Ayaan, Nonie, Shainaz… Toutes luttent au quotidien contre l’archaïsme d’une société où les droits des femmes sont encore loin d’être reconnus. Dans Musulmanes et laïques en révolte, deux journalistes font le portrait de personnalités éprises de changement.
Elles sont nées arabes ou africaines et veulent faire évoluer une mentalité archaïque, qu’on la nomme coutume, tradition ou fondamentalisme, et qui résiste au changement. Égyptiennes, Tunisiennes, Syriennes, elles sont devenues des actrices de la vie publique qu’elles soient femmes politiques, chercheuses ou journalistes et luttent pour des droits fondamentaux. Dans Musulmanes et laïques en révolte, les journalistes et écrivaines Monique Ayoun et Malika Boussouf dressent le portrait de vingt femmes d’exception qui incarnent une bataille quotidienne pour le respect de soi et de toutes les femmes. Ces rebelles ont en commun un désir de changement initié par leurs expériences personnelles et propulsé sur le devant de la scène par des événements politiques qui leur ont donné espoir. Portraits de quatre d’entre elles, certaines que la liberté est à portée de main.
Randa Kassis, syrienne, peintre, anthropologue et journaliste, opposante au régime de Bachar el-Assad
Née à Damas, Randa se proclame athée depuis l’enfance. Avec un père agnostique et une mère grecque orthodoxe, ses parents illustrent le conflit qui tiraille le pays : son père s’oppose au régime d’Hafez el-Assad tandis que sa mère le défend. À 5 ans, la petite fille se perce l’hymen par inadvertance, un acte qui deviendra un combat politique. « Ce qui me déplaisait par-dessus tout, c’était cette idée de devoir donner sa virginité au mari », reconnaît aujourd’hui Randa. Le mariage est tellement lié à l’hymen, qu’elle finit par rejeter les deux. Ado rebelle, elle part retrouver son frère en France, pays dont elle tombe immédiatement amoureuse. Peintre de nus, mère célibataire, elle s’essaie au kick-boxing et au théâtre avant de se lancer en politique en 2008.
Elle est l’une des premières femmes à s’exprimer sur la Toile, inquiète de la montée de l’islamisme radical. En 2011, à la suite du « printemps syrien », elle intègre le Conseil national syrien dont elle est évincée après avoir tenu des propos virulents à l’encontre des islamistes. En septembre 2012, elle fonde un nouveau parti, le Mouvement de la société pluraliste, pour rassembler les communautés syriennes au-delà des clivages ethniques.
Son combat
Elle souhaite avant tout faire tomber le régime de Bachar el-Assad et tente de conclure un compromis avec une partie des défenseurs du système pour mettre fin au bain de sang dans le pays. Elle milite activement pour une société pluraliste et laïque. Randa est persuadée que les avancées se feront par les femmes puisqu’elles n’ont plus rien à perdre. Elle a elle-même pour objectif d’accéder aux plus hautes marches du pouvoir et faire de la Syrie, une démocratie.
Ayaan Hirsi Ali, somalienne et députée au Pays-Bas
À vingt-deux, Ayaan Hirsi Ali saute dans un train et fuit la Somalie. Elle est aujourd'hui députée au Parlement des Pays-Bas.
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Née en Somalie, Ayaan a passé son enfance entre l’Arabie saoudite, l’Éthiopie et le Kenya. Son père, leader de l’opposition en Somalie, lui permet de recevoir une éducation mais la force par ailleurs à se marier. Noire, belle, musulmane et excisée, elle n’a jamais bravé l’autorité jusqu’au jour où elle saute dans un train, direction les Pays-Bas. À 22 ans, elle y demande l’asile politique et intègre l’université de Leyde en sciences politiques. Pour justifier son acte, un constat simple : « J’ai seulement pensé à la vie de ma mère et des femmes qui m’entouraient dans l’enfance. J’étais guidée par un mélange de curiosité et de conviction qu’il existait quelque chose de mieux ». Et d’ajouter : « J’ai quitté le monde de la foi, de l’excision et du mariage forcé pour celui de la raison et de l’émancipation ».
Après avoir obtenu la nationalité néerlandaise, la jeune femme s’engage en politique, d’abord du côté du Parti du travail puis au Parti libéral VVD pour lequel elle deviendra députée. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, elle se déclare publiquement athée, tombant alors sous le coup de menaces de mort.
Son combat
Elle lutte conte le communautarisme aux Pays-Bas et notamment contre les « charia-zones » où la doxa islamiste est de mise. En combattant la polarisation de la communauté musulmane aux Pays Bas, elle espère inculquer à tous l’importance d’une structure laïque qui garantit la tolérance à l’égard des religions. Et défendre les femmes confrontées à un Islam intégriste et rétrograde : « Elles sont des milliers, retenues prisonnières dans l’enceinte de l’irrationalité et de la superstition. Je dois me faire entendre d’elles et les persuader de prendre le contrôle de leur vie ».
Nonie Darwish se bat pour une réforme de l'Islam.
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Nonie Darwish, journaliste cairote, chrétienne
Nonie a grandi à Gaza, sous domination égyptienne, à l’époque où Nasser tentait d’unifier le monde arabe et de s’opposer à Israël. Son père, responsable des renseignements militaires égyptiens, commandait des hommes prêts à tuer des juifs pour la cause du djihad. À l’école, « on nous enseignait la haine, la vengeance et les représailles », se souvient Nonie. « Quant à la paix, ce n’est pas une valeur pour l’Islam. Elle est considérée comme un signe de défaite et de faiblesse », déplore la journaliste.
Au Caire, elle suit des cours de sociologie, refuse de porter le voile et vit mal sa condition de femme dans un pays arabe. Devenue journaliste, elle émigre aux États-Unis où elle épouse un Égyptien copte. Alors qu’elle y fréquente une mosquée, le discours des musulmans la choque profondément : « J’avais l’impression qu’ils voulaient islamiser l’Amérique », s’inquiète Nonie. Le 11 septembre 2001 vient aussi bouleverser sa perception de la religion. Ses amis restés en Egypte évoquent un complot juif. S’en est trop pour la jeune femme. Après s'être convertie au christianisme, elle écrit une lettre ouverte, à l’écho retentissant sur Internet, et fonde en 2004 un forum dédié à la tolérance religieuse.
Son combat
Elle lutte pour qu’arabes et musulmans soutiennent l’État d’Israël et promeut une autocritique constructive du monde arabo-musulman. Elle fait partie des signataires de la Déclaration du Sommet de l’Islam laïc (5 avril 2007) qui prône la « séparation de la Mosquée et de l’État » dans les pays islamiques. Libre-penseuse, elle souhaite que les pays occidentaux s’unissent pour combattre une idéologie dangereuse. « L’Occident ne doit pas craindre d’offenser les musulmans car les musulmans eux-mêmes sont victimes de cette idéologie ».
Shainaz est l'une des premières cyber-activistes d' Égypte.
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Shahinaz Abdel Salam, alexandrine, ingénieure et blogueuse
Issue d’une famille pratiquante et très conservatrice, Shahinaz est la seule femme de sa famille à avoir osé emprunter un chemin alternatif, refusant le moto « études-mariage-enfants ». Alors qu’elle poursuit son cursus d’ingénieur, elle divorce après une année de noces malheureuses. Et décide de conquérir sa liberté : elle refuse de porter le voile, part s’installer seule dans un appartement au Caire et y décroche un poste d’ingénieure. En 2005, elle commence à dénoncer le régime d’Hosni Moubarak sur son blog, Une Égyptienne. Alors qu’elle s’insurge contre la censure, ses écrits trouvent un écho auprès d’autres cyber-activistes qui appellent à la révolte.
« Ma famille, mes amis, mes collègues de travail me prenaient pour une folle suicidaire », se souvient Shainaz. Elle ne renonce pourtant pas et poursuit son combat au point d’être mise sur écoute, de subir des menaces quotidiennes et de passer par la case prison pendant quelques jours. Avec ses amis, elle se mobilise pour la mise en place du Mouvement du 6 avril qui mènera à la démission de Moubarak, le 11 février 2011.
