue, une disponibilité de tous les instants, une foi dans la fonction qui s’apparente à un sacerdoce. «Toutefois, rectifie Pierre Jacquemain (1), l’ancienne plume de Myriam El Khomri, ministre du Travail, l’engagement n’est pas à vie. La plupart du temps, il dure l’espace d’un gouvernement.» Un contre-exemple : celui de Cédric Lewandowski, directeur de cabinet du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, depuis 2012.
En mai prochain, à l’issue de l’élection présidentielle, une trentaine de ministres et leurs cabinets seront débarqués. Sans ménagement. C’est la règle du jeu, connue et acceptée de tous. Le prix à payer pour entrer dans le paradis des hautes sphères de l’Administration ou du privé. «Un job en cabinet ne se refuse pas. Servir l’État, côtoyer le pouvoir, flirter avec le saint des saints, c’est un passeport pour l’éternité, un considérable accélérateur de carrière», poursuit Pierre Jacquemain. Tout jeune haut fonctionnaire aspire à entrer dans un cabinet ministériel, comme tout voileux rêve de passer le cap Horn.
Un drôle de métier, âpre, chronophage, dévorant, qui au mieux empiète largement sur la vie privée, au pire la met entre parenthèses. Plus rien n’existe, sauf le désir du ministre, et quand le ministre dit «Je veux…», le cabinet cesse de respirer et s’exécute à toute heure du jour et de la nuit. Pourtant, rien ne rebute les candidats à cette tâche ardue, complexe, risquée, dans un milieu dont les séries télévisées House of Cards et lesHommes de l’ombre montrent la violence, les chausse-trapes, les crises, mais aussi les déboires personnels.
Les "bottiers"à pied d’œuvre
Intégrer un cabinet demande une dévotion totale.
Illustration Christophe Blain
Tous les directeurs de cabinet et la plupart de leurs membres ont à peu près la même formation. Ils sont sortis de Polytechnique ou de l’ENA, souvent des deux, et viennent de préférence des grands corps de l’État – Inspection générale des Finances, Conseil d’État, Cour des comptes. On les appelle les «bottiers». Ce sont eux qui colonisent les cabinets, car la puissance d’un ministre se mesure au nombre de ses collaborateurs issus de ces grands corps. En plus, la plupart se sont frottés à d’autres écoles prestigieuses – Harvard, Princeton, London School of Economics–, ont fait des thèses sur des sujets improbables (comme «La relocalisation de main-d’œuvre en Russie en période de transition»), leur service militaire à Djibouti, chez les parachutistes ou les chasseurs alpins. Des têtes bien faites et bien pleines. Ils sont à peu près cinq cents ainsi installés dans le mobilier national et les plus beaux hôtels particuliers de Paris, comme dans une tour de contrôle. Ce phénomène fut amorcé sous la IVe République avec le cabinet que forma Pierre Mendès France en 1954 et qui fut la première équipe politico-administrative. Depuis, il n’a cessé de s’amplifier.
Des confréries endogames
Ces cabinets forment des petites confréries dont les membres se connaissent tous, se tutoient, fréquentent les mêmes cercles du pouvoir – dont le fameux dîner du Siècle, qui se tient le quatrième mercredi de chaque mois –, se cooptent. Le jour où Najat Vallaud-Belkacem a été nommée ministre des Droits des femmes, elle a appelé Étienne Grass (2) pour qu’il devienne son directeur de cabinet. «Nous sommes amis depuis longtemps. Je suis de la même promo de l’ENA que son mari. J’étais alors avec ma famille à Bruxelles, où nous nous sentions très bien. Mais, dans la nuit, j’ai pris la décision d’accepter. J’ai donc attrapé le premier train pour Paris, où j’ai commencé à réfléchir à la manière d’installer concrètement un ministère qu’il fallait créer en partant de rien.»
C’est en revenant d’un mariage que Marguerite Bérard-Andrieu, major de l’ENA en 2004 (promotion Senghor), a reçu un coup de fil de Raymond Soubie (conseiller social de Jacques Chirac, de Raymond Barre puis de Nicolas Sarkozy) pour intégrer le cabinet de Nicolas Sarkozy, en 2007. «J’avais réalisé une mission avec Raymond Soubie. Nous nous étions bien entendus. Lorsqu’il m’a appelée, j’étais à l’Inspection générale des Finances. "Faites votre paquetage et rejoignez-moi à l’Élysée si le job vous convient. Je vous donne vingt-quatre heures", m’a-t-il dit.» C’est d’ailleurs là, à l’Élysée, qu’elle fait la connaissance de Xavier Bertrand, qui l’appellera, trois ans plus tard, pour qu’elle devienne sa directrice de cabinet quand il est nommé ministre. Si ce travail est à ce point endogame, c’est que le ministre, son directeur de cabinet et les membres de ce cabinet doivent avoir les uns envers les autres une confiance totale.
Le travail du cabinet : une gare de triage
« En quatre ans, je suis allée une seule fois à la piscine et j’ai demandé au maître-nageur de me faire signe s’il y avait un appel. », raconte Claire Waysand
Illustration Christophe Blain
À la tête d’un cabinet, un directeur, un chef, une vingtaine d’experts en tout genre et de rouages chargés des relations avec le Parlement, Matignon et les directeurs des administrations centrales. En tout, une vingtaine de membres par cabinet, toujours sur la brèche, à préparer et à digérer les dossiers pour le ministre. Au pas de charge. Des semaines de soixante-dix à quatre-vingts heures, week-end compris, avec téléphones, litres de café et de jus d’orange à portée de main. «En quatre ans, je suis allée une seule fois à la piscine et j’ai demandé au maître-nageur de me faire signe s’il y avait un appel. Il a cru que j’étais médecin urgentiste ! Au fond, c’est presque pareil. On ne décroche jamais», raconte Claire Waysand, une grande fille solaire, X-Mines, numéro deux, en 2012, du cabinet de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre.
Pour Marguerite Bérard-Andrieu, qui a passé trois ans au cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Élysée (2007-2010) et deux ans comme directrice du cabinet de Xavier Bertrand, ministre du Travail (2010-2012), la vie d’un cabinet est aussi intense qu’une gare de triage. «Les infos arrivent à la vitesse de la lumière. Il faut les mettre en musique. Le plus dur, dans ce métier, est de savoir gérer plusieurs échelles de temps, poursuit celle qui est aujourd’hui une des directrices générales du groupe bancaire BPCE. Il faut à la fois être capable d’organiser une semaine, de préparer une action de fond et de gérer l’immédiateté.»
Un matin, le téléphone sonne à 5 heures. Une bactérie potentiellement dangereuse a été découverte dans un hôpital de la région Nord-Pas-de-Calais. Que faire ? «S’organiser en commando. Vérifier que tous les membres de l’équipe sont à leur place. Évaluer la situation avec les directeurs d’administration centrale et les conseillers, préparer des éléments pour le ministre et pour la presse qui aujourd’hui est au courant de tout en temps réel, s’informer auprès de l’agence de santé régionale, ne pas sous-estimer le problème au risque d’être accusé par les médias d’avoir voulu cacher la vérité, etc. Et c’était précisément, se souvient encore Marguerite Bérard-Andrieu, le jour où j’avais construit une journée sur un temps long pour réfléchir, avec les équipes du ministère, à un plan d’investissement des hôpitaux.» C’est également elle qui était aux commandes pendant l’affaire du Mediator (3), période de crise aiguë. «Nous avons tout fait pour instruire le dossier, pour préparer le ministre aux questions du gouvernement à l’Assemblée et à son intervention au journal de 20 heures. Un vrai travail de fond. Le cabinet fait de son mieux pour le préparer, mais à la fin il est seul dans l’arène», résume-t-elle.
Amélie Verdier, directrice du cabinet de Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, a dû, elle aussi, affronter ce qu’on appelle aujourd’hui «l’Affaire» (4). Au soir des premières révélations de Mediapart, elle réunit les membres de son équipe et leur dit : «Cela concerne l’homme, et non le ministère.» Elle dresse ensuite avec eux une muraille de Chine entre l’Administration et son ministre. Car le rôle du cabinet est aussi d’allumer des contre-feux. Après les rumeurs concernant une éventuelle romance entre Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem, VSD consacrait sa une à Manuel Valls et à son épouse, Anne Gravoin, avec pour titre «Un couple à l’épreuve du pouvoir». Hasard ou subtil travail de cabinet ?
Claire Waysand, alors directrice de cabinet de Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics (2014-2016), a connu des mois compliqués et des emplois du temps tout aussi déstructurés avec la crise grecque en 2015. «Un vendredi soir à minuit, j’allais partir – j’avais décidé de rentrer tôt –, le ministre débarque dans mon bureau. Il est au téléphone. Il me fait signe de rester. Le président de la République venait de lui annoncer que le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, allait organiser un référendum où les Grecs seraient appelés à se prononcer en faveur ou non du programme négocié avec les institutions européennes et le FMI.» Là, tout s’arrête. «Je pose mon manteau, je le rejoins dans son bureau et nous commençons à appeler les autres ministres et responsables des institutions financières pour caler ce que va être la réaction le lendemain.» Une semaine folle, comme le fut celle de l’annonce du Brexit.
Proximité avec le pouvoir
Il faut se méfier de l'eau qui dort.
Illustration Christophe Blain
Tel est le grand écart intellectuel et psychologique auquel doivent se livrer en permanence les directeurs de cabinet. «En plus, sans jamais être anxiogène, la personne qui occupe ce poste doit être une éponge à stress. Plus la situation est complexe, plus on doit se montrer calme», précise Marguerite Bérard-Andrieu, cette «belle blonde aux yeux d’acier» (5), mère de deux enfants, qui parle des choses compliquées avec la concision de Tacite.
La vie de cabinet permet d’entrer dans le réacteur, là où se prennent les décisions, mais également les coups. «Souvenez-vous de l’affaire du salaire du coiffeur de l’Élysée l’année dernière. Le président n’a pas hésité à se défausser sur son directeur de cabinet», souligne malicieusement Jean-Louis Bourlanges, conseiller à la Cour des comptes, professeur à Sciences Po et éditorialiste à France Culture. La vie de cabinet est loin d’être un long fleuve tranquille. C’est aussi ce que raconte Pierre Jacquemain dans son livre Ils ont tué la gauche, où il dénonce la confiscation du pouvoir politique par les directeurs de cabinet. «Leur influence est considérable. Ils agissent dans l’ombre des décideurs, publics comme privés. Le projet de Myriam El Khomri n’a pas été élaboré par elle, mais par Matignon, en coordination avec son directeur de cabinet», dénonce, par exemple, l’ancien conseiller, qui a démissionné du cabinet en 2016.
Alors pourquoi se pressent-ils tous néanmoins pour monter dans cette galère ? «Parce que le directeur de cabinet se retrouve au cœur du pouvoir et que le pouvoir est violent, cruel, mais aussi grisant et irrésistible», explique encore l’essayiste Jean-Louis Bourlanges. Émilie Piette, belle chevelure de jais, X-Télécom, qui était la directrice de cabinet de Sylvia Pinel, ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme depuis 2012, se souvient de leur arrivée à l’hôtel de Castries, dans les ors de la République, lorsque Sylvia Pinel a été nommée ministre du Logement et de l’Égalité des territoires, en avril 2014. «Jusqu’alors, dans mes précédentes fonctions, j’avais été très, très loin du ministre. Puis, soudain, je me suis retrouvée dans le bureau d’à côté. C’était exaltant de se dire que j’allais être en contact direct avec la prise de décision politique, que j’allais pouvoir faire des propositions et peut-être des choses utiles pour le pays.» Marguerite Bérard-Andrieu avoue, elle aussi, que la capacité d’être partie prenante dans une décision politique est très stimulante, mais elle ajoute qu’il ne faut surtout pas tomber dans la duperie. «Être dans la lumière peut vous aveugler et vous faire oublier que tout cela a aussi une part de comédie humaine.»
Chose publique et vie privée
Travailler pour un ministre c'est un choix professionnel qui se décide en famille.