Son combat
Depuis la chute de Moubarak, la blogueuse ne cesse de militer contre la peur chez les jeunes. Alors que les mentalités ont changé, elle mène une lutte acharnée contre un problème de société qui lui, n’a pas diminué en Égypte, le harcèlement sexuel. « Rien ne retient les harceleurs : ni l’âge, ni la bague au doigt, ni le voile », déplore Shainaz. Et d’ajouter : « J’ai toujours des pierres dans mon sac ». Elle ne remet pas la religion en cause mais plutôt un mélange de traditions et d’interprétations religieuses misogynes. Elle a réalisé que même ses amis, les jeunes de la révolution, ne semblaient pas tellement concernés par le sort des Égyptiennes. Shainaz est aujourd’hui persuadée que ses congénères sont enfin prêtes à se battre pour lever la voix.
D'après Musulmanes et laïques en révolte de Monique Ayoun et Malika Boussouf, aux éditions Hugo&Cie.
La neurobiologiste est la lauréate française du prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science, pour ses travaux sur le cerveau.
Photo Julian Dufort / L’Oréal-UNESCO Awards
Une simplicité renversante, une détermination hors norme : la neurobiologiste est la lauréate française du prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science, pour ses travaux sur le cerveau. Rencontre avec une pionnière humaniste.
La professeur en neurobiologie Brigitte Kieffer (1), lauréate française du prestigieux prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science (2), a le regard déterminé d’une Pocahontas et la chevelure indisciplinée d’un Einstein. Une double parenté qu’elle ne renie pas : elle est aussi indomptable que l’Indienne du Nouveau Monde, aussi habitée que l’inventeur de la théorie de la relativité. La recherche est son métier, sa raison de vivre, sa passion. Dans sa vie, cette mère de deux garçons, mariée à un professeur, n’a jamais rien fait par devoir. Elle ne croit qu’au bonheur de faire. « Dans notre cerveau, il y a un conduit récompense et un conduit punition. Si vous stimulez sur une souris pendant plusieurs semaines le conduit punition, cette dernière peu à peu ne fera plus rien et s’étiolera. Si, en revanche, vous stimulez le conduit récompense, alors la souris va s’épanouir. » Le principe de plaisir a donc toujours dicté ses choix, et ce depuis l’école. « Si j’ai fait des maths, de la physique, de la chimie, c’est que ça marchait tout seul. Je n’avais aucun effort à fournir pour avoir de bonnes notes. C’était un vrai bonheur. »
La machinerie géniale de la vie
À Strasbourg, la famille Kieffer mène une vie calme et studieuse. Le père est ingénieur
chimiste dans une grosse industrie. La mère, institutrice, abandonne l’enseignement pour s’occuper de sa famille. « Elle pensait qu’il n’était pas possible d’avoir des enfants et un boulot. Moi, j’ai réussi à faire les deux, grâce à un mari enseignant qui a accepté d’assurer l’intendance et l’éducation des garçons. » Après son bac, Brigitte s’inscrit en fac. « Je ne voulais surtout pas aller en prépa. D’une part, je suis très paresseuse ; d’autre part, je ne voulais pas entrer dans un endroit où l’on me dise toutes les secondes ce que je devais apprendre et ce que je devais faire. L’université m’allait très bien. J’étais libre. C’est d’ailleurs une grave erreur de penser que l’université n’est bonne que pour les nuls. C’est bien français ! On ne se rend pas compte que les prétendus meilleurs élèves passés par les grandes écoles reviennent toujours à la fac pour poursuivre leurs études. » Petite pique vers l’Éducation nationale, dont elle trouve le système beaucoup trop rigide. Lorsque pour la première fois elle fut mise en présence de la structure hélicoïdale de l’ADN que les chercheurs Francis Crick et James Watson ont découverte en 1953, la vie de Brigitte Kieffer en fut bouleversée. « On m’a montré ce truc bizarre en me disant : “Voilà comment fonctionne le code génétique.” » J’ai immédiatement traduit dans ma tête : voilà comment fonctionne la vie. J’y ai vu une machinerie géniale, qui m’a parlé tout de suite. J’ai voulu comprendre. »
Le globe des Cinq
Brigitte Kieffer, le 18 mars 2014 à Paris.
Photo AFP
Peut-elle expliquer pourquoi cet objet, où la plupart ne voient qu’une espèce de volume à la Niki de Saint Phalle, lui a instantanément tapé dans l’œil ? « Je ne sais pas. J’ai tout de suite été attirée par le mécanisme. Et quand un truc commence à m’intéresser, je vais jusqu’au bout. C’est mon côté obsessionnel et curieux. » Après avoir épuisé le sujet de l’ADN, achevé une thèse, elle s’intéresse au cerveau, entre dans un laboratoire que venaient de monter à Strasbourg de jeunes chercheurs. « C’était une nouvelle aventure. J’avais une question en tête : pourquoi ressentons-nous de la douleur ou du plaisir, et comment certaines substances soulagent ou provoquent ces sensations ? En d’autres termes, j’ai essayé d’isoler l’une des trois protéines qui captent les substances opiacées qui stoppent la douleur, et je les ai clonées pour mieux pouvoir les étudier. »
Voilà pourquoi Brigitte Kieffer vient de recevoir ce prestigieux prix. Ses recherches ont permis de comprendre comment une molécule comme la morphine ou l’héroïne (principes actifs de l’opium) peut éliminer la douleur et parfois créer une dépendance. La chercheuse a ainsi ouvert la voie vers le développement de nouveaux analgésiques et traitements de l’addiction. « Pour moi, précise-t-elle, les maladies mentales sont des maladies biologiques. Le cerveau est un organe extrêmement complexe et fascinant, certes, mais comme tout organe du corps humain, on peut le traiter. » Brigitte Kieffer est aujourd’hui professeur à l’université de Strasbourg et directrice de l’Institut Douglas de Montréal. Son combat est également de convaincre les femmes de se lancer dans la recherche. « Elles sont aussi bonnes que les hommes, voire meilleures, résume-t-elle. Le problème, c’est que jusque-là personne ne le leur a dit. Comptez désormais sur moi pour le faire. »
Aux côtés de la Française Brigitte Kieffer, quatre autres chercheuses ont été récompensées par le prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science. La Pr Laurie Glimcher, immunologue et médecin américaine, doyenne du Weill Cornell Medical College de New York, a reçu ce prix pour ses travaux sur les maladies auto-immunes. La biophysicienne Cecilia Bouzat, argentine, a travaillé sur des traitements de la maladie d’Alzheimer. La Japonaise Kayo Inaba, première femme professeur agrégée de l’université de Tokyo, a été primée pour ses recherches sur le cancer, et la Segenet Kelemu première femme à avoir intégré l’unique université du Kenya, pour ses recherches sur l’écologie.
(1) Brigitte Kieffer est professeur à l’université de Strasbourg, directrice de recherche à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire à Illkirch, directrice scientifique du centre de recherche de l’Institut Douglas, à Montréal (Canada).
(2) Depuis 1998, la Fondation L’Oréal-Unesco a récompensé plus de 64 lauréates - dont deux ont obtenu un prix Nobel en 2009 - et a distribué 1 200 bourses.
En 2014, Louisa Hanoune se présente pour la troisième fois à la présidentielle algérienne.
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Elle fut, en 2004, la première femme du monde arabe à se présenter à une élection présidentielle. Dix ans après, Louisa Hanoune est encore l’unique femme candidate à celle qui se déroule ce jeudi en Algérie. Portrait d’une « pure et dure » qui s’est imposée comme une figure traditionnelle dans le paysage politique du pays.