Illustration Christophe Blain
D’où vient ce goût pour la chose publique ? De leur formation. L’ENA comme Polytechnique forment en effet des serviteurs de l’État. «Avoir l’impression de faire œuvre utile est le moteur principal», précise Marguerite Bérard-Andrieu. «Quand je me lève le matin, j’aime que ce soit pour l’intérêt général», ajoute Claire Waysand. Même réflexion chez Étienne Grass : «J’ai le goût du service public et de l’État. Je suis un “Hirsch boy” et je l’assume. J’ai travaillé avec lui sur la mise en place du RSA (6).» Mais leur intérêt vient aussi souvent de leur histoire familiale. La grand-mère de Claire Waysand, médecin, a participé à la guerre d’Espagne, puis à la Résistance, et a été déportée. «Cela donne le sens de l’engagement.» Les parents d’Étienne Grass étaient dans l’enseignement et, petit, il vivait dans un quartier difficile. «Une fois, j’ai vu des paquets de drogue me tomber sur la tête dans le jardin de notre logement de fonction. Certains de mes copains de primaire ont fait de la prison. Tout cela donne envie d’agir.» Marguerite Bérard-Andrieu, dont le père était préfet, a assisté durant toute sa jeunesse aux commémorations du 11 Novembre : «Cela fabrique du rejet ou de l’adhésion. Chez moi, ce fut de l’adhésion.»
D’ailleurs, Claire Waysand l’affirme : «On ne peut faire ce métier qu’en accord avec sa famille. Lorsqu’on m’a proposé Matignon, j’en ai discuté avec mon mari. Pendant trois ans, il a accepté de moins voyager, de rentrer plus tôt, d’assurer le quotidien, de s’occuper des enfants. Il retravaillait une fois qu’ils étaient couchés et m’attendait tous les soirs jusqu’à deux heures du matin pour que nous dînions ensemble. Quand je suis revenue à une vie plus normale, je me suis aperçue qu’il y avait des choses que je ne savais plus faire, comme couvrir les livres pour la rentrée des enfants.» Même abnégation de la part de l’ex-mari d’Émilie Piette, qui a accepté de modifier le rythme de la garde alternée de leurs deux enfants. Celle-ci relativise : «Nous sommes suffisamment bien payés pour être très aidés par une noria de nounous que nous avons les moyens de nous offrir. De jour comme de nuit.»
Et après ?
La proximité avec le pouvoir, ça rend accro ?
Illustration Christophe Blain
Et puis, un jour, à l’issue d’un remaniement ministériel, d’une nouvelle élection présidentielle ou tout simplement du fait du prince, le ministre change, et son cabinet disparaît dans la nature. «En quelques heures, j’ai fait mes paquets et je me suis retrouvée sur le trottoir», se souvient Émilie Piette. «Moi, j’ai éteint la lumière», se rappelle Marguerite Bérard-Andrieu, qui, en 2012, a quitté la fonction publique pour le groupe bancaire BPCE «parce que je n’avais pas envie d’écrire le premier décret sur les retraites qui allait détricoter ce que j’avais contribué à construire auparavant». Étienne Grass a rejoint l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), où il assure la coordination du projet Hôpital Nord du Grand Paris, qui doit, d’ici à 2025, remplacer les hôpitaux vieillissants Bichat et Beaujon.
Claire Waysand a été nommée à l’Inspection générale des Finances après avoir été à deux doigts d’obtenir la direction du Trésor. Émilie Piette est rentrée dans son corps d’origine, mais cherche un poste dans le privé. «Ce n’est pas commode. On me fait parfois sentir que je viens d’un gouvernement qui n’a pas fait ses preuves…» Pour ceux qui appartiennent à l’Administration, un passage en cabinet constitue souvent un accélérateur de carrière. Et, au pire, ils retournent bien au chaud dans leur corps d’origine, en attendant de meilleures opportunités. Pour les autres, c’est plus compliqué. Ils doivent compter sur le bon vouloir et le pouvoir de leurs anciens patrons.
Les femmes du gouvernement Hollande
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Myriam El Khomri
La nouvelle ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, qui a fait basculer la majorité du gouvernement du côté féminin.
Photo Alain Jocard / AFPSégolène Royal
Ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie.
Photo Patrick Kovarik / AFPMarisol Touraine
Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.
(1) Auteur d’Ils ont tué la gauche, aux éditions Fayard.
(2) Auteur de Génération réenchantée, aux éditions Calmann-Lévy.
(3) Scandale sanitaire lié à la commercialisation d’un médicament des laboratoires Servier, qui a causé la mort de plusieurs centaines de personnes.
(4) L’ancien ministre du Budget a été accusé, en décembre 2012, d’avoir possédé un compte bancaire non-déclaré en Suisse jusqu’en 2010.
(5) Frédéric Mitterrand la décrit ainsi dans son livre la Récréation, paru en 2013 aux éditions Robert Laffont.
(6) Martin Hirsch était haut-commissaire aux Solidarités actives sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il est aujourd’hui directeur général de l’AP-HP.
La skieuse Yui Ohno lors du Freeride World Tour, au Japon en janvier 2017.
Photo JHalayko pour le Freeride World Tour 2017
Le Japon a connu sa première compétition de freeride à Hakuba, dans la province de Nagano en janvier. L’occasion de rencontrer Yui Ohno, une skieuse du cru, bien décidée à faire sa place dans le milieu.
Toute petite déjà, Yui Ohno se passionnait pour le ski ; loisir populaire dans un pays qui compte plus de 600 stations de sports d’hiver. Pas étonnant au vu de l’abondance et la qualité de la neige que les jeunes Japonais fassent aussi leur place dans l’univers du freeride, pratique qui consiste à descendre des pentes vierges au sein de paysages vertigineux. L'organisation du Freeride World Tour a réalisé la premier contest de freeride sur le continent asiatique. Les skieuses et skieurs locaux de la station de Hakuba, dans la province de Nagano, ont pu pour la première fois se mesurer à leurs homologues internationaux.
Elle explique en japonais à notre traductrice : «Je ne savais même pas que ça existait et mes amis n'ont pas du tout compris en quoi consistait la compétition. C’était très surprenant pour tout le monde de faire quelque chose en montagne et non sur les pistes. Même pendant le meeting les compétiteurs ils n’avaient pas compris où ils devaient aller», confesse-t-elle en riant.
Une vie dans le restaurant familial
Native de Hakuba, Yui Ohno, de longs cheveux noirs et un visage enfantin, travaille avec l'ensemble de sa famille dans le restaurant mexicain de ses parents. «Pendant toute la saison d'hiver, je suis à la fois serveuse, cuisinière, je fais tout ! Mon père, ma mère et ma sœur travaillent avec moi. C’est pas tous les jours facile, puisque je vis aussi chez mes parents, mais c’est mon quotidien». Le reste de l'année, elle vit à Tokyo.
Un quotidien qui lui permet, sur son temps libre, d'aller faire du ski ou du snowboard avec sa cadette dont elle est très proche. Trois heures par jour sur son temps libre. Sa mère s'inquiète beaucoup de la voir prendre des risques dans son sport de prédilection, mais son père est plus compréhensif. «Je skie depuis que j'ai l'âge de 5 ans, ce qui me permet d'avoir confiance en moi. Dès l’école primaire j'ai fait des compétitions en ski alpin. Après je me suis spécialisée dans le freestyle, en faisant des figures dans les snowpark, puis je me suis mise au freeride. Je me sens prête aujourd’hui, même si la discipline est nouvelle». Sa réussite sportive lui a permis d'avoir des sponsors qui la suivent et d'être équipée des pieds à la tête. Consciente, elle gère ses réseaux sociaux comme une athlète de haut niveau, laissant peu de place au hasard.
Autour d’elle, on pense que c’est très physique et difficile pour une fille. Mais elle ne voit pas la différence, elle ne traîne qu’avec des garçons : «Peu de filles font ça ici, je dois faire partie des dures», ce qui ne l'empêche pas de sauter littéralement de joie quand elle comprend que l'on réalise un article sur elle pour un magazine féminin français. Elle le connaît dans sa version japonaise et nous prend dans ses bras ne cachant ni sa joie, ni sa surprise.
La skieuse japonnaise pratique l'escalade en plus du ski et du snowboard
Photo personnelle, Facebook
Le ski avant tout
Quand la saison se termine, Yui s'installe à Tokyo, ville dans laquelle elle a fait ses études. «J'étais dans un programme pour athlètes à la Nippon sports sciences university. Nous avions beaucoup de temps libre pour rentrer à Hakuba faire du ski, un mois entre décembre et janvier par exemple». Aujourd'hui elle y gagne sa vie en faisant plusieurs petits boulots, notamment vendeuse dans un équipementier de sports d'hiver. À 27 ans, elle ne se sent pas encore prête à fonder une famille, «pour l'instant, je veux profiter du ski, c'est pour ça que j’étais vraiment très heureuse et très excitée que la compétition se déroule dans l’endroit où je suis née et dans lequel je vis». Son enthousisame n'aura malheureusement pas suffi. À l'issue de la compétition, elle a pris la dixième et dernière place dans la catégorie des filles en ski.
«C'est l’occasion pour moi de rencontrer des skieurs et snowboardeurs du monde entier. Malheureusement, je n'ai jamais eu la chance de voyager». C'est tout ce qu'on lui souhaite.
En fonction depuis novembre 2015, le premier ministre canadien aura mis 16 mois pour devenir le leader le plus hot de la planète politique. Le pourquoi du comment.
Il venait tout juste de prendre ses fonctions au Conseil des ministres qu'un sondage du Mirror le propulsait déjà à la seconde place des politiciens les plus hot de la planète. Devant Vladimir Poutine torse nu dans son treilli ; devant Barack Obama en jean droit dans les jardins de la Maison-Blanche ; devant Yanis Varoufakis, bad boy du mondialisme en chemise beige... À l'époque, seul le jeune Eduardo Leite, maire de Pelotas, petite ville du Sud-Est du Brésil, restait devant. Seize mois plus tard, gageons sans crainte qu'il ne ferait malheureusement plus le poids. Regard de braise, sourire de loup, costumes fittés, selfies musclés... Justin Trudeau, 45 ans, ne laisse désormais que peu de place à ses concurrents - par ailleurs peu nombreux. Il est un «super-héros du style» pour The Guardian, «trop beau» pour FranceInfo, «l'homme vivant le plus stylé en 2016» selon l'édition américaine de GQ, et «une obsession féminine» pour le National Post, premier quotidien canadien.
Physiquement, c'est un peu la fusion entre Hugh Grant, Woody Harrelson et Joaquin Phoenix. Médiatiquement, un mix entre le prince William et Barack Obama. Justin Trudeau, c'est une sorte de héros Disney à la sauce Instagram, un gendre idéal et un gentleman fantasmé. L'homme de la situation, le good boy assumé. Celui qui redore l'image plan-plan du Canada, avec Ryan Gosling et Xavier Dolan. Celui qui a motivé la création d'un nouvel acronyme, à savoir PILF (comprendre «Politician I'd Like to Fuck»).
PILF, BFF et MDR
Le 14 février, même Ivanka Trump, féroce progéniture de Donald, avait l'air «affamée» - c'est en ces termes que la presse américaine l'a qualifiée - devant l'irrésistible premier ministre canadien, lors d'une table ronde sur les femmes dans l'entreprise. Les photos ont fait le tour de Twitter et le sujet de discussion «Trouve quelqu'un qui te regarde comme Ivanka Trump regarde Justin Trudeau» a enflammé Reddit.com, la si scrutée plateforme démocratique américaine. Avant Ivanka, Kate Middleton, Angela Merkel et Emma Watson avaient déjà montré leurs «Bambi eyes».
Justin Trudeau a ce pouvoir, physique avant tout, de rendre médiatiquement supercool ses rendez-vous politiques. Quand il voit Barack Obama, il snobe la sacro-sainte poignée de main en faveur de l'amical hug. Lors de sa rencontre avec le prince Harry aux Invictus Games de Toronto en mai 2016, il pouffe de rire avec le frère de William avant de verser une larme en entendant le témoignage d'un participant lors de l'ouverture des susdits jeux, dédiés aux vétérans de guerre handicapés. En septembre 2016, sur le tarmac de l'aéroport de Victoria, Canada, c'est avec fair-play qu'il essuie un refus du prince George, 3 ans, de le saluer - c'est-à-dire que le premier ministre avait osé lui proposer un low-five. Que ce soit clair, médiatiquement parlant, Justin Trudeau et son sex-appeal peuvent aujourd'hui tout risquer, des baisers langoureux échangés en public avec sa femme, Sophie Grégoire-Trudeau, aux rires partagés à gorge déployée - en passant par les blagues douteuses à l'accent québécois.
Plastique de rêve et costumes parfaits
Que ce soit dit aussi, Justin Trudeau a des capacités yogiques hors du commun. Vous vous souvenez sans doute de sa posture du paon, opérée dans une salle de conférence politique en 2013, preuve ultime de son niveau avancé. Pose qui a évidemment donné lieu à moults «memes» sur la Toile - celle de Justin s'appuyant sur la tête de Donald Trump, notamment - et moultes nouvelles obsessions sur le corps du premier ministre canadien.
Avant d'être senior yogi, Justin Trudeau a été boxeur amateur, le temps d'un vrai-faux match contre le sénateur conservateur Patrick Brazeau en 2012, retransmis en direct sur les chaînes d'info. Dans les images devenues virales du jeune Trudeau sur le ring, on entend un commentateur hurler «Non, je ne veux pas voir cette jolie bouche saigner !» et toute une génération de Canadiennes découvre les biceps tatoués du jeune député fédéral de l'époque.
Ajoutez à cela sa luxuriante chevelure, son regard espiègle et son striptease en 2011 (pour une gala de charité), et la Trudeau-mania est née comme ça. Elle n'a jamais vraiment connu la crise depuis. Encore tout récemment, une photo des fesses de Justin Trudeau moulées dans son pantalon de costume faisaient le tour de la planète Twitter - et des magazines féminins en ligne.
Un pantalon certainement pas choisi au hasard par celui que la presse masculine surnomme le JFK du Canada, qui sait vaguement quelle chemise porter dans telle ou telle circonstance, et a osé le smoking kaki pour son mariage (un must selon GQ US), auquel il est arrivé dans une Mercedes-Benz 300 SL Roadster.
Cerise sur le capot, la puissance de son roadster est inversement proportionnel à son degré de machisme. «Je suis un féministe. Je suis fier d'être un féministe #upfordebate», postait-il en septembre 2015 sur son compte Twitter. La même année, alors qu'un journaliste lui demandait pourquoi son cabinet comptait autant de femmes (autant que les hommes, en fait), il répondait du tac au tac : «Parce qu'on est en 2015.» Et voilà qui est aussi sexy qu'une paire de fesses moulée dans un pantalon.
Justin et Sophie : le couple Trudeau en images
En images
Le couple Trudeau
Sophie Grégoire rencontre Justin Trudeau par l'intermédiaire du frère de ce dernier, qui était son camarade de classe. En 2005, ils se passent des alliances dignes du Seigneur des anneaux aux doigts. (Montréal, 28 mai 2005.)
Au fil des années, l'ancien prof est devenu un politicien prometteur. Celle qui avait commencé sa carrière comme chroniqueuse télé se reconvertit dans les bonnes œuvres. Le couple s'avère très démonstratif en public, entre baisers et fous rires. (Lors du Liberal Leadership National Showcase, à Toronto, le 6 avril 2013.)
Photo AbacaLe couple Trudeau
Avec leurs enfants, ils s'entraînent à jouer la carte de la famille parfaite. (Ottawa, 14 avril 2013.)
Popularisée par Beyoncé, qui reprend son plaidoyer pour les femmes dans une de ses chansons, la romancière nigériane publie un nouveau manifeste événement. Rencontre avec une icône du féminisme.
Lauréate de nombreux prix littéraires, l’écrivain Chimamanda Ngozi Adichie est encensée pour ses romans puissants et subtils. Dans Americanah (2015), elle traite de la migration et de l’égalité des races et des sexes à travers une magnifique histoire d’amour - celle d’Obinze et d’Ifemelu, jeune Nigériane qui a quitté son pays natal pour l’Amérique. Mais l’auteur de l’Hibiscus pourpre s’est également fait connaître du grand public avec Nous sommes tous des féministes (1), plaidoyer pour les femmes que Beyoncé a rendu célèbre en le samplant dans son tube Flawless (plus de trois millions et demi de vues sur YouTube).
À l’occasion de la Journée de la femme, Chimamanda publie Chère Ijeawele, un manifeste pour une éducation féministe (2). Soit quatorze suggestions pour un monde plus juste et une véritable égalité hommes-femmes. Un appel qui apparaît plus nécessaire que jamais. Entretien avec une figure du nouveau féminisme.
Madame Figaro. - Dans Nous sommes tous des féministes, vous déclariez qu’il nous fallait élever nos filles et nos fils autrement. Est-ce pour cette raison que vous avez choisi de publier Chère Ijeawele ?
Chimamanda Ngozi Adichie. - J’ai toujours aimé les enfants. J’ai aidé à élever les enfants de ma sœur, j’ai également travaillé comme baby-sitter. J’ai écrit la majeure partie de Chère Ijeawele il y a deux ans, après qu’une amie m’a demandé comment élever sa fille. J’ai décidé d’étoffer mon texte et de le publier parce qu’il m’est soudain apparu que la situation l’exigeait. Dans la course de Hillary Clintonà la présidence, j’ai observé tant de manifestations de misogynie - une misogynie informelle, décontractée, considérée comme « normale » - que cela m’a vivement inquiétée. Et de jeunes féministes brillantes, en particulier du continent africain, me posaient souvent des questions précises sur les réalités spécifiques à l’Afrique concernant la question du genre. Je voulais que Chère Ijeawele ait une utilité pratique.
Beyoncé a samplé Nous sommes tous des féministes dans son tube Flawless, apportant une audience considérable à votre propos. Comment définiriez-vous votre féminisme, que vous dites différent du sien ?
Mon féminisme considère que le regard masculin est accessoire. Il insiste pour que je sois respectée comme un être humain à part entière, sans m’amputer d’aucun aspect de ma féminité. Je refuse d’accepter l’idée que pour acquérir ce respect, je doive ressembler à un homme dans mon apparence, mes manières, ma façon d’être. Mon féminisme insiste sur le fait qu’il n’y a jamais une seule et unique réponse aux problèmes liés au genre, que tout dépend du contexte. Mon féminisme est enraciné dans une sensibilité africaine, et spécifiquement dans une sensibilité igbo. Mon arrière-grand-mère était féministe, mais n’a naturellement jamais utilisé ce mot. Le sexisme est un problème universel, il sévit partout dans le monde, et le féminisme est donc encore nécessaire. Le but ultime du féminisme est bien évidemment de se rendre obsolète. Je rêve d’un monde où régnerait l’égalité entre les sexes et où le féminisme ne serait plus utile.
Vous évoquez les dangers du féminisme light. Qu’entendez-vous exactement par cela ?
Chimamanda Ngozi Adichie (nee le 15 septembre 1977) est une ecrivaine nigeriane. Elle est originaire d'Abba dans l'État d'Anambra, au Sud-Est du Nigeria.
Photo Lea Crespi / Pasco
Le féminisme light considère que l’égalité des femmes est une égalité soumise à condition, qu’une femme est l’égale d’un homme tant que… ceci ou cela. Une femme victime de violences conjugales se voit signifier qu’un homme a tort quand il la frappe, mais qu’il ne la frapperait pas si elle arrêtait de répliquer, de préparer son dîner trop tard, de sourire à d’autres hommes dans la rue, etc. Le féminisme light repose également sur la bienveillance masculine. On explique aux femmes que même si elles ne sont pas tout à fait égales aux hommes, on attend des hommes qu’ils les traitent bien et les respectent. Mais c’est dangereux. Le bien-être d’une femme ne doit en aucun cas être fondé sur la bonne volonté d’un homme, mais sur l’idée d’une femme comme un être humain à part entière.
Vous montrez que des préjugés anciens gouvernent notre conception de ce qu’une fille doit être, dire, porter…
Considérer les êtres humains sous l’angle de leur appartenance au genre féminin ou masculin revient à nier leur existence comme individus. On reste aveugle à toute forme de nuance, de pluralité, de différence. Pourquoi une fille devrait-elle jouer avec des poupées et non avec des hélicoptères, ou porter dès sa naissance du rose et non du bleu ? Cette vision « sexuée » crée des cases réductrices, des catégories générales censées convenir à tous, et suppose que les individus rentreront dedans comme par magie.
Pensez-vous que le sexisme est l’une des raisons pour lesquelles Hillary Clinton a perdu les élections présidentielles ?
Oui ! Clinton n’a pas agi différemment de nombre d’hommes politiques. Dans son cas, ses agissements ont été injustement grossis, gonflés au-delà de toute mesure. On nous parlait sans cesse de sa capacité à susciter la sympathie - qui l’aimait, qui ne l’aimait pas… C’est le genre de qualificatifs qu’on réserve aux femmes. Personne ne parle de la capacité des hommes politiques à se rendre sympathiques. L’image de Hillary Clinton qui a été créée par ses opposants était grotesque, et le procédé a fonctionné avant tout parce que c’était une femme. Si avait conservé le même programme, le même comportement, les mêmes soutiens, si elle avait été tout ce qu’elle a été et fait tout ce qu’elle a fait, mais en étant un homme, la couverture médiatique qu’elle a reçue aurait été nettement moins négative.
Vous insistez dans votre manifeste sur l’importance de la lectureet des mots. Que peut nous apporter la littérature ?
La multiplicité. Une multiplicité d’histoires - par opposition à l’histoire unique -une multiplicité de perspectives.La littérature nous permet d’observer nos sociétés sous les angles les plus variés, d’adopter un autre regard, d’adopter le regard de l’autre. Elle nous dote d’empathie, d’une capacité à nous imaginer dans une histoire. Elle nous permet d’accéder à une compréhension plus nuancée, plus riche, plus complexe du monde.
Vous êtes non seulement une femme, mais une femme noire, et votre roman Americanah explore ces deux faits en soulignant ce qui sépare les Africains des Afro-Américains. Pensez-vous que le racisme et le sexisme soient comparables ?
Ils le sont en ce sens que j’ai finalement commencé à comprendre les Blancs réfractaires à l’égalité raciale après que j’ai commencé à parler aux hommes noirs réfractaires à l’égalité des sexes. Je pense aux Afro-Américains comme à un groupe ethnique, de la même manière que je pense à divers autres groupes ethniques américains. En ce sens, je n’appartiens pas à ce groupe, puisque je suis née et que j’ai grandi au Nigeria. Mais je pense aussi que je suis noire, et c’est une identité que je partage fièrement avec les Afro-Américains. J’ai toujours profondément admiré l’histoire afro-américaine, et l’idée qu’on me demande parfois de donner des conférences sur les questions afro-américaines est source de fierté.
Votre manifeste est publié à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Mais ne s’adresse-t-il pas aussi aux hommes ?
Je suis fermement convaincue que les hommes doivent participer à la discussion. Le sexisme est un problème parce qu’un groupe d’êtres humains bénéficie de privilèges aux dépens d’un autre groupe d’êtres humains. Pour remédier à cela, les deux groupes doivent être à la table. Je suis aussi fortement convaincue que les hommes peuvent être de bons féministes - et que la misogynie n’est pas l’apanage des seuls hommes…
"Flawless" de Beyoncé
(1) Nous sommes tous des féministes, suivi des Marieuses, traduit de l’anglais (Nigeria) par Sylvie Schneiter et Mona de Pracontal, coll. Folio, éd. Gallimard, 2 €. (2) Chère Ijeawele, un manifeste pour une éducation féministe, traduit de l’anglais (Nigeria) par Marguerite Capelle, éd. Gallimard, 8,50 €.
Katherine Johnson à son bureau lorsqu'elle travaillait pour le centre de recherche de Langley aux États-Unis.
Photo Abaca
Héroïne du biopic Les Figures de l'ombre, Katherine Johnson est l'une des femmes dont les travaux ont permis de grandes avancées à la Nasa mais que l'histoire avait occultée. Portrait.