« Louisa Hanoune est femme, trotskyste, qui parle français et qui n’est pas voilée. C’est un programme politique à elle seule », ironise Pierre Vermeren, professeur d’histoire du Maghreb à la Sorbonne, sur la personnalité atypique de l’unique femme candidate à l’élection du 17 avril en Algérie. Née quelques mois avant le début de la guerre d’Indépendance, en 1954, c’est dans son enfance qu’elle trouve l’origine de son engagement, lorsque sa maison est détruite par une opération de l’armée française. « Cet épisode m’a traumatisée, confessait-elle en 2009 à Jeune Afrique. Ce jour-là j’ai pris conscience que je ne pourrai jamais me taire face à l’injustice. » La militante en herbe bénéficie alors d’une scolarisation, ce qui est rare à l’époque pour les jeunes femmes, et sortira diplômée en droit de l’université d’Annaba. Le climat très politisé d’une Algérie libérée et révolutionnaire propulse son engagement. « Tout le monde parlait encore de la guerre de libération, de socialisme, de justice, de progrès. »
Ces causes seront le combat d’une vie. Depuis les années 1980, Louisa Hanoune lutte sans relâche au sein de l’opposition et défie avec audace une scène politique dominée par les hommes. En 1981, elle rejoint l’Organisation socialiste des travailleurs (OST), un groupuscule d’extrême-gauche traqué par la police. Après plusieurs séjours en prison, en 1983 et en 1988, elle est élue porte-parole du mouvement en 1989. L’année suivante, après la réforme constitutionnelle qui instaure le multipartisme, elle devient secrétaire général du Parti des travailleurs. En1999, elle est élue députée. La même année, sa première candidature à la présidentielle a été rejetée par le Conseil constitutionnel. Elle se présente finalement en 2004, ne remporte que 1% des suffrages, mais continue à s’imposer comme une personnalité forte du paysage politique algérien.
« Une candidate digne, forte, honnête »
En 2009, elle se présentait pour la seconde fois.
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Aujourd’hui, Louisa Hanoune milite imperturbablement pour l’instauration d’« une deuxième République » (Le slogan de sa campagne, NDLR). « Il faut avoir du cran pour faire ce qu’elle a fait en Algérie, explique Mansouria Mokhefi, la conseillère spéciale du programme Moyen-Orient et Maghreb à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et chercheur associé au Conseil Européen des affaires étrangères (Ecfr). Elle a montré qu’elle n’avait peur de rien et a osé mener son combat dans un monde politique dominé par les hommes. Elle a montré qu’elle pouvait leur tenir tête. » C’est aussi son combat pour les femmes qui séduit. « Sa lutte était d’abord tournée vers le prolétariat ouvrier, explique Mansouria Mokhefi. Elle n’est pas une féministe en tant que tel, elle est avant tout un leader politique. Mais les femmes apprécient de savoir qu’elle est là. » Car Louisa Hanoune mène un combat de femme. Elle est par exemple toujours montée au créneau contre le code de la famille qui réduit le statut de la femme à celui d’une mineure aux yeux de son père et de sa famille. « Elles sont des centaines de milliers à avoir refusé de se marier après l’adoption du code », commente à cet égard, Pierre Vermeren.
« J’ai les mains propres, revendiquait Louisa Hanoune lors d’une conférence donnée début avril au siège de son parti. Je n’ai pas réprimé, je n’ai pas bradé les entreprises, je n’ai pas opprimé les femmes. » Aujourd’hui dans un climat de divorce entre le gouvernement et le peuple, elle est perçue comme la seule candidate « digne, forte et honnête », confirme Mansouria Mokhefi. « Elle se présente contre tout l'establishment, poursuit la chercheuse de l’Ifri. Elle sait que tout est déjà décidé, mais elle incarne l'espoir pour ceux qui ne se reconnaissent plus dans le gouvernement. Elle maintient aussi la conscience d'un combat ouvrier dans une Algérie qui ne représente plus la figure d'un pays socialiste d'avant-garde, comme c'était le cas dans les années 1970. » Ses scores extrêmement bas aux précédentes élections ne font pas d’elle une opposante crédible. « Elle ne dérange personne. Elle est là pour montrer qu’il y a une représentation féminine, de gauche, comme s’il y avait une large représentativité politique, analyse Pierre Vermeren. Elle sert de caution au régime qui s’arrange bien de sa présence. » Malgré la sympathie et le respect qu’elle impose, semble-t-il, dans la société civile algérienne, Louisa Hanoune ne parviendra probablement pas, au regard de ses précédents scores, et du climat électoral, à cristalliser aujourd’hui, le désespoir du pays.
Elle a fait de Burberry un fleuron du luxe et elle vient de prendre les rênes des Apple Stores du monde entier. Une suite logique pour cette quinqua surdouée, pionnière de la révolution numérique.
Queen Elizabeth n’a plus que ses yeux pour pleurer. Toutes les tentatives mises en œuvre pour dissuader Angela Ahrendts de quitter le territoire britannique ont été vaines. Le mois dernier, la reine avait abattu sa dernière carte : elle octroyait à l’Américaine, cinquante-troisième femme la plus puissante au monde selon le mensuel « Forbes », le titre honorifique de Dame of the British Empire. Peine perdue : Angela Ahrendts n’est pas revenue sur sa décision. Après huit ans comme pdg de Burberry, la quinqua à la tête bien faite et au salaire colossal (17 millions de livres en 2013) quitte donc Londres pour rejoindre la Californie. Son nouveau poste ? Responsable des boutiques Apple dans le monde (424) et de la vente en ligne. Une mutation qui a fait grand bruit : en octobre, quelques heures seulement après l’annonce officielle de son départ, le titre de Burberry chutait brutalement de 6 %. Il est vrai que depuis l’arrivée d’Angela Ahrendts à sa tête, la marque avait connu une véritable renaissance.
En 2006, Ahrendts quitte Liz Claiborne, un des leaders du prêt-à-porter aux États-Unis, pour Burberry. Elle délaisse New York pour Londres, avec son mari et ses trois enfants. Burberry est alors en difficulté : les rappeurs à l’image sulfureuse se sont approprié le tartan maison. La marque souffre d’une perte d’identité sévère. Angela est embauchée pour que Burberry redevienne la marque de luxe qu’elle a toujours été. Huit ans plus tard, la mission est accomplie : le chiffre d’affaires passe de 850 millions à 2 milliards de livres, et le cours de l’action est multiplié par trois. Burberry compte parmi les cinq plus grandes marques de luxe sur le marché, avec 530 boutiques dans le monde.
« Drôle, généreuse et maligne »
Pourtant, à son arrivée, nombreux étaient les sceptiques qui ne donnaient pas cher de sa peau. Une mère de famille originaire de l’Indiana (États-Unis), à la rescousse d’une marque centenaire plus British que British... « C’est une fonceuse ! s’enthousiasme Scott Schuman, fondateur du très influent blog The Sartorialist. Cette énergie est inscrite dans son ADN. » Tous les deux ont grandi à New Palestine, une petite ville de l’Indiana. « Un trou paumé ! s’amuse le photographe. Nos parents fréquentaient le même country-club. Enfant, je la regardais plutôt comme une grande sœur. Je suis un grand fan ! Elle est atteinte de ce que j’appelle le « syndrome du trou paumé » : consciente devenir de nulle part, elle a travaillé comme une acharnée pour y arriver. Elle a toujours été la première de la classe », raconte Schuman. Première de la classe, certes, mais pas pimbêche. Petite déjà, Angela faisait l’unanimité. « Elle a toujours eu un bon état d’esprit : drôle, bonne camarade, généreuse et maligne », selon Schuman.
Brillantissime et disponible
En 1981, diplôme de marketing et merchandising à peine en poche, Angela saute dans un avion, direction New York. Elle entame alors une carrière dans la mode avec des passages remarqués chez Warnaco, un fabricant de sous-vêtements, et Henri Bendel, un magasin très influent à Manhattan. À 30 ans, elle est présidente de Donna Karan. Finalement, en 2006, elle rejoint Burberry.
Angela Ahrendts.