«J'ai juste fait mon travail. La Nasa avait un problème et j'avais la solution.» C'est avec ces phrases empreintes d'humilité que Katherine Johnson a récemment résumé sa carrière au Washington Post. Mais quoi qu'elle en dise, à 98 ans, cette native de Virginie, née en 1918, possède un CV plus qu'impressionnant.
Katherine Johnson obtient ainsi son baccalauréat à l'âge de 14 ans, avant d'intégrer l'université d'État de Virginie occidentale pour une spécialisation en mathématiques un an plus tard. Elle décroche son diplôme de mathématique et de français avec les félicitations en 1937, à seulement 18 ans. Des chiffres qui donnent le tournis mais pas à cette amoureuse des équations. Ils vont même la propulser sur le devant de la scène à une époque où une femme, noire de surcroît, n'avait pas sa place.
Petite et grande histoire
Après ses études, Katherine Johnson entame une carrière d'enseignante, qu'elle abandonne vite pour fonder une famille avec son mari, James Goble. Ensemble, ils ont trois filles - Constance, Joylette et Katherine. Mais James Goble décède d'un cancer du cerveau en 1956. La femme de sciences doit alors surmonter son deuil ainsi que son statut de mère célibataire.
Or, la National Advisory Committee for Aeronautics (NACA)«a décidé de recruter des femmes pendant la Seconde Guerre mondiale, quand les hommes partis au front ont commencé à manquer, raconte Margot Lee Shetterly, auteure du livre Les Figures de l'ombre (1) qui a inspiré le film du même nom (2). À partir de 1943, l'ancêtre de la Nasa publie une annonce dans le journal noir de la ville, pour recruter au sein des enseignantes en maths dans les écoles publiques. Jusqu'en 1980, elles seront 80 à y travailler.» Parmi elles, Katherine Johnson à partir de 1953.
Katherine Johnson, figure de l'ombre
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Katherine Johnson, la première afro-américaine partie à la conquête de l'espace
Katherine Johnson, physicienne, mathématicienne et ingénieure spatiale américaine à son bureau à la Nasa. (1966.)
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Katherine Johnson analyse des données de vols pour la Nasa. (1966.)
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Katherine Johnson, mère de trois filles, a contribué à abolir la ségrégation raciale, notamment à l'université de Virginie occidentale, à Morgantown. (1960.)
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Amie et collègue de Katherine Johnson, Dorothy Vaughan (au centre), calculatrice et informaticienne pionnière de la Nasa. Elle est l'un des personnages phares du biopic et du livre Les Figures de l'ombre. (De g. à droite : Dorothy Vaughan, Leslie Hunter et Vivian Adair, 1950.)
À cause des lois ségrégationnistes dites lois Jim Crow, différenciant dans l’espace public les citoyens américains selon leur couleur de peau, Katherine Johnson et ses collègues travaillent à l'écart dans un bâtiment qui leur est réservé. Mais cela ne l'atteint pas : «Je n'ai pas eu le temps pour cela», a expliqué Katherine Johnson dans une interview conservée dans les archives de la NASA en 2008. «Mon père nous a toujours dit : "Vous êtes aussi douées que n'importe qui dans cette ville, mais vous n'êtes pas mieux." Ce qui explique que je n'ai pas de sentiment d'infériorité. Et que je n'en ai jamais eu.»
"Un ordinateur en jupe"
Katherine Johnson, mère de trois filles, a contribué à abolir la ségrégation raciale, notamment à l'université de Virginie occidentale, à Morgantown. (1960.)
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Une sagesse qui lui permet de travailler en tant «qu'ordinateur en jupe», comme elle se surnommait elle-même, un poste consistant à calculer les données des boîtes noires d'avions et autres travaux mathématiques. Mais en pleine guerre froide, la Nasa a besoin de spécialistes en géométrie analytique pour devancer les Russes dans la conquête de l'espace. L'une des seules à maîtriser la discipline est Katherine Johnson. Sa capacité à manier les chiffres dépasse l'entendement et lui permet de s'affirmer. Elle n'hésite pas à repousser encore plus loin les barrières puisqu'elle parvient à assister aux réunions interdites aux femmes.
En 1959, Katherine Johnson réussit à faire les calculs pour le premier lancement suborbital d'Alan Shepard. Puis en 1962, John Glenn, premier astronaute américain à faire le tour de la Terre, demande avant son premier vol orbital qu'elle vérifie elle-même une dernière fois les calculs de sa trajectoire. Par la suite, son don pour les mathématiques l'ont conduite à déterminer la trajectoire du vol Apollo 11 vers la Lune en juillet 1969, dont la descente de Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur le sol lunaire.
Récompensée par Barack Obama
En novembre 2015, Barack Obama lui a remis la médaille présidentielle de la liberté - plus haute distinction civile américaine. Et le mois dernier, lors de la 89e cérémonie des Oscars, elle est montée sur scène, pour annoncer le prix du meilleur documentaire, accompagnée des actrices Taraji P. Henson (qui l'incarne à l'écran), Octavia Spencer et Janelle Monáe, héroïnes du film de Theodore Melfi. Une mise en lumière, trente-deux ans après son départ à la retraite de la Nasa.
"Les Figures de l'ombre", la bande-annonce
(1) Le livre : Les Figures de l'ombre de Margot Lee Shetterly, Éd. Harper Collins.
(2) Le film Les Figures de l'ombre de Theodore Melfi, avec Taraji P. Henson, Octavia Spencer et Janelle Monáe, en salles ce mercredi.
Marion Haerty, snowboardeuse originaire de Grenoble, a gagné sa qualification pour l'Xtreme de Verbier
Freeride World Tour, Dom Daher, Jérémy Bernard, Tero Repo
La jeune grenobloise descend des pentes vierges plus impressionnantes les unes que les autres. Etonnante de simplicité et de gentillesse, elle vient de remporter l'une des plus prestigieuses compétitions s'en vraiment s'en rendre compte. Rencontre.
Plus rien n'arrête Marion Haerty. Après avoir remporté une, puis deux étapes du Freeride World Tour, elle a pris quelques moments de repos bien mérités auprès des siens. Un répis de courte durée avant de continuer sur sa lancée. Bien arrivéeà Haines en Alaska, elle se prépare pour l'avant dernière étape du Freeride World Tour. La jeune snowboardeuse de 24 ans fait partie des amoureuses de la montagne, de celles qui ont choisi de descendre des pentes vertigineuses toute l'année en tant que professionnelles. La compétition mondiale de descente en ski et en snowboard sacre les meilleurs dans le domaine. Les filles y sont peu nombreuses, mais le niveau est élevé et la prise de risques constante. Son arrivée dans le tour, elle la vit toujours avec autant d'émerveillement. L'année dernière, on lui propose de remplacer une rideuse blessée, elle n'hésite pas : "C'était un rêve que j'avais en tête depuis un moment et il s'est réalisé, un nouvel univers s'ouvrait à moi. C'est une vraie bouffée d'air de découvrir une autre facette du snowboard", comme elle l'expliquait en octobre.
Une passion depuis l'enfance
L'amour de la glisse commence sous le sapin de Noël, avec sa première planche offerte par ses parents. "Mon grand frère avait 20 ans, j'en avais dix, c'était "un snowboardeur du dimanche", et je voulais tout faire comme lui. Le club de ski de Chamrousse, l'occupe à la semaine, époque pendant laquelle elle feuillette admirative des magazines spécialisés. "Je voyais Anne-Flore Marxer et Margot Rozies en Une et j'avais tellement envie d'être à leur place". Aujourd'hui, c'est à côté de ses inspiratrices qu'elle s'élance. "Pour moi les filles ne sont pas des concurrentes, ce sont plutôt les "copines", dont de nombreuses anciennes championnes du monde". Comme beaucoup, après avoir été remarquée par un coach, elle se lance dans différentes disciplines avant d'en arriver au freeride. Boardercross, slopestyle, Marion tente tout et réussit à trouver des sponsors qui l'accompagnent encore aujourd'hui.
Lors de sa venue au Japon en janvier pour une épreuve qualifiquative du Freeride World Tour, elle est ravie que l'Asie puisse s'intéresser à sa discipline."Cela porte énormément le freeride, c'est une opportunité de montrer au monde ce que l'on peut faire, de provoquer de nouvelles opportunités. Je n'ai pas hésité une seule seconde avant de venir à Hakuba", s'enthousiasme-t-elle. Malheureusement cette première étape sera difficile pour elle. Le manque de visibilité flagrant, les souvenirs de son amie Estelle (ndlr : la championne du monde de freeride décédée l'année dernière dans une avalanche) notamment, lui empêchent d'accéder au podium.
Conserver son statut de professionnelle
Loin de se laisser abattre, elle en a profité pour tourner des vidéos avec son sponsor majeur Rossignol. "Venir ici m'a permis de me préparer pour la suite des épreuves, de mesurer ma condition physique et de filmer aussi de mon côté". Si l'on compte bien, le snowboard n'occupe que quatre mois de l'année, que faut-il faire en dehors afin de conserver un statut de professionnelle et vivre normalement ? "Il y a beaucoup de préparation physique, de recherche de sponsors, de mails, de gestion de contrats. Au final, une carrière comme la mienne, c'est 20% de snowboard pour 80% de gestion !". Marion reconnaît à d'autres une organisation minutieuse de leurs relations : "Certaines autres sportives savent très bien travailler avec les marques au niveau des réseaux sociaux, mais c'est assez incroyable le temps que cela peut prendre".
La tête sur les épaules
En parallèle elle prépare son master en entreprenariat commerce, mais elle est aussi consultante pour Adrenaline, le site de Sports Extrêmes de l'Equipe. Marion a les pieds sur terre, elle vient de quitter le nid familial grenoblois, pour s'installer en collocation à Chamonix. "Je n'ai plus besoin de papa et maman pour m'assumer financièrement. Dans les moments difficiles ils me soutiennent toujours. Lors de ma fracture de la cheville avec complications, ils étaient là. Lors du décès d'Estelle aussi. Maintenant je suis sur pied grâce à eux et à des amis qui m'ont aussi beaucoup soutenue".
Il est toujours agréable de discuter de Marion avec les personnes qui l'entourent. Skieurs, techniciens, coéquipières, organisateurs, elle fait l'unanimité partout où elle transporte son snowboard. Sa gentillesse, et un sourire sincère, sont sûrement responsables, mais c'est surtout sa sensibilité qui la rend tant accessible, vulnérable aussi. Souvent, son mental, c'est ce qui la désavantage quand elle s'engage dans une descente. "C'est constamment la guerre dans ma tête. Surtout la veille d'une compétition, je m'imagine le pire pour que ça se passe au mieux", explique-t-elle en souriant. "Je n'arrive pas à dormir avant le grand jour, mais cela ne m'empêche pas de rider. Cette année pour la gestion du stress je travaille avec un hypnotiseur, qui m'a déjà beaucoup apporté. Même si cela peut paraître étrange au premier abord, c'est vraiment fascinant. Il parle avec moi de mon subconscient afin que je ré envisage les situations problématiques. Cet été je me suis beaucoup intéressée à la médecine parallèle afin de savoir ce que ça pouvait faire dans la réalité sur mon snowboard."
Une prise de conscience qui a porté ses fruits, puisque Chamonix, marque le début de la "mue" de Marion. "La 7e place sur la première étape, m'a mis un gros coup au moral, mais je savais que c'était pas ma façon de m'exprimer sur un snow ce jour-là. J'ai pris beaucoup sur moi pour rester dans un état d'esprit positif et surtout continuer de m'amuser. Avoir confiance en mon corps, oser avoir de l'audace et tenter pour ne rien regretter". Une prouesse qu'elle vient de reproduire à Fieberbrunn. Qu'elle commente magnifiquement, " La chose que je préfère quand je suis sur un podium, c'est de ressentir l'immense joie de mes amis et de ma famille".
De «The Apprentice» à la Maison-Blanche, Omarosa Manigault, l'atout afro-américain de Donald Trump
Photo AFP
Elle a commencé en candidate de la téléréalité, a été démocrate pendant des années, et est aujourd'hui la petite protégée de Donald Trump. Portrait d'une ambitieuse qui n'en est pas à un paradoxe près.
À la Maison-Blanche, il y a Ivanka Trump, «fille de» et porte-parole des femmes à travers le pays. Mais il y a aussi Omarosa Manigault, «fille spirituelle» du président et, officiellement, «directrice de communication du Bureau de liaison publique». Officieusement, représentante de la minorité afro-américaine auprès d'un Donald Trump qui suscite la défiance.
Issue d'une grande famille – 64 cousins – installée dans les quartiers insalubres de Youngstown (Ohio), Omarosa Manigault, née en 1974, grandit sans père, assassiné alors qu'elle n'avait que 7 ans. Son frère Jack connaît le même destin tragique en 2011, tué d'une balle dans la tête à son domicile. Dès le début des années 2000, Omarosa Manigault se construit une réputation sulfureuse et devient celle que l'Amérique adore détester. Car avant d'arriver à la Maison-Blanche, elle commence en star de la téléréalité dans l'émission «The Apprentice» («L'Apprenti»), animé par Trump. Comme son mentor, Omarosa Manigault incarne ainsi ce parcours à l'américaine qui permet de passer du petit écran au bureau ovale.
De l'acteur au pasteur
Omarosa Manigault et Michael Clarke Duncan à l'avant-première de Green Lantern (New York, juin 2011).
Photo AP
L'actuelle membre de l'équipe de Donald Trump s'est fait connaître pour causer des drames télévisuels, mais sa vie personnelle n'est pas plus joyeuse. En 2000, elle se marie avec Aaron Stallworth, avant de divorcer cinq ans plus tard pour «divergence d'intérêts». En 2010, elle retrouve le bonheur dans les bras de l'acteur Michael Clarke Duncan, l'inoubliable géant John Coffey de La Ligne Verte. Ils se fiancent en juillet 2012, trois mois avant le décès du comédien. Quand l'acteur meurt soudainement, des conflits d'héritage surgissent entre la sœur du défunt et Omarisa Manigault. Michael Clarke Duncan aurait laissé un tiers de sa fortune à sa compagne, une somme estimée entre 1 et 5 millions de dollars.
Cinq ans plus tard, le 8 avril 2017, Omarisa Manigault se marie avec le pasteur John Allen Newman, installé à Jacksonville, en Floride. La cérémonie a lieu dans l'hôtel international de Trump, à Washington D.C. Au programme, luxe et pièces montées royales. Pourquoi ne pas se marier en Floride ? «La sécurité ne peut pas être assurée dans une église en Floride.» L'État appréciera.
Un passé commun : la téléréalité
Tout comme Donald Trump, Omarosa Manigault n'arrive pas à faire son choix : la politique ou la téléréalité ? Les deux ! En 2004, la jeune femme se fait un nom grâce à sa présence télévisuelle. Elle apparaît dans la première saison de «The Apprentice», l'émission créée par Donald Trump - déjà lui - et produite parNBC. Éliminée au bout de neuf semaines, elle marque les esprits et incarne la «vilaine» du programme, à tel point que le magnat de l'immobilier lui offre son propre programme : «The Ultimate Merger». Pendant dix ans, elle refera surface dans de nouveaux programmes, tous produits par Donald Trump : «The Celebrity Apprentice», «The Surreal Life», «Queer Edge», «The Big Idea»... Une star de la télévision poubelle qui adore s'écharper avec son meilleur ennemi Piers Morgan, futur juré légendaire d'«America's Got Talent».
Une démocrate dans le clan Trump ?
Côté politique, Omarosa Manigault effectue ses premières tâches à la Maison-Blanche sous l'administration de Bill Clinton. Entre 1997 et 2001, elle aura eu quatre emplois assez brefs, dont assistante dans le service qui gère l'agenda du vice-président Al Gore. «À 23 ans, j'ai été nommée là-bas mais ce n'était pas un endroit pour apprendre à être professionnel», confiait-elle à Peopleen 2004. Ce qui lui confère une certaine avance aujourd'hui en matière d'arcanes «washingtoniens» sur Donald Trump. Omarosa Manigault, démocrate ? Officiellement oui jusqu'en 2015. Il y a cinq ans, elle célébrait la réélection de Barack Obamaà Chicago. En 2014, elle n'hésitait pas à afficher son attachement à Hillary Clinton sur les réseaux sociaux. «J'ai été démocrate toute ma vie. En tant qu'Afro-Américaine, je me devais d'avoir ces opinions», confiait-elle au New York Times en octobre dernier. Alors, pourquoi ce changement ?
«Je suis prête pour Hillary. Et vous ?»
Une Condoleezza Rice 2.0
Le 28 février, 60 présidents d'universités afro-américaines ont été reçus dans le Bureau ovale. (Washington DC, 28 février 2017).
Photo Reuters
Pour elle, «Donald Trump croit réellement en ses possibilités d'aider la nation». «Il pourrait se placer à la meilleure position pour être au centre de la politique mondiale. Chaque détracteur devra se prosterner devant le président Trump», expliquait, en juin, la conseillère au Hollywood Reporter. Un commentaire très mal placé qui lui a valu des critiques venues de toute part. Aujourd'hui, Omarosa Manigault soutient Donald Trump et le défend face aux accusations de sexisme et de racisme. «Dans mes expériences avec lui, il a toujours fait preuve d'un grand professionnalisme. Il est très ouvert d'esprit. Il ne juge pas les gens en fonction de leur genre ou de leur couleur de peau. Il les juge en fonction de leur capacité à vouloir un travail». C'est en 2015 qu'Omarosa Manigault a rejoint le camp de Donald Trump, avant d'être nommée directrice de communication du Bureau de liaison publique. En juillet 2016, elle devient directrice des relations avec la minorité afro-américaine.
Une décennie plus tôt, sous George W. Bush, Condoleezza Rice était la «républicaine black» fédératrice des minorités à la cause d'un président controversé. Omarosa Manigault possède sous l'ère Trump la même mission : inspirer confiance aux Afro-Américains et «décomplexer les Noirs du parti républicain qui apprécient Trump», selon L'Express. La conseillère de Donald Trump ose et propose. Le 28 février, elle était à l'initiative de la rencontre très médiatisée entre le président des États-Unis et une soixantaine de présidents d'universités afro-américaines. Mais, de cette rencontre, les médias ne retiendront qu'un fait tout autre, qui a entaché la valeur de la rencontre : la position controversée de Kellyanne Conway sur le canapé du bureau ovale. De quoi revoir le sens des priorités.
Ivanka Trump, de rich kid à business woman
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Ivanka Trump, de rich kid à business woman
Fille d'Ivana et Donald Trump, respectivement athlète et mannequin d'origine tchèque et magnat de l'immobilier, Ivanka Trump ne pouvait pas avoir un destin banal. (Au Plaza Hotel de New York, 3 septembre 1991.)
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Avec elle, le milliardaire se révèle être un papa collant et protecteur... qui l'emmène à toutes les inaugurations de la ville. (À l'ouverture du Harley Davidson Café de New York, 19 octobre 1993.)
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Entre hivers à Aspen et après-midi au tournoi de l'US Open avec son père, l'enfance d'Ivanka est pour le moins stable et sympathique. (New York, 30 août 1991.)
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Jusqu'à ce que le scandale éclate : ses parents se séparent en 1992 suite à la liaison de son père avec Marla Maples. Dans le documentaire Born Rich, Ivanka raconte avoir appris leur séparation en voyant la une d'un journal sur le chemin de l'école avant d'être assaillie par les paparazzis à l'entrée de son établissement... (New York, 15 novembre 1994.)
Emmanuel Macron à son arrivée sur l'esplanade du Louvre, avant son allocution. (Esplanade du Louvre, Paris, 7 mai 2017).
Photo Soazig de la Moissonnière
Elle a immortalisé la campagne d'Emmanuel Macron d'un œil nouveau, en privilégiant les coulisses. Portrait express de celle que certains comparent à Pete Souza, célèbre photographe de Barack Obama.
C'est à elle que l'on doit les clichés noirs et blancs de l'arrivée théâtrale d'Emmanuel Macron sur l'esplanade du Louvre, élu 25e président de la République ce dimanche 7 mai. Soazig de la Moissonnière fait partie de la galaxie de femmes qui entoure l'ancien ministre de l'économie. Elle œuvre dans l'ombre. Elle est sa photographe officielle.
Avant de devenir photographe freelance, la jeune femme, âgée actuellement de 36 ans, suit pendant cinq ans une formation aux Cours Florent, et devient metteur en scène. C'est en 2006 qu'elle intègre l'EFET, l'École photo et Formation à la Photographie. Ses sujets se trouvent alors dans la rue : «Elle s’intéresse aux expressions sur lesquelles on ne s’attarde pas, ces regards, ces sourires, ces cris qui s’inscrivent dans le décor de notre société», peut-on lire sur son site professionnel. Actuellement, la photographe remplit d'ailleurs son compte Instagram de portraits en noir et blanc pris dans les transports.
Après avoir capturé les visages dans les rues, Soazig de la Moissonnière se dirige vers la sphère politique, qu'elle pénètre en photographiant des militants et porte-paroles. Sa démarche l'amène à suivre au plus près François Bayrou, dont elle immortalise la campagne présidentielle de 2012, et réalise d'ailleurs son affiche officielle.
En parallèle, elle multiplie les supports de travail. Tout au long de sa carrière, elle a notamment officié pour la mairie du 14e arrondissement de Paris, celle de Pau ou encore SOS Racisme. Elle travaille également comme pigiste pour l'agence Visual Presse Agency. Ses clichés ont été publiés dans de nombreux journaux, comme Le Figaro, Le Point, Paris Match, VSD ou encore Le Monde.
Immortaliser les coulisses
À partir de mai 2016, elle réalise les portraits de marcheurs pour En marche !, puis ceux du candidat du mouvement, à partir du 30 août 2016. Elle gagne sa place en tant que photographe officielle d'Emmanuel Macron en mars 2017 et signe la photo de ses affiches présidentielles.
Son travail est à l'image du nouveau courant politique voulu par le 25e président de la République française. Terminées les mises en scène du présidentiable. Les clichés immortalisant les déplacements publics du candidat ressemblent à des captures de coulisses. Il y apparaît de côté, de dos. Il ne regarde quasiment jamais l'objectif. On le voit à la montagne sur un télésiège avec son épouse Brigitte Trogneux, ou encore en train de jouer au football avec des jeunes lors d'un déplacement à Sarcelles avant le second tour de l'élection présidentielle. Soazig de la Moissonnière permet ainsi au spectateur de s'immiscer à sa propre place, et désacralise le candidat à l'élection présidentielle.
Sur son compte Twitter, la photographe a révélé quelques clichés en noir et blanc du «Jour J», pris lors de l'arrivée d'Emmanuel Macron dans la cour Bonaparte sur l'esplanade du Louvre, sur fond d'Hymne à la joie de Beethoven. Une marche de plus de trois minutes, déjà historique.
Soazig de la Moissonnière, ou la Pete Souza française ?
Ce travail immersif lui vaut d'ailleurs une prestigieuse comparaison avec Pete Souza, le photographe officiel de Barack Obama. Sur le compte Twitter de la professionnelle, un de ses 3 935 abonnés lui demande même si elle s'apprête à créer un compte Instagram compilant ses clichés, à l'instar du photographe américain.
Réactive sur les réseaux sociaux, Soazig de la Moissonnière répond souvent aux questionnements et critiques des internautes, mais aussi à leurs compliments. Ainsi, avant le second tour de l'élection présidentielle, cette internaute lui assure : «J'irai voter en marche arrière mais bravo à la photographe de campagne d'Emmanuel Macron, vos clichés sont magnifiques.»
Si son œil a été remarqué et félicité pendant la campagne présidentielle, nul ne sait pour l'heure, s'il ira jusqu'à remplacer les photographes officiels de l'Elysée.
Tiphaine Auzière lors d'une opération de tractage au Touquet, le 6 avril 2017.
Photo AFP
La fille de Brigitte Trogneux a été désignée suppléante du candidat investi par La République en marche, dans la 4e circonscription du Pas-de-Calais. Portrait express de ce pilier du clan Macron.