Photo Mike Marsland / Getty Images
Partout, le même constat : cette femme est brillantissime et disponible. « Quand je suis arrivé à New York en 1991, se souvient Scott Schuman, je ne connaissais personne. J’avais perdu de vue Angela depuis des années. Malgré son emploi du temps chargé, elle a tout de suite trouvé l’occasion de me voir. Elle m’a écouté, puis conseillé. Et m’a donné envie d’avoir envie. Elle a le pouvoir magnétique de vous emmener là où elle veut. »
Le leadership mode high-tech
Outre une addiction au Coca light, quel est donc le secret d’Angela Ahrendts ? Peut-être cette manie de se lever à 4 h 30 et de s’accorder trente minutes de méditation ? Peut-être cette sagesse que lui inspire la Bible, qu’elle dit lire chaque jour. Pour Mario Testino, la clé du mystère est ailleurs : « Cette femme est une visionnaire, voilà pourquoi elle a autant de succès ! s’exclame le photographe, auteur de nombreuses campagnes publicitaires pour Burberry. J’ai rencontré Angela pour la première fois en 2006. Elle m’a d’emblée conseillé de m’inscrire sur Facebook pour que je garde le lien avec mes fans. Le réseau social n’en était alors qu’à ses balbutiements… » Le voilà, son atout : comprendre l’impact des réseaux sociaux. Avec Christopher Bailey, le directeur artistique de la marque, Angela investit dès son arrivée 40 % du budget marketing dans le numérique. Chaque campagne de Mario Testino est conçue pour être vue sur smartphones. Hologrammes lors des défilés, mannequins munies de Google Glass, présence sur les réseaux sociaux : Burberry est aujourd’hui considéré comme la marque de luxe la plus connectée. « Il n’est pas étonnant qu’Apple la courtise, explique Imran Amed, créateur du site d’informations The Business of Fashion. Le slogan de la marque, « Apple is a fashion company », n’a jamais été aussi vrai. Angela peut y accomplir de grandes choses. » Tim Cook, le directeur général d’Apple, partage cet avis. L’homme n’a pas hésité à promettre un salaire annuel de 35 millions de dollars à Angela, qui a pris ses fonctions en mai.
Nicole Delépine, lors d'une manifestation devant le ministère de la Santé, en mai 2014.
Photo Natasha Soury
Nicole Delépine sauve des vies. Son combat : lutter contre le cancer des enfants. Elle affiche de bons résultats de guérison mais ses méthodes dérangent. Aujourd’hui, son service est menacé de fermeture. Entourée des parents d’enfants, elle lutte tambour battant pour qu’il reste ouvert. Portrait.
« Lorsque j’ai amené mon fils à l’hôpital, on m’a expliqué qu’il avait un cancer des os et qu’il fallait l’amputer rapidement. La tumeur était à la jambe droite, au niveau du genou. C’était un vendredi, tout s’est effondré autour de moi. Les médecins m’ont laissée seule, sans explication. J’ai regardé sur Internet pour comprendre et je suis tombée par hasard sur le site de Nicole Delépine, chef de l'unité d'oncologie pédiatrique de l'hôpital de Garches. Je l’ai appelée le samedi sur son portable. Elle m’a donné rendez-vous en m’assurant qu’elle ne l’amputerait pas. Aujourd’hui, il est en rémission totale. Il marche, il vient de passer son permis de conduire ». Le récit est désarmant. C’est celui de la maman de James, un enfant atteint d’un cancer des os, à présent guéri. Le médecin qui l’a soigné, Nicole Delépine (1), cancérologue pédiatre revendique quasiment « zéro amputation » (2) en trente ans pour le cancer des os (3), et une guérison qui avoisine les 90%. Ces chiffres seraient nettement supérieurs à ceux de ses confrères.
Dans son bureau règne un tohu-bohu général. Les dossiers s’entassent, les piles manquent de s’affaisser. Secrétaires, médecins, patients, syndicalistes entrent, s’assoient, discutent, repartent. Le téléphone n’arrête pas de sonner. Nicole Delépine est disponible pour tout le monde. Avec le sourire, deux trois blagues à la clé et le regard noir qui pétille. Assise derrière sa table, elle raconte la genèse de ses méthodes. Contre le cancer des os, elle mène son combat avec son mari orthopédiste et chirurgien. « Gérard (Delépine, NDLR) refusait d’amputer les malades. » Il a donc créé une « prothèse de croissance ». Munie d’une vis, elle permet de remplacer le morceau d’os atteint par le mal en respectant la croissance de l’enfant. Car ici, on commence par enlever la tumeur sans tenter de la réduire par la chimiothérapie, au risque qu’elle s’aggrave.
Une médecine individualisée
Nicole Delépine dans la cour de l'hôpital de Garches, en face du service d'oncologie pédiatrique.
Photo Capture d'écran du film "Cancer, un business mortel"
Dans son service, le traitement du cancer diffère aussi de ce qui prévaut ailleurs. « Les essais thérapeutiques (un procédé par lequel, les enfants atteints de cancer reçoivent un médicament expérimental ou, un médicament qui a fait ses preuves, NDLR) font perdre des chances de survie aux enfants, explique-t-elle. Je l’ai découvert en 1986, il n'y avait que 40% de guérisons. Je ne suis pas devenue médecin pour guérir 4 enfants sur 10 », s’emporte-t-elle. Avec son équipe, Nicole Delépine se plonge alors dans les résultats publiés par ses confrères et découvre ceux du docteur américain Gerald Rosen. Il affichait une chance de survie de 80% en moyenne pour tous les cancers. Appliquer la méthode du Dr Rosen, c’est utiliser de la méthotrexate – une molécule classique dans le traitement des cancers – en l’adaptant à chaque patient, en fonction de son âge et de sa maladie.
Une médecine individualisée qui s’oppose à la « robotisation » des prescriptions médicales, parce que chaque métabolisme et chaque cancer est différent. Et, lorsqu’on lui demande pourquoi les autres services font entrer les enfants dans des essais thérapeutiques alors qu’il existe des méthodes qui marchent, Nicole Delépine s’insurge. « C’est pour l’argent, voyons ! Il existe un lien incestueux entre l’industrie pharmaceutique et les traitements proposés. Et c’est la politique menée par le gouvernement. Aujourd'hui, 80 % des enfants entrent dans ces essais. Le Plan cancer 2014-2019 prévoit d'ailleurs de les généraliser. »
Les essais ne sont pas obligatoires, mais ils sont appelés « protocoles », pour indiquer la démarche à suivre. L'AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) précise que la participation à un essai clinique est proposée en cas d'échec thérapeutique et qu'elle « est étroitement encadrée et réglementée, a fortiori pour les enfants. Ces derniers et leurs parents doivent expressément donner un accord écrit après une information détaillée. Il s’agit d’un consentement éclairé. » Mais du côté des parents, le son de cloche diffère. « Lorsque la maladie vous tombe dessus, on vous demande de signer un papier pour que votre enfant ait un traitement. Vous signez le protocole sans vous poser de question », raconte Lisbeth, la maman de Corentin, tombé malade à 17 ans d’un cancer des os, finalement transféré dans le service de Nicole Delépine. « On prend nos enfants pour des cobayes. »
En lutte contre une médecine "aux ordres"
Au sein de l'hôpital, un médecin de l'équipe accompagne les enfants.
Photo Capture d'écran du film "Cancer, un business mortel"
En croisade contre ce qu’elle appelle « la mafia pédiatrique », Nicole Delépine, se raccroche à l’éthique du métier. L’arrêt Mercier (1936) qu’elle cite à plusieurs reprises revient comme fil rouge du combat qu’elle mène depuis trente ans. « Le médecin ne s’engage pas à guérir mais à donner des soins. Des soins non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science. »
Mais cette éthique revendiquée semble déranger l’administration et d’autres médecins. « Le jour où l’on a dit qu’on sortait des essais thérapeutiques de l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) pour appliquer d’autres méthodes publiées et certifiées, on est devenu des vilains petits canards, regrette-t-elle. Pourtant, on est l’un des rares services à n’avoir jamais eu de plaintes de patients en trente ans. » Une réputation sulfureuse qui s’étend au-delà des frontières de l’hôpital de Garches.
Parfois les parents doivent braver des obstacles pour placer leurs enfants dans son service. « Quand j’ai prononcé le nom du Dr Delépine, on m’a dit que j’emmenais mon enfant dans le couloir de la mort et que j’étais un parent irresponsable », explique Sabrina*, la mère de Llya, en rémission depuis un an et demi. Une autre mère d’ajouter : « Le médecin qui traitait ma fille m’a expliqué que Nicole Délepine était un charlatan qui ne soignait pas jusqu’au bout. Lorsque j’ai quand même quitté l’hôpital de Nantes, le juge aux affaires familiales m’a convoquée pour "mise en danger de la vie de ma fille". En fait, alors que je luttais pour sa santé, la plus grosse bataille a été contre l’administration », explique la mère d’Orlane (4), atteinte d’un cancer de la vessie, en rémission depuis 2007, sans avoir subi d’ablation de ses organes.
Lorsqu’on interroge l’AP-HP sur les résultats et les méthodes de Nicole Delépine, la réponse ne la condamne pas directement mais ne laisse planer aucun doute sur l’intention de l’institution : « Les patients traités dans les services de l’AP-HP pour des cancers doivent être pris en charge conformément aux recommandations de bonnes pratiques, établies par la Haute autorité de santé, l’Institut national du cancer et les sociétés savantes, et dans le cadre des autorisations délivrées par les autorités de santé. » Cela fait donc trente ans que ses méthodes dérangent. Initialement à l’hôpital Hérold dans le XIXe arrondissement de Paris, le service a été menacé de fermeture en 1998, lors du départ du chef de service de l’époque, le Dr Desbois. Après trois déménagements, plusieurs manifestations et différentes révoltes des parents, l’histoire se répète. Aujourd’hui le service est à nouveau menacé de fermeture.
Un médecin "tout le temps disponible"
Dans le film Cancer, un business mortel ?, de Jean-Yves Bilien, Nicole Delépine apparaît dans les allées de l'hôpital de Garches.
Photo Capture d'écran du film "Cancer, un business mortel"
« J’ai appris dans la presse la fermeture du service en raison de mon départ à la retraite. Mais je ne veux pas partir. Je préfèrerais claquer sur le terrain », s’amuse-t-elle. Même si elle partait, d’autres médecins pourraient reprendre le service. « L’administration oppose le fait qu’il n’y ait pas de médecins ici ; c’est du baratin absolu, s’insurge-t-elle. Ceux qui ont demandé leur mutation dans mon service n’ont pas été entendus », à l’instar d’Eléonore Djikeussi. Ce qui excède le docteur, c’est l’hypocrisie du procédé. D’un côté, on la félicite pour ses résultats, de l’autre on l’asphyxie en lui interdisant de recruter, ou en enlevant des lits, passés de 60 en 1986 à 10 aujourd'hui. Mais Nicole Delépine a confiance en l’avenir. Car elle n’en n’est pas à son premier combat. « On va gagner, on l’a toujours fait », affirme-t-elle dans son bureau.
Les parents, eux, sont nombreux à louer l’efficacité de la méthode. Mais aussi la disponibilité du médecin et de ceux dont elle a su s’entourer ainsi que la chaleur et l’humanité qui règne dans le service. Ils sont 22 000 à avoir signé une pétition pour assurer sa survie. L’association Ametist s’est créée pour revendiquer les bienfaits des méthodes de Nicole Delépine. Une plainte contre X a été déposée par cette association de parents au tribunal de Nanterre pour « délaissement » d’enfants. Dimanche, certains d’entre eux étaient cloîtrés depuis plus d'une semaine dans la chapelle de l’hôpital, en grève de la faim, pour que le service reste ouvert et que le combat de Nicole Delépine soit entendu. « Lorsque je suis arrivée dans le service, Mme Delépine a pris le temps de m’expliquer ce qui allait se passer. Alors qu’à Bordeaux, les médecins avaient été froids, explique la maman de James. Si son service ferme et que mon enfant rechute, je n’aurais nulle part où le guérir », s'inquiète-t-elle.
Nicole Delépine voulait être institutrice au départ. Elle avoue avoir finalement suivi un canevas familial tout tracé. Avec pour seule motivation en tête : travailler avec les enfants. Si elle se bat toujours pour eux, c’est une autre jeunesse qui l’inquiète. Celle qui constitue la relève du corps médical. « Ils ne savent même pas que d'autres schémas de traitement existent. On leur bourre le crâne dans les congrès. En cancérologie, il n’y a plus d’offre de soins. »
(1) Nicole Delépine, Le cancer, un fléau qui rapporte, 2013, Éd. Michalon.
(2) 97 % de chirurgie conservatrice depuis 1986 dans les cancers des os sur plus de 600 cas.
(3) Sous forme d'ostéosarcome et de sarcome d'Ewing.
(4) Elles témoignent dans le film Cancer, un business mortel ?, de Jean-Yves Bilien.
Virginia Johnson et son époux William Masters. Michael Sheen et Lizzy Caplan dans le rôle des célèbres sexologues William Masters et Virginia Johnson dans la série Masters of sex.
La série américaine Masters of sex est de retour en France avec la saison 2 qui a démarré il y a quelques jours. Une série basée sur l’histoire vraie des deux pionniers de la sexologie qui met à l’honneur Virginia Johnson, décédée il y a tout juste un an. On sait à quoi ressemble la co-chercheuse du docteur William Masters, en héroïne brillante et libérée, incarnée par Lizzy Caplan sur le petit écran. Mais qui était la véritable Virginia ?
Il faut replonger dans les années 60 et l'Amérique conservatrice. Le plaisir sexuel est encore un continent obscur. William Masters et son assistante, la pétillante et sulfureuse Virginia Johnson décident d'observer les effets du sexe sur une centaine de couples, en direct. Masters of sex raconte cette révolution. Car les chercheurs, impertinents et brillants, découvrent que la femme est plus apte que l’homme à avoir divers orgasmes pendant l’acte et que la taille du sexe masculin n’est pas déterminante pour le plaisir féminin ! Leur trouvaille choque autant le pays puritain que le corps médical qui assimile leur étude de la sexologie à une forme de pornographie.
La série de la chaîne Showtime raconte leur épopée, en s'inspirant du récit de leur histoire raconté par Virginia à l'écrivain Thomas Maier (2). Presque sans romancer si l'on en croit la délicieuse Lizzy Caplan qui confiait dans une interview à Télérama : « La vraie vie de ce couple est tellement fascinante qu’il n’y a pas grand-chose à changer pour faire une bonne fiction. »
Virginia Johnson, une féministe... désabusée
L’adaptation télévisée de Michelle Ashford donne la part belle à la féministe qu'était la véritable Virginia Eshelman (de son nom de naissance). Indépendante et libérée, dotée d'un charisme débordant et d'un incroyable sex-appeal : « J'aimais pourvoir être tout ce qu'un homme voulait que je sois. » se souvient-elle dans le New Yorker. Elle est encore célibataire lorsqu’elle commence à travailler à l’hôpital universitaire de Washington à St Louis, en 1956. Elle interrompt alors sa carrière de chanteuse de nightclubs pour un travail de secrétaire auprès du gynécologue réputé William Masters. Ce sera le début de sa carrière de chercheuse, et la poursuite de ses aventures personnelles. Deux mariages et deux divorces, des enfants qu'elle élèvera seule, une réputation sulfureuse auprès des femmes et mythique auprès des hommes.
Une carrière de femme émancipée
C’est son parcours de femme à l’aise dans son corps et à l’esprit libéré qui a fait d’elle une légende. Agile et intelligente, la secrétaire change de statut au fil de son travail avec le gynécologue dont elle devient l’assistante. Elle est vite désignée cochercheuse et voit son nom inscrit sur l’étude. En 1973, elle devient codirectrice du Masters and Johnson Institute , un institut fondé pour améliorer la sexualité des couples. Elle porte le projet tandis que son associé peine à communiquer et décide de recruter des personnes de l'hôpital pour poursuivre l'étude plutôt que des prostituées, choisies par Masters, sur qui l'essai ne donnait pas de résultat. Elle a amené leur travail jusque sur les plateaux de télévision. Le « NBC’s Today show » et le « ABC’s stage’67 » les ont présentés au grand public.