Elle était sur la scène de l'esplanade du Louvre, le 7 mai au soir. On l'a également vue dans les gradins de l'AccordHôtel Arena, lors du meeting parisien du 17 avril. Quand elle n'était pas dans les rues du Touquet en pleine opération de tractage. Tiphaine Auzière, fille de Brigitte Trogneux et belle-fille d'Emmanuel Macron, a joué un rôle non négligeable dans la campagne du candidat d'En marche !. Elle est notamment à l'origine de la création du comité de soutien EM ! dans les Hauts-de-Seine. «Quand je lui ai dit que j'allais monter un comité, il a été très content (...), explique l'intéressée dans La Voix du Nord. Tout ce que je fais pour lui, c'est par envie.»
Très investie, donc, elle a, depuis l'élection d'Emmanuel Macron le 7 mai, été désignée suppléante du candidat investi par La République en marche, dans la 4e circonscription du Pas-de-Calais. Si certains crient au «népotisme», le responsable local de la communication, Quentin Herdier, vante les qualités du «tandem» désigné et argue qu'il y «aura toujours des gens pour critiquer». La réprobation ou le qu'en-dira-t-on ? Le genre de jugements de valeurs, justement, dont le clan Macron-Auzière a su faire fi, et ce, depuis de nombreuses années.
"Tout le monde n'a pas son tact"
Tiphaine Auzière a aujourd'hui 32 ans. Elle est la benjamine d'une fratrie de trois enfants, tous issus de l'union entre Brigitte Trogneux, professeure de lettres, et André-Louis Auzière, banquier de profession. Lorsque sa mère quitte son père pour réinventer sa vie au côté d'Emmanuel Macron, jeune homme de 17 ans, la fillette n'en a que 10. Sept courtes années séparent donc le beau-père de la belle-fille. Une situation incongrue, diront certains, que l'avocate de profession balaye d'un revers de manche.
«Avant d'épouser notre maman (en 2007, au Touquet, NDLR), il est venu voir si on était d'accord, je pense que dans les familles recomposées, tout le monde n'a pas ce tact», confie-t-elle à l'AFP. «Il a pris sa place naturellement dans la famille. Quand je sortais trop tard, il m'engueulait gentiment en me disant : "Sois cool, ta maman s'inquiète". Mes copines le trouvaient beau gosse, il y était insensible. Brigitte et lui sont soudés comme personne», poursuit Tiphaine Auzière dans Vanity Fair. Après le lycée, elle entame un cursus de droit qui la mènera à porter la robe à Boulogne-sur-Mer. «Emmanuel a toujours été attentif à mes études. C'est lui qui m'a poussée à passer le barreau. Il m'a donné des conseils et m'a aidée à préparer l'oral.»
Emmanuel Macron, une homme "hors norme, brillant"
Esplanade du Louvre, le clan Macron pose après la victoire du leader d'En marche ! à l'élection présidentielle. (Paris, le 7 mai 2017)
Photo Reuters / Benoît Tessier
En couple avec Antoine Choteau, gastro-entérologue, avec qui elle a eu deux enfants, Élise, 3 ans, et Aurèle, 18 mois - soit quasiment le même «âge» que le mouvement En marche ! (créé en avril 2016) -, la plus jeune des filles de Brigitte Macron ne dissimule pas son admiration pour son beau-père. «Il nous a pris avec [Brigitte], c'était un sacré challenge... Il était jeune, ce n'était pas forcément évident», raconte-t-elle dans Les Macron (1). Dans les Échos du Touquet, elle le qualifie d'homme «hors norme, brillant». Et ajoute : «C'est quelqu'un qui a une vision de la société à long terme. Probablement parce qu'il a fait de la philosophie, il mesure les grands enjeux et ne réfléchit pas à court terme. C'est quelqu'un d'humainement formidable. Il écoute les gens, il s'intéresse aux autres.»
Une vision qui l'incite à s'investir dans la course de son beau-père à l'Élysée. «Il ne m'a jamais poussée à rien», note-t-elle dans La Voix du Nord. Brigitte Macron, en revanche, l'a mise en garde contre ce «monde un peu particulier» qu'est la politique. Les attaques sur le physique ou encore l'âge de la nouvelle première dame en témoignent. Interrogée à ce sujet par BFM TV, Thipaine Auzière déplore, avec aisance face caméra, que cela puisse encore exister au «XXIe siècle». «On ne ferait pas ça à un homme politique ni à un homme qui accompagnerait une femme politique», note-t-elle, reprenant les éléments de langage d'Emmanuel Macron. «Si les gens n'ont rien d'autre à faire, qu'ils le fassent, mais nous, ça nous soudera toujours et on sera toujours plus forts», conclut la benjamine. Une chose est sûre : pour les cinq années à venir, mère et fille pourront se serrer les coudes.
(1) Caroline Derrien et Candice Nedelec, Les Macron, Éditions Fayard, 2017.
Brigitte Macron en campagne :
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La campagne de Brigitte Macron
Brigitte Trogneux entre en campagne en même temps que son mari : à l'été 2016. La première, professeure de français, se met en disponibilité de l'Éducation nationale ; le second démissionne du gouvernement, avant de lancer son mouvement, En marche !, en avril 2016. Entre les deux, le couple joue les touristes dans les rues de Paris, sous l’œil des photographes. Mais les vacances ne sont que de courte durée. (Paris, 4 septembre 2016.)
Photo AbacaLa campagne de Brigitte Macron
Six mois après la création d'En marche !, Emmanuel Macron annonce sa candidature à l’élection présidentielle au campus des métiers de l’entreprise à Bobigny, sous les yeux de sa femme Brigitte, attentive. (Bobigny, 16 novembre 2016.)
Photo AbacaLa campagne de Brigitte Macron
Brigitte Trogneux s’investit dans la campagne de son mari. En plus de l'exposition médiatique, elle se prête au jeu des déplacements. Ici, lors d'une signature du livre d'Emmanuel Macron, Révolution. (Amiens, 25 novembre 2016.)
Photo AbacaLa campagne de Brigitte Macron
Ici, les époux Macron en déplacement à Lille. (Lille, 14 janvier 2017.)
La secrétaire d'État en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes quitte le palais de l'Élysée. (Paris, le 18 mai 2017)
Photo AFP / Philippe Lopez
En neuf ans, Marlène Schiappa est passée de blogueuse à secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. Portrait d'une hyperactive engagée.
Elle correspond à la volonté de renouvellement politique affichée par Emmanuel Macron. Marlène Schiappa fait partie des onze personnes issues de la société civile qui composent le gouvernement d'Édouard Philippe. Elle fait également partie des onze femmes nommées ministres ou ministres déléguées sur vingt-deux membres. À 34 ans, la jeune femme devient secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, comme l'a annoncé le secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler, ce mercredi 17 mai, à 15 heures.
La porte parole des mères qui travaillent
Si son nom vous est inconnu, sachez que la trentenaire est pourtant à l'origine d'un véritable lobby, intitulé «Maman travaille», créé par ses soins en 2008. Mère depuis ses 23 ans d'une petite fille (âgée de 10 ans aujourd'hui), Marlène Schiappa travaille à l'époque à l'agence de publicité Euro-RSCG et tente péniblement de jongler entre ses horaires à rallonge et la maternité. «Le plus gros frein quand on travaille et qu’on a des enfants ce sont les horaires : la culture du présentéisme, le fait que pour progresser il faut rester tard au bureau…», nous racontait la jeune femme lors d'un entretien en décembre 2015. Un constat qui motive la création de ce qui n'est à l'origine qu'un classique blog. On y lit alors des tribunes coup de gueule de la créatrice, on y parle mode de garde et places en crèches introuvables... Rapidement, le site Yahoo ! décide de l'héberger et «Maman travaille» s'envole pour devenir un véritable réseau de mère actives. S'en suivent des événements, des rencontres, des débats... Un lobby est né. La créatrice s'ancre réellement dans la problématique de l'égalité professionnelle quand elle est approchée par l'Assemblée nationale, le Sénat, le ministère des Droits des femmes et Najat Vallaud-Belkacem.
Une touche-à-tout
Fille d'un père corse et d'une mère italienne, née en 1982 à Paris, elle grandit principalement «dans des cités périphériques dites "difficiles" ou "populaires"», renseigne-t-elle dans sa biographie en ligne. À la lecture des portraits d'elle déjà existants, un trait de caractère revient régulièrement : celui de touche-à-tout. Une touche-à-tout au CV long comme le bras donc. Diplômée de communication, elle passe par la FNAC, enchaîne ensuite avec un poste d'assistante et guide culturel dans les musées, attérit dans un cabinet de recrutement puis à l'agence de publicité Euro-RSCG. Elle occupe également les postes de journaliste, chroniqueuse, et directrice éditoriale dans une agence de presse. «Je me suis fait un malin plaisir de glisser des idées cadeaux type "fers à repasser" dans les suppléments "Cadeaux de Noël" du magazine L'Equipe ; ou de mettre le plus de photos de femmes noires possible sur les sites de nos clients féminins très "blancs"», relate Marlène Schiappa dans sa biographie en ligne.
En marche en 2016
Ses débuts en politique sont timides, voire anecdotiques. Elle indique ainsi avoir été candidate étant jeune aux élections municipales à Paris, sur une liste associative pour la défense des services publics - qui réalise alors un score de 1 %. «Cela (la politique, NDLR) m'a toujours intéressée, sans pour autant trouver de parti dans lequel je me reconnaissais», affirmait-elle auJDD en avril. Il y a deux ans, nous lui demandions quelle serait sa réaction, si la politique lui ouvrait les bras. Réponse : «Je ne me ferme pas de porte mais je ne fais pas de plan de carrière».
Ladite carrière se dessine progressivement dans la sphère politique quand son mari et elle - comme tout bon Parisien - s'éloignent de Paris après la naissance de leur seconde fille (aujourd'hui âgée de 5 ans). Ils optent pour le Mans. En 2014, elle est approchée par le maire Jean-Claude Boulard (PS) et devient son adjointe à l'égalité ainsi que conseillère communautaire à l'attractivité économique.
Elle rencontre Emmanuel Macron en 2016. Il n'est alors pas encore candidat. Satisfaite de leurs échanges et séduite par le profil politique de l'homme, elle adhère depuis son domicile, sur Internet, au mouvement qu'il a fondé, En Marche !. La référente du mouvement dans la Sarthe rejoint ensuite la galaxie de femmes qui entoure le candidat. Marlène Schiappa travaille sur ses thématiques fétiches et devient la responsable du pôle «égalité femmes-hommes». Cette thématique, promet-il dès mars, sera érigée cause nationale du quinquennat s'il est élu. Dans une interview au site Cheek Magazine en avril dernier, la trentenaire en rappelait alors les enjeux : «Dans cinq ans, il faudra que les inégalités salariales, aujourd’hui estimées entre 10 et 15%, ou le nombre de viols, estimés à 83.000, aient baissé.» Un engagement que la benjamine de ce nouveau gouvernement devra transformer en action.
Les femmes du gouvernement Philippe :
En images
Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé
Ce médecin et professeure de médecine de 54 ans a été, de 2008 à 2013, présidente du conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et membre du Comité à l’énergie atomique. En 2011, elle est nommée présidente du conseil d’administration de l’Institut national du cancer (INCa). Mère de trois enfants, Agnès Buzyn était jusqu'alors présidente de la Haute Autorité de santé (HAS).
Photo AFPAnnick Girardin, ministre des Outre-mer
À 52 ans, Annick Girardin est membre d'un gouvernement pour la troisième fois consécutive. Élue du Parti radical de gauche et présidente du mouvement Cap sur l'avenir, elle nommée secrétaire d'État chargée du Développement et de la Francophonie, dans le gouvernement Valls de 2014. Elle devient ensuite ministre de la Fonction publique du deuxième gouvernement Valls, à la suite du remaniement du 11 février 2016.
Photo AFPElisabeth Borne, ministre de la Transition écologique chargée des Transports
Elisabeth Borne, 56 ans, fut préfète de la région Poitou-Charentes entre février 2013 et avril 2014, la première femme à occuper ce poste dans la région. PDG de la RATP depuis 2015, cette polytechnicienne est donc aujourd'hui ministre chargée des Transports auprès de Nicolas Hulot. Avant de rejoindre la RATP, Elizabeth Borne a été directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l'Écologie et du Développement durable.