Être une femme émancipée n'a pas toujours été la partie de plaisir mise en scène dans la série. Le New Yorker rapporte les regrets de l'héroïne du sexe, confiés quelques années plus tôt à Thomas Maier. S'impliquer dans l'étude avec William Masters lui a certes permis d'y être associée à son égal. Ou d'être aujourd'hui encore considérée comme celle qui a offert l'égalité sexuelle aux femmes. Mais beaucoup de sacrifices ont été nécessaires. « Bill a tout fait, je ne voulais pas de lui... J'avais un travail et je voulais le garder. » Sans avoir jamais été forcée à avoir des relations sexuelles avec William Masters – qu'elle épousera au début des années 70 –Virginia s'est donnée corps et âme à son étude. Et au crépuscule de cette existence flamboyante, elle semblait soudain regretter de ne pas avoir vu ses enfants grandir, de n'avoir pas pu valider le diplôme universitaire auquel elle tenait tant, elle s'interroge : « Jésus, me suis-je tant perdue que ça ? » Même si leurs noms resteront éternellement liés par leur oeuvre, le gynécologue demandera le divorce vingt ans après leur mariage au début des années 90, laissant vieillir Virginia Eshelman Johnson seule...et vaguement désabusée.
(1) Diffusée en France sur la chaîne OCS (2) Masters of Sex : the life and times of William Masters and Virginia Johnson, the couple who taught America how to love, éd. Basic Books.
Dans un contexte tendu en Israël et au Proche-Orient, la juive néerlandaise, Juliette, et le mulsulman tunisien, Rabii se battent pour faire vivre leur amour.
Photo compte Twitter / Juliette Polak
Dans un contexte tendu au Proche-Orient, des couples judéo-musulmans se battent pour faire vivre leur amour. Souvent contre leurs familles et leurs proches.
Sous un T-shirt rose, Juliette affiche un ventre rond. Son mari, Rabii, l’embrasse sur le front. Sur le panneau qu’ils tiennent à deux mains, on lit : « Je suis un Tunisien musulman. Je suis une Hollandaise juive ». Au-dessus d’une flèche pointant vers le ventre : « Elle est le résultat de notre amour ». Publiée sur Twitter, leur photo a été partagée des milliers de fois, au côté de nombreux autres selfies de couples mixtes réunis sous le hashtag #JewsAndArabsRefusetoBeEnemies (« les Juifs et les Arabes refusent d’être des ennemis »).
Les deux tourtereaux sont de parfaits anonymes résidant à Amsterdam et pourtant, leur portrait est paru dans les grands quotidiens néerlandais. Joints par téléphone, Juliette, 33 ans, et Rabii, 26 ans, ne semblent pas se lasser de médiatiser leur amour en pleine escalade du conflit israélo-palestinien. « Devant la flambée de violence et les commentaires haineux sur les réseaux sociaux, on s’est presque senti obligés de partager notre histoire », explique Juliette. Une histoire qui trouve un écho particulier alors qu’un mariage judéo-musulman a été perturbé par des manifestants d’extrême-droite israéliens, près de Tel-Aviv.
Leur coup de foudre a quelque chose du roman de gare. Rabii travaillait dans l’hôtel où séjournait la jeune femme, en Tunisie. Lorsque Juliette rentre chez elle aux Pays-Bas, la romance se poursuit à travers de longues sessions Skype, sans s’essouffler. Sauf que pendant le mois et demi que durent ces échanges, Juliette ne cesse de se ronger les sangs. « Je ne lui avais toujours pas dit que j’étais juive et j’étais terrifiée à l’idée qu’il ne veuille plus m’adresser la parole », explique-t-elle. Elle qui a vécu quelques années en Tunisie dit s’être fait « insultée et menacée » par des certaines personnes auxquelles elle avait « avoué » sa judaïté. Lorsqu’elle en parle à Rabii, la boule au ventre, il la rassure instantanément. « Je n’étais pas choqué, l’amour était plus fort », assure-t-il. Les amoureux finissent par rencontrer leurs familles respectives qui acceptent toutes deux le conjoint de leur enfant.
Au mariage, Coran et verre brisé
Leur mariage (civil), a lieu un an plus tard, en juin 2013. Il a lieu en Tunisie car Rabii, qui prévoit d’emménager en Hollande, n’a pas encore son visa. La cérémonie s’efforce de répondre aux attentes de chacun. Sur une plage, il rassemble une centaine de proches du jeune homme, et seulement six personnes de la famille de Juliette. Sa culture n’est pourtant pas oubliée. Après une lecture du Coran et l’échange de vœux, son époux brise un verre du pied, suivant la tradition juive.
Au quotidien, le couple dit essayer de « garder le meilleur » de leurs deux cultures. Ils n’ont jamais voulu se convertir. Rabii prépare des couscous à sa femme et danse avec elle sur de la musique hébraïque dans les bar-mitsvah. Juliette mange devant lui quand il suit le ramadan. Se définissant comme « libéraux » dans leur conception de la religion, ils entendent laisser à leur fille la liberté de choisir ce qui lui « conviendra le mieux ».
"On peut laisser passer le grand amour"
Derrière ce tableau idyllique, le couple n’est pas à l’abri des messages négatifs. Si leur médiatisation leur a valu des e-mails de soutien du monde entier, certains assurent que leur enfant n’a « aucun avenir ». Tandis que des connaissances leur ont tourné le dos. Car si de nombreux couples mixtes vivent en harmonie, une poignée de photos d’amour sur internet ne suffit pas à lever les tabous. Preuve en est avec le mariage mixte perturbé dimanche 17 août près de Tel-Aviv, où les mariés ont été taxés de « traîtres ». Selon une étude publiée par le quotidien israélien Haaretz, 75% des juifs interrogés disent qu'ils refuseraient de se marier avec quelqu’un d’une religion différente de la leur (65% pour les Arabes).
En France, où se répercute l'écho du conflit, les tensions se sont accrues. Et si certains se laissent emporter par la passion un temps, faisant fi des étiquettes religieuses, ils reculent souvent lorsqu'il faut vraiment s'engager. Zoé (le prénom a été changé), une jeune juive, a dû renoncer à son histoire d’amour avec un Libanais de confession musulmane. « Certains de mes amis me demandaient comment je faisais pour coucher avec un arabe et ils blaguaient en disant que c’était probablement un terroriste ou un espion, raconte-t-elle. C’était une relation très étrange. D’une certaine manière, c’était excitant de transgresser la « règle ». Lui m’a juste dit un jour que notre relation était impossible et ça s’est terminé. »
Les forums fleurissent sur le net pour évoquer ces unions entre juifs et musulmans, comme si elles relevaient d'un défi particulier. Car si on compte près de 40% de mariages mixtes parmi les jeunes juifs (selon l'étude du Fonds social juif unifié de 2006), la plupart le sont avec un conjoint sans confession ou d'une autre religion que l'Islam. Sur les forums, on lit plutôt des regrets, des craintes, des dilemmes et la peur d'être rejeté par la famille de l'autre. Isabelle Lévy, conférencière – formatrice spécialisée dans les religions qui a consacré un livre (1) aux couples mixtes à partir d’une cinquantaine de témoignages, fait ce constat : « Quand on ne veut pas se mettre sa famille à dos, on peut laisser passer le grand amour ».
Une « troisième religion »
La guerre aggrave-t-elle le sort de ces Roméo et Juliette des temps modernes ? Selon Isabelle Lévy, ce sont des relations qui restent « difficiles », « surtout en période de conflit ». « Même s’il s’agit d’un conflit politique et non religieux, cela engendre des frustrations. Soit on prend parti, soit on n’en parle pas. Mais alors, l’entourage est là pour s’en charger. » Les autres difficultés viennent du compromis entre les pratiques religieuses de chacun. Les plus libéraux, comme Juliette et Rabii, en viennent à créer une « troisième religion ». « La plupart de ces couples font du bricolage, des assemblages" explique la spécialiste. Ils gardent ce qui rassemble comme ne pas manger de porc, régime propre aux deux religions. Mais sans aller jusqu'à célébrer la Pâques juive ou l’Aïd à la maison »
Selon elle, la naissance d’un enfant peut compliquer les choses, surtout lorsque les grands-parents veulent « tirer l’enfant vers eux pour transmettre leurs traditions ». Sans parler du choix de religion de l’enfant, en sachant que l’homme transmet la religion dans l’Islam, alors que c’est la femme dans le Judaïsme. L’enfant n’est donc théoriquement reconnu dans aucune des deux religions si le père est juif et la femme musulmane, mais possède la double religion dans le cas contraire, comme c’est le cas pour la fille de Juliette et Rabii. Une question balayée par notre couple, qui assure : « même si elle voulait être athée ou chrétienne, on serait d’accord! »
(1) Vivre en couple mixte. Quand les religions s'emmêlent, éd. L'Harmattan, 2011.
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur et Fleur Pellerin, ministre de la Culture.
Photo Thierry Rajic et Bruno Coutier / GNO / Picturetank
Quelles sont les armes secrètes de ces deux femmes promues à des postes clés de l'équipe Valls II : Fleur Pellerin, 41 ans, ministre de la Culture, Najat Vallaud-Belkacem, 36 ans, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ? Décryptage d'une ascension fulgurante.
Fleur Pellerin, nouvelle ministre de la Culture.
Photo Thierry Rajic et Bruno Coutier / GNO / Picturetank
Fleur Pellerin, la bûcheuse
Cerveau en or
Une forte en thème. « À 4 ans, elle apprend à lire en trois mois », dit sa mère, qui ajoute avoir « toujours su qu’elle aurait un destin hors norme ». Fleur passe haut la main son premier concours pour entrer en sixième dans un collège franco-allemand à Versailles. « Après, j’étais sur des rails… » Bac à 16 ans, Prépa à 17 ans, entrée à l’Essec à 21 ans, Science Po, ENA promotion Averroès. Puis elle entre à la Cour des comptes, où elle œuvre pendant dix ans.
Boosters de carrière
Sa force ? N’avoir jamais voulu brûler les étapes et avoir travaillé ses dossiers d’arrache-pied. Elle sait qu’on attend au tournant cette fille trop belle, trop jeune et trop diplômée. Elle commence donc comme petite main dans l’équipe des plumes de Lionel Jospin pendant la campagne de 2002. Poursuit en 2007 avec Ségolène Royal, à la presse, puis avec François Hollande en 2012, à qui elle fait comprendre qu’elle ne veut plus être « cantonnée aux notes ». Message reçu.
Dress Code « Elle aime la mode », confirme Isabelle Dubern, sa styliste personnelle, fondatrice de 10 Vendôme. En voyage à l’étranger, elle porte de jeunes créateurs, comme Christophe Joffre ou Rabih Kayrouz, qu’elle veut faire connaître. Pour aller dîner à la Maison-Blanche en février dernier, elle était en robe longue kimono de chez Gucci. À Paris, elle aime les jupes en cuir noir, les slims Saint Laurent, et les vestes Bar, de Dior, mixées avec des pièces simplement achetées chez Zara.
Power Couple
Laurent Olléon, énarque et conseiller d’État, introduit sa femme dans les cercles du futur président. Aux lendemains de sa victoire, Hollande propulse Fleur Pellerinà l’Élysée. Son mari devient le directeur adjoint de cabinet de Marylise Lebranchu. Dans la tribu Pellerin, on part tôt le matin et on rentre tard le soir. Les trois enfants – une fille pour elle, deux garçons pour lui de précédentes unions – sont élevés par une nounou et des grands-parents dévoués et attentifs, très présents dans le loft de Montreuil.
Carnets intimes
Ses livres de chevet : Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire, et La Conversation de Bolzano, de Sándor Márai. Royal Affair, de Nikolaj Arcel, avec Mads Mikkelsen, est le film qui la touche le plus. Quant à l’artiste qui l’inspire, sans hésiter : le photographe JR.
Najat Vallaud-Belkacem, sobre et efficace
Najat Vallaud-Belkacem, 36 ans, du ministère des Droits des femmes à l'Éducation nationale.
Photo Thierry Rajic et Bruno Coutier / GNO / Picturetank
Un cerveau en or
Aborder tous les univers, aller au contact direct… Ouvrant tous les dossiers, travaillant sans relâche, Najat Vallaud-Belkacem a gravi les échelons en deux ans pour occuper aujourd’hui la 4e place protocolaire du gouvernement. Sa tonalité un peu neutre cache une puissante capacité d’adaptation : elle absorbe tous les codes, aussi à l’aise à la tribune du Women’s Forum qu’au milieu d’une crèche ou avec des femmes victimes de violence.
Boosters de carrière
Sa mère, née au Maroc, mise pour ses enfants sur l’école de la République. Licence de droit, Sciences Po, et rencontre avec la politique : Najat croit au progrès et à l’égalité des chances. Dans un avion, en 2007, elle propose ses services à Ségolène Royal et intègre l’équipe de Hollande en 2012. Première femme à la tête du ministère de l’Éducation nationale, NVB aura à cœur de faire avancer rapidement son plan d’action de l’égalité filles-garçons, question qui la taraude depuis toujours, et ne manque jamais de susciter le débat.
Dress code
Un look sous contrôle, sans effets de plis, avec une priorité au noir et blanc. Polos près du corps, tailleurs stricts, chemises blanches… Le bleu indigo fait parfois son effet sur les bancs rouges de l’Assemblée. Peu ou pas de bijoux. Ici ou là, la ministre tente des robes trapèze structurées. « Je rêve de m’habiller glamour, confiait-elle il y a quelques années. Mais je me dégonfle et je reste en noir. » Sobre, efficace.
Power couple
Avec Boris Vallaud, rencontré à Sciences Po, épousé en 2005, elle a des jumeaux, Louis et Nour, une vie réglée comme du papier à musique entre Lyon et Paris. Haut fonctionnaire, il travaille auprès d’Arnaud Montebourg pendant quelques années, et rentre sans aucun problème coucher les enfants si besoin. Voilà ce qui se dit. La vraie vie est sûrement plus agitée.
Carnets intimes
Un maître à penser : Albert Camus. Pour son refus des étiquettes, son goût de la vérité, sa pensée fine et complexe, et surtout, son lien avec les deux rives de la Méditerranée. Et aussi, amour de jeunesse : Zadig , de Voltaire.
Homme d’expérience, sa parole est d’or, son look étudié. Seth Godin est devenu la tête pensante du luxe sur Internet. Il ne compte plus ses fidèles ni les best-sellers ou les marques qui font appel à son conseil. Sa vision ? Remettre l’humain au cœur des connexions. S’investir autant qu’investir. La clé du succès ?
Ne dites plus jamais : « Seth qui ? » Vous n’aurez pas d’excuse : il suffit de taper son prénom sur Google pour que l’adresse de son blog personnel - un des cinq cents les plus lus dans le monde - apparaisse immédiatement, suivie de milliers de pages tressant les louanges du personnage. Car c’en est un. Seth Godin, pour le présenter d’emblée, est « le » gourou du
marketing sur le Net. Avec sa cohorte de fidèles, de best-sellers… et son look savamment étudié. Ce jour-là - en juillet dernier -, il est à Paris pour la première fois, afin d’évoquer un sujet polémique : Internet va-t-il tuer le luxe ? La question, épineuse au pays de Colbert, semble beaucoup l’amuser. Crâne rasé, mini-format (il doit mesurer un mètre soixante), lunettes orange vissées sur le nez et costume sur mesure en lin violet, il passe difficilement inaperçu dans la foule compacte qui s’est pressée dans l’espoir de le croiser. Il monte sur scène, et le phénomène se produit : une armée de geeks l’applaudissent à tout rompre avant de brandir leurs iPhone pour tenter de capter l’idole, qui commence son discours. Premier « slide » : des singes tête en bas, toutes fesses rouges dehors. Une métaphore, selon Seth, des marques de luxe qui ne comprennent rien à ce qu’Internet est en train de changer à la notion même de marque. Le ton est donné.