Photo AFPFrançoise Nyssen, ministre de la Culture
À 66 ans, Françoise Nyssen était jusqu'à présent co-directrice et présidente du directoire de la maison d'édition arlésienne Actes Sud, fondée par son père en 1978. Titulaire d'un diplôme d'urbaniste à l'Institut supérieur d'urbanisme et de rénovation urbaine (Belgique), Françoise Nyssen était dans une autre vie fonctionnaire à la direction de l'Architecture du ministère belge de l'Environnement et du Cadre de vie.
Celle qui, à la tête de Business France, vantait à l’étranger les vertus des entreprises françaises a désormais la lourde charge de la réforme du travail. L’accomplissement d’une carrière faite de prises de risque.
C’est un poste surexposé, détenteur d’un dossier explosif au sein d’un ministère par lequel tout peut commencer. Même pas peur ! Depuis l’adolescence, Muriel Pénicaud, 61 ans, a une devise en tête, qu’elle tient du poète René Char : «Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront». Gonflé, quand on doit, à la demande d’Emmanuel Macron et de son premier ministre Édouard Philippe, s’atteler à la réforme du travail et à son déploiement programmé aussi sur ordonnances. Le rythme tendu des cabinets ministériels, elle connaît, elle qui fut notamment entre 1991 et 1993, membre du cabinet de Martine Aubry, au Travail, déjà. Tout ce qu’elle tente professionnellement, elle confesse le faire «en immersion totale». «Avec toute l’énergie vitale.»
Celle qui depuis janvier 2015 avait pris la tête de l’agence Business France, chargée de vanter à l’étranger notamment les vertus et mérites des entreprises françaises, est une bosseuse qui aime trouver dans tout ce qu’elle fait «du plaisir ». De sa voix claire, cette femme grande et énergique, mère de deux enfants aujourd’hui adultes, nous expliquait, alors qu’elle était encore dans ses bureaux du XIIIe arrondissement de Business France, deux choses essentielles dans son parcours : 1/ choisir des postes «où l’on ne sait pas déjà tout», 2/ «essayer d’avoir un impact sur la société».
Une habituée de la négociation
Diplômée en histoire, en sciences de l’éducation et en psychologie clinique, passée par l’Université, elle s’est très jeune intéressée à la formation, administratrice territoriale à 21 ans. Quelques années dans la fonction publique, avant de rejoindre des grands groupes privés «attirée par une dimension internationale», racontait-elle. Elle fut notamment DRH et membre du Comex du groupe Danone, membre du Comex et directeur général adjoint des ressources humaines de Dassault systèmes. «Ce sont les frontières qui m’intéressent», nous confiait-elle.
Ce profil ayant traversé le public comme le privé a été crédité d’encourageant par Jean-Claude Mailly jeudi matin, le secrétaire général de Force ouvrière, salué par Laurence Parisot, ex-patronne du Medef. La CFDT dit attendre de voir la ministre du Travail à l’œuvre. Muriel Pénicaud est une habituée de la négociation, et son énergie comme sa capacité à écouter l’autre seront utiles. Le travail des femmes, elle connaît, la double journée tout autant, mais aussi les idées reçues. Elle aime le piano, est en classe de 6e quand elle écrit, dans une rédaction, vouloir devenir chef d’orchestre. Son professeur la sanctionne au prétexte qu’elle a «trop d’imagination». «J’ai fouillé dans les bibliothèques, et découvert qu’il existait déjà cinq femmes chefs d’orchestre dans le monde ! À 11 ans, je me suis promis que plus jamais on ne me dirait ce que j’avais le droit de faire», raconte-t-elle.
Rencontrant fréquemment des créateurs de start-upà Business France, qui sont rarement des créatrices (13 à 15% de femmes seulement montent et dirigent une start-up), elle distillait là aussi ses conseils pour que la donne change. «J’ai choisi ma vie professionnelle en fonction de mon intuition, une chance que j’ai eue, que je me suis donnée», nous disait-elle il y a quelques mois. Cette foi en le goût du travail ne sera pas la moindre de ses ressources dans sa nouvelle mission.
Les femmes du gouvernement Philippe
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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé
Ce médecin et professeure de médecine de 54 ans a été, de 2008 à 2013, présidente du conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et membre du Comité à l’énergie atomique. En 2011, elle est nommée présidente du conseil d’administration de l’Institut national du cancer (INCa). Mère de trois enfants, Agnès Buzyn était jusqu'alors présidente de la Haute Autorité de santé (HAS).
Photo AFPAnnick Girardin, ministre des Outre-mer
À 52 ans, Annick Girardin est membre d'un gouvernement pour la troisième fois consécutive. Élue du Parti radical de gauche et présidente du mouvement Cap sur l'avenir, elle nommée secrétaire d'État chargée du Développement et de la Francophonie, dans le gouvernement Valls de 2014. Elle devient ensuite ministre de la Fonction publique du deuxième gouvernement Valls, à la suite du remaniement du 11 février 2016.
Photo AFPElisabeth Borne, ministre de la Transition écologique chargée des Transports
Elisabeth Borne, 56 ans, fut préfète de la région Poitou-Charentes entre février 2013 et avril 2014, la première femme à occuper ce poste dans la région. PDG de la RATP depuis 2015, cette polytechnicienne est donc aujourd'hui ministre chargée des Transports auprès de Nicolas Hulot. Avant de rejoindre la RATP, Elizabeth Borne a été directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l'Écologie et du Développement durable.
Photo AFPFrançoise Nyssen, ministre de la Culture
À 66 ans, Françoise Nyssen était jusqu'à présent co-directrice et présidente du directoire de la maison d'édition arlésienne Actes Sud, fondée par son père en 1978. Titulaire d'un diplôme d'urbaniste à l'Institut supérieur d'urbanisme et de rénovation urbaine (Belgique), Françoise Nyssen était dans une autre vie fonctionnaire à la direction de l'Architecture du ministère belge de l'Environnement et du Cadre de vie.
Gilles Carletto, 46 ans, travaille depuis vingt-huit ans au Barrière Le Majestic.
lefigaro.fr/madame - Baptiste Erondel
À 46 ans, ce majordome anticipe depuis vingt-huit années les moindres demandes des célébrités qui, notamment le temps du Festival de Cannes, posent leurs valises à l'Hôtel Barrière Le Majestic. Portrait d'un homme à l'affût de la perfection.
Il est le lien sans lequel le glamour et la qualité des services de l'hôtel Barrière Le Majestic à Cannes ne seraient pas les mêmes. Gilles Carletto, 46 ans, est l'un des trois majordomes - aussi appelés butlers - de l'établissement aux cinq étoiles. Portrait d'un homme soucieux de proposer à ses clients un séjour proche de la perfection.
Un métier plus développé en Asie
Pour satisfaire au mieux sa clientèle de prestige, Le Majestic propose depuis quelques années un majordome affecté à ses trois suites les plus prestigieuses : la Mélodie (150 mètres carrés), la Christian Dior (450 mètres carrés) et la Majestic (600 mètres carrés, dont 150 de terrasse avec piscine privée). Pour cette dernière aux confort et raffinement ultimes, il faut débourser 32.000 euros la nuit. À ce tarif, le service se doit donc d'être irréprochable. C'est pourquoi en plein Festival de Cannes, Gilles Carletto n'a pas une seconde à perdre. Le temps d'une courte séance photo dans la suite Riviera du Majestic (tout juste rénovée), le majordome prend tout de même le temps de nous parler de son métier.
À 46 ans, ce passionné d'hôtellerie est doté d'une formation en restauration qui lui a permis de côtoyer plusieurs fonctions au sein d'un même établissement. En 2010, il est parti au Moyen-Orient pour apprendre le métier de majordome. «J'ai effectué une formation au Burj-Al-Arab de Dubaï (seul hôtel 7-étoiles au monde, NDLR), puis nous l'avons mise en place pour Le Majestic. J'ai commencé seul, nous sommes désormais trois», nous explique-t-il, attablé dans le somptueux hall de l'établissement cannois. Le cœur du métier ? «Revérifier les chambres, aligner les objets au centimètre près et, surtout, anticiper les besoins de nos hôtes, et y répondre de la manière la plus personnalisée possible.»
Ses débuts, il les fait au prestigieux restaurant Le Moulin de Mougins, à l'époque où l'imposant chef Robert Vergé officie. Fort de cette expérience, il quitte ensuite la France, direction l'Angleterre pour un an. Depuis, il a parcouru de nombreux hôtels du groupe Barrière. Cet hiver, il était d'ailleurs à l'ouverture du nouveau complexe Les Neiges, le dernier-né des établissements du groupe à la montagne.
À l'occasion de ses nombreux voyages, Gilles Carletto a observé le monde et s'est aperçu du développement plus avancé de la fonction de majordome dans les hôtels étrangers, principalement en Asie. «C'est ce qui m'a donné envie de persévérer dans ce métier et d'apprendre de plus en plus de choses. Je ne le regrette pas car c'est un métier magnifique, passionnant, et assez rare en France.»
" J'essaie d'avoir une attention particulière pour chacun"
S'il devait résumer son activité en un mot ? «Confiance.» Sans hésitation. Les personnalités qu'il côtoie sont exigeantes, «on a toujours quelque chose à trouver, quelque chose qu'ils n'ont pas - car ils ont déjà tout. J'essaie d'avoir une attention particulière pour chacun, un petit présent qui va changer leur quotidien, une touche personnelle pour devancer leurs demandes. Nos hôtes ont souvent des attentes culinaires, certains mets, une certaine qualité de produits. Il est parfois difficile d'y répondre, mais grâce au service de conciergerie, nous arrivons toujours à nos objectifs», confie le butler avec une once de fierté.
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Gilles Carletto, le majordome de l’hôtel Barrière Majestic de Cannes - photo 2
Gilles Carletto, 46 ans, travaille depuis vingt-huit ans au Barrière Le Majestic.
lefigaro.fr/madame - Baptiste ErondelGilles Carletto, le majordome de l’hôtel Barrière Majestic de Cannes - photo 3
Replacer les objets est également une des tâches du butler.
lefigaro.fr/madame - Baptiste ErondelGilles Carletto, le majordome de l’hôtel Barrière Majestic de Cannes - photo 4
Il possède également un costume spécifique, composé d'une longue veste de costume noire.
lefigaro.fr/madame - Baptiste ErondelGilles Carletto, le majordome de l’hôtel Barrière Majestic de Cannes - photo 5
Être majordome prend du temps, beaucoup de temps. Les horaires sont définis selon les demandes de la clientèle. Et parfois au dernier moment. La vie familiale en pâtit, nécessairement. Gilles Carletto confie ne pas avoir trouvé le temps de fonder la sienne. L'hôtel Barrière Le Majestic de Cannes est devenu sa seconde maison.
Les liens personnels, il les développe avec ses propres clients. Proche d'eux durant leur séjour, ces relations perdurent même après leur départ de l'hôtel. «S'ils viennent sur la Côte d'Azur, je reçois toujours un message. Je connais leurs goûts et arrive ainsi à créer des attentions. Par exemple, des clients sont venus pour le Festival de Cannes et je leur ai laissé une affiche avec un mot. Quelques semaines plus tard, ils m'ont renvoyé une photo de leur bureau new-yorkais avec l’affiche.» Gilles Carletto se doit d'être présent et discret à la fois. «Dans les premières minutes où l'on croise un client, on sait s'il sera plus difficile qu'un autre», analyse le majordome expérimenté. Nombreux sont ceux qui ont voulu le débaucher. Mais Gilles Carletto est attaché au Majestic : au-delà de la fonction, il y a un choix de vie, assumé. «Un métier passion», comme il le résume lui-même.
Le festival des célébrités sur Instagram
En images
Cannes 2017 : le festival des people sur Instagram
Sara Sampaio a profité du coucher de soleil. (Cannes, 19 mai 2017.)
Photo Instagram @sarasampaioCannes 2017 : le festival des people sur Instagram
Bronzer avec classe, comme Eva Herzigova. (Cannes, 17 mai 2017.)
Photo Instagram @evaherzigovaCannes 2017 : le festival des people sur Instagram
Cannes, c'est aussi faire de l'apnée dans un corset trop serré. (Marion Cotillard, 17 mai 2017.)
Photo Instagram @marioncotillardCannes 2017 : le festival des people sur Instagram
Le chien de Jessica Chastain, va lui aussi, monter les marches de Cannes. (Dans l'avion pour Cannes, 16 mai 2017.)
Sarah Ourahmoune et Mélissa Theuriau: «Sarah fait partie des gens qui me donnent envie de faire ce métier de productrice.»
Photo Ed Alcock
Deux femmes pour qui la prise de risque s’impose comme une évidence. Avant la diffusion sur Canal + d’un documentaire sur Sarah Ourahmoune produit par Mélissa Theuriau, conversation animée par le dépassement de soi et le goût des autres.
Une chaleur Écrasante règne cet après-midi-là sur Boulogne-Billancourt. Amarré sur les bords de Seine, le navire Canal + résiste, à coups de clim intempestifs. Au sixième étage, installée dans une loge, Mélissa Theuriau renoue avec une vieille habitude : celle de se faire coiffer et maquiller face à un miroir de star. Pas question pour la jeune femme de reprendre l’antenne. Elle est ici pour se prêter au jeu du shooting et d’une interview croisée avec son héroïne du moment : la vice-championne olympique de boxe Sarah Ourahmoune. Mélissa et sa société de production 416 Prod lui consacrent un documentaire réalisé par Cédric Balaguier, diffusé sur Canal + le dimanche 18 juin (1).
« Sarah me fascine ! » s’exclame Mélissa entre deux coups de pinceau. « Son parcours de vie me sidère et force le respect. » Dix fois championne de France, Sarah décroche, en 2008, le titre de championne du monde. En 2012, les JO de Londres lui échappent. Elle décide d’arrêter la compétition et devient maman d’une petite Ayna. Puis en 2014, l’appel du ring est plus fort. Après deux années de coupure, elle retrouve les gants et reprend le chemin implacable de l’entraînement. Son objectif ? Participer aux Jeux olympiques de Rio en 2016. Elle n’a que deux ans pour s’entraîner. À force de combats, la jeune femme de 32 ans gagne son ticket pour les Olympiades, devient la première boxeuse française à représenter le pays dans cette discipline et décroche la médaille d’argent (catégorie des moins de 51 kg). Respect. « Tant de sacrifices… commente Mélissa. Quand elle reprend les entraînements, il s’est écoulé deux ans. C’est long, deux ans, dans la vie d’une athlète. Tu repars de zéro. Tu as perdu tes acquis. Tant de détermination dans un si petit corps, c’est étonnant. »
Justement, le poids mouche arrive, elle est essoufflée et talonnée de près par son attachée de presse. « Désolée pour le retard, Mélissa, j’étais à Roland-Garros pour un déjeuner d’affaires. » Ah oui, parce qu’en plus d’être une championne-née Sarah est aussi (on inspire très fort) diplômée de science politique, entrepreneuse, coach en entreprise, conférencière et ambassadrice pour les JO de Paris 2024. (On peut enfin expirer.) La maquilleuse se penche sur elle pour un état des lieux beauté : « Je suis déjà prête, lui lance une Sarah décidée. J’ai enregistré une émission pour Téva ce matin. On commence quand vous voulez. » Le ton de l’entretien est donné.
Madame Figaro. - Mélissa Theuriau, après avoir produit des films sur la vie de réfugiés en France, les mères incarcérées ou les vertus des cours d’improvisation dans les écoles de quartiers difficiles, pourquoi un documentaire consacré à Sarah Ourahmoune ?
Mélissa Theuriau: “Mon petit combat à moi, c’est que Sarah soit un jour ministre des Sports.”
Photo Ed Alcock
Mélissa Theuriau. - Je suis son parcours depuis très longtemps. En 2008, lorsque je présentais « Zone interdite », nous avons diffusé un documentaire signé Cédric Balaguier qui lui était en partie consacré. En visionnant ce doc, intitulé Rage de vaincre, j’avais pris une claque. La manière dont Sarah menait sa vie de championne, s’impliquait auprès des jeunes de quartier d’Aubervilliers me fascinait. La relation avec son entraîneur Saïd me touchait beaucoup. Je sentais déjà le parcours atypique…
Sarah Ourahmoune. - Je me souviens de ce documentaire. J’étais tellement heureuse que la boxe féminine trouve enfin sa place en prime time à la télévision.
M. T. - Et ce n’était pas gagné ! À l’époque, en 2008, la boxe féminine n’en était qu’à ses balbutiements. J’ai dû me battre pour imposer cette diffusion. C’était un choix audacieux. Bien des années plus tard, en 2016, Sarah m’annonce qu’elle part à Rio pour les JO et me glisse, mine de rien : « Tu sais, depuis 2008, Cédric n’a jamais cessé de tourner avec moi. Et il m’accompagne à Rio ! » J’étais scotchée et super excitée de ce que ces dix années pouvaient donner. On a regardé les images… encore et encore et le doc est né !
Certaines images d’archives remontent à vos débuts, Sarah. Quand vous poussez pour la première fois les portes du Boxing Beats, salle de boxe mythique d’Aubervilliers, vous n’avez que 16 ans. Que se passe-t-il alors dans votre tête ?
S. O. - J’entre dans cette salle alors que je cherchais des cours de taekwondo et je m’immobilise. L’ambiance qui régnait là m’a tout de suite plu. On sentait le goût de l’effort, la solidarité dans l’effort… J’observe, et je tombe totalement amoureuse de la boxe. C’est un sport où il faut toujours dépasser ses limites : c’est moi, ça !
En 1996, peu de femmes dans le monde, et encore moins à Aubervilliers, pratiquent la boxe…
S. O. - J’étais un peu un ovni, c’est sûr !
M. T. - Tu as même entendu des « Reste dans ta cuisine ! », non ?
S. O. - Oui, j’entendais des petites piques sexistes parfois, mais on ne m’a jamais chassée. J’ai rapidement compris l’essentiel : le respect se gagne via ta rigueur, ta détermination et l’acharnement que tu mets à accomplir les choses… Peu importe le domaine d’ailleurs.Lorsque les hommes de la salle ont vu que je venais tous les jours aux entraînements, que je ne lâchais rien et que je montais sur le ring pour combattre, j’ai gagné leur respect.
En 1999, les combats pour femme sont enfin autorisés. C’était une évidence pour vous de monter sur le ring ?
S. O. - Mais j’étais trop heureuse ! J’avais enfin un objectif : des victoires à décrocher. Et puis, faire partie des premières femmes à monter officiellement sur un ring… ça n’est pas rien. Je suis fière d’avoir ouvert la voie.
M. T. - Voilà pourquoi Sarah fait partie des gens qui me donnent envie de faire ce métier de productrice : sa détermination, la rigueur et le cœur qu’elle met dans tout ce qu’elle entreprend me fascinent. Mettre en lumière, via des documentaires, des personnes d’exception, qui accomplissent dans l’humilité de grandes choses, c’est le fil rouge de ma boîte de prod.
Quelles sont les valeurs que la boxe vous a inculquées et que vous utilisez aujourd’hui encore hors du ring ?
S. O. - L’audace, le goût de l’effort, le dépassement de soi, la rigueur et la stratégie mentale.
M. T. - Autant de valeurs que tu t’efforces de transmettre aux enfants en difficulté scolaire en Seine-Saint-Denis…
S. O. - Exactement. Avec Saïd Bennajem, l’entraîneur du Boxing Beats à Aubervilliers, nous avons mis en place un système de soutien scolaire au sein même de la salle. Le deal est simple : une fois que les devoirs sont faits, et bien faits, on passe à la boxe. Être dans un environnement différent et avoir en face d’eux une championne de boxe incite les jeunes à donner le meilleur. Ils veulent soudain aller plus loin, se surpasser. Je reste persuadée qu’un rôle modèle est essentiel pour motiver les troupes. J’aime l’idée d’endosser ce rôle.
M. T. - On est dans le passage de témoin. C’est ce que j’aime chez Sarah : elle franchit des étapes, elle ouvre des portes et elle permet aux autres derrière d’en profiter, d’oser, de se lancer.
Sur des terrains de jeux différents, bien sûr, vous considérez-vous toutes les deux comme des combattantes ?
S. O. - Oui, je porte le goût du combat dans mes gènes. Ma mère est unegrande combattante. Elle a quitté l’Algérie très tôt pour se donner les possibilités de vivre en France une meilleure vie. Ça n’a pas été simple. Elle n’a rien lâché. Je suis comme elle, sur un ring ou dans la vie.
M. T. - Je le suis devenue par la force des choses, j’imagine. Décider de mettre en lumière des gens de l’ombre ou des personnes que l’on entend peu, comme les mères incarcérées, est un combat. Je me bats pour trouver des fonds, puis vendre mes docs en prime time. L’idée étant de changer le regard sur l’autre, d’apporter un éclairage différent.
Quels sont vos combats réciproques en ce moment ?
Sarah Ourahmoune: “Je crois aux valeurs éducatives du sport. Le goût de l’effort qu’il implique est la clé de bien des maux.”
Photo Ed Alcock
S. O. - J’en ai beaucoup. (Rires.) J’ai monté une association qui aide les personnes handicapées à pratiquer la boxe. Je veux aller plus loin. Via une société que j’ai montée (NDLR : Jungle Fights ), j’ai créé des gants connectés qui permettent justement à des personnes différentes de pratiquer virtuellement. Et puis je suis ambassadrice pour Paris 2024. Tout le 93 aimerait accueillir le village olympique. Je fais en sorte que ces Jeux relèvent d’un projet inclusif, que tout le monde soit impliqué. C’est important, non ?
M. T. - Mon petit combat à moi, c’est que Sarah soit un jour ministre des Sports. (Rires…)
S. O. - Tu parles d’un combat !
C’est un rôle que vous auriez aimé endosser ?
S. O. - J’ai tellement d’envies ! Là, je m’éclate dans l’entrepreneuriat et j’adore mon rôle de conférencière. Prendre la parole à Harvard, par exemple, m’a remplie de joie ! Partager mon expérience me conforte dans l’idée que je n’ai pas fait ça juste pour une médaille. Je n’aurais jamais imaginé que pousser les portes de la salle d’Aubervilliers me mènerait un jour à Harvard. La vie est pleine de surprises. Après, ministre des Sports, pourquoi pas. Un jour peut-être…
Qu’attendez-vous justement de la nouvelle ministre des Sports, l’escrimeuse Laura Flessel ?
S. O. - J’aimerais que le sport féminin occupe enfin la place qu’il mérite ; j’aimerais que les femmes soient davantage représentées au sein des grandes instances et des fédérations, et puis, surtout, j’aimerais que le sport occupe une place plus importante au sein de l’éducation. Je crois aux valeurs éducatives du sport. Le goût de l’effort qu’il implique est la clé de bien des maux.
Vous êtes toutes les deux mères. Avez-vous à cœur de transmettre ce tempérament d’insoumise et de combattante à vos enfants ?
S. O. - Je sais déjà que ma fille tient de moi. Il faut la voir sur un ring…
M. T. - Rien d’étonnant… Bébé, elle t’accompagnait déjà aux entraînements pour les qualifications des JO de Rio. Mes enfants seront comme ils seront. Je ne veux surtout pas en faire des clones. Mais une chose est sûre, à 8 et 5 ans, ils sont déjà conscients et avertis. Ils regardent tous mes documentaires et on discute beaucoup de tout. Je veux qu’ils aient cette conscience du monde.M. T.- Un proverbe massaï ou kényan, je ne sais plus, dit ceci : « La bonté te fera atteindre le sommet de la colline. » Je suis persuadée que seule la bienveillance permet d’avancer, de croire et d’agir utilement.
Un mantra pour chacune ? S. O. - « Sky is the limit. » On peut toujours aller plus loin, plus haut, plus fort… Il faut tout donner pour ne jamais rien regretter. Je refuse que le regret fasse partie de ma vie.
"Sarah, la combattante", bande-annonce
(1) Sarah la combattante, par Cédric Balaguier, sur Canal + le dimanche 18 juin à 20 h 50.