La signature bousculée de son dernier livre, quelques minutes plus tard, se joue dans la même veine : à l’américaine, version rock’n’roll. Mick Jagger, sors de ce corps ! « Si je devais comparer Seth Godin à une star, ce serait plutôt à Woody Allen, corrige cette admiratrice en attente du précieux paraphe. Seth a apporté à Internet quelque chose de totalement unique et décalé dans cet univers très formaté des nouvelles technologies : il a réintroduit l’humain au cœur du système, de façon quasi psychanalytique ; il pose les bonnes questions sans jamais présumer les réponses, et toujours avec un trait d’humour. En fait, il agit comme un médecin qui laisserait chaque patient libre de déterminer sa propre ordonnance. »
Le sens de la formule et du contre-pied
Humain, Seth Godin l’est résolument. Car il incarne surtout l’homme d’expérience. Qui a connu le succès et l’échec et qui a mis en pratique dans sa vie les conseils qu’il donne dans ses livres. Né à New York en 1960, titulaire d’un MBA de Stanford, il crée plusieurs start-up, dont une, Yoyodyne (qui propose des services marketing innovants à de grands groupes internationaux), sera rachetée par Yahoo ! en 1998 pour 30 millions de dollars. Cette vente garantira sa fortune et sa réputation, puisqu’il deviendra du même fait vice-président de Yahoo ! en charge du marketing. Squidro, le site communautaire qu’il crée en 2006 et où chaque utilisateur peut venir créer sa page sur ses propres centres d’intérêt, est devenu l’un des cinq cents sites les plus visités dans le monde. Son sens de la formule et du contre-pied le classe chaque fois dans les 1 % de speakers les plus suivis et téléchargés de la conférence TED, à laquelle il participe chaque année. Et ses best-sellers, comme Linchpin, se classent régulièrement dès leur sortie dans le Top 10 des ventes mondiales d’Amazon ou figurent parmi les cent best-sellers du New York Times.
Devenir une tribu avec des consommateurs consentants
Auteur de multiples best-sellers, Seth Godin a réinjecté de l'humain dans le monde digital.
Photo Glenn Glasse / Gallery Stock
Son message majeur ? Il le développe dès son premier livre - une bible pour ses adeptes -, Permission Marketing (1999), qui fera date dans le monde du Web. Son idée ? Il est le premier à comprendre qu’Internet n’est pas la télévision. Impossible d’assommer les consommateurs de publicités imposées ou de messages push. Pour les attirer, il faut leur demander la permission (de recevoir des newsletters, des invitations, etc.). Et surtout créer un contenu résolument différent. Ce qui implique de se creuser un peu la cervelle. « Vous devez devenir des leaders, explique Seth Godin aux marketeurs, les réveillant au passage. C’est-à-dire réfléchir profondément au message que vous voulez véhiculer, comme un manifeste, et à l’énergie que vous voulez mettre dans le monde. » Car Seth Godin l’affirme : la force d’une marque sur Internet dépend de la relation qu’elle crée entre ses consommateurs, qui conversent entre eux, se connectent et deviennent alors une tribu. D’où l’importance, plus que jamais, du storytelling.
Booster les entrepreneurs
C’est là toute la force « gouroutique » de Seth Godin : bousculer les entrepreneurs d’aujourd’hui à coups de phrases chocs pour les inciter à aller décrocher leur destin. Morceau choisi : « Il vaut mieux travailler pour quelque chose à quoi l’on croit plutôt que toucher un salaire en attendant d’être licencié. Investissez-vous corps et âme dans votre travail. Les personnes qui aiment le plus leur travail sont aussi celles qui y excellent, ont le plus grand impact et changent le monde. La question n’est pas “Est-ce que je fais ce que j’aime ?”, mais “Est-ce que j’aime ce que je fais ?” » Pour Seth Godin, il n’existe qu’une façon de survivre et de s’épanouir dans la mouvance actuelle des organisations : devenir indispensable. Comme il l’explique dans l’ouvrage du même titre. Comment ? En prenant le risque d’exposer ses idées, de trouver des solutions originales, de créer des relations entre ses clients, ses collègues. « Alors on reconnaîtra votre valeur inestimable. Aujourd’hui, il n’est plus possible d’être ordinaire.»
La réussite prend du temps
Un peu facile, objecterez-vous. Mais là encore, Seth Godin surprend. Sa vision du succès ? « Il faut de la patience. La réussite prend du temps car les voies les plus faciles sont déjà prises. Il faut de la générosité : ce qu’on attend d’un leader, c’est de s’intéresser aux autres, pour construire autour de lui une tribu. » Des valeurs à contre-courant de la webosphère, où règne le culte de la rapidité et de l’individu entrepreneur. Il l’explique bien dans The Icarus Deception : pour réussir, il faut, à un moment donné, oser désobéir (affronter les dieux). Pour changer notre vision du succès, il faudrait encore faire évoluer le système éducatif. Évaluer les élèves sur leur faculté à s’investir, à se dépasser. S’interroger sur la notion même de mérite. S’investir plus qu’investir. La différence fait mouche.
Fabienne Sintes, nouvelle animatrice de la matinale de France Info.
Photo Christophe Abramowitz / Radio France
Depuis début septembre, Fabienne Sintes anime la matinale de France Info. Seule voix féminine dans un créneau dominé par les hommes, elle transforme l'exercice, raconte l'info comme une histoire et, c'est nouveau, partage les coulisses avec l'auditeur. Par petites touches à l'antenne, à coups de posts hilarants sur les réseaux sociaux.
« Bonjour, bienvenue sur France Info ! Ne cherchez pas le réveil... vous avez la radio. Il est 6 heures ! ». La voix cuivrée de Fabienne Sintes traverse la nuit pour nous réveiller. Nouveau pivot de la tranche matinale de France Info, elle est la seule femme des ondes sur ce créneau stratégique. Mais plus qu'une touche féminine, Fabienne Sintes apporte surtout un style. Une gouaille qui vient donner un peu de chair à la traditionnelle succession de mauvaises nouvelles.
Les séquences défilent, cadencées. Une marqueterie impressionnante, des voix et des ombres qui les font surgir, des journalistes et des techniciens, des éditorialistes et des invités qui accompagnent celle qui fut longtemps grand reporter et correspondante aux États-Unis avant de devenir la cheville ouvrière et désormais le symbole d'une chaîne recentrée sur l'info en continu. « Nous avons fait le pari de choisir une voix de la maison, celle d’une femme qui sait raconter des histoires et les incarner, plus qu'une star des médias », explique Laurent Guimier qui a pris les rênes de la station en mai.
Alors Fabienne Sintes raconte. « Je viens du terrain. Et je crois que cela s'entend. Je dévoile l'info aux auditeurs telle qu'elle se révèle à nous, avec un peu de coulisses. Je ne fais pas semblant de détenir la grande vérité. » Elle secoue les codes de l'info sérieuse. À l'antenne, avec ses saillies, ses questions directes et ses confusions légendaires sur les prénoms (elle parle de phobie nominative !). Au risque d'agacer parfois ceux qui aiment l'info comme une ligne droite, sans tâche d'encre.
Fabienne Sintes.
Photo Christophe Abramowitz / Radio France
"Je suis dans la salle des bains des auditeurs tous les jours"
Mais elle détonne aussi et surtout hors micro. Sur les réseaux sociaux, elle se révèle en cousine de Pierre Richard, avec la guigne joyeuse des êtres qui « concentrent toute leur énergie sur le travail et voit le reste échapper au contrôle, dans une sorte de joyeux chaos ». Elle y narre ses déboires par le menu. Ce mélange des genres, entre le sérieux de l'antenne et le burlesque du réseau, s'est révélé précurseur des nouvelles générations de journalistes globaux, qui s'exposent, pile et face, à la lumière du Net. Mais si les gourous du Web détaillent leur journée et leurs coups de cœurs sur Twitter dans une mise en scène d’eux-mêmes savante et parfois vaine, Fabienne Sintes, elle, nous fait rire.
L’envers du décor n’est jamais à sa gloire. On y lit la suite insensée de ses ennuis domestiques et comme une légère incapacité à la vie administrative. Clés de l’appart’ oubliées à l’intérieur, chemise qui sort du pressing et flambe sur le pot d'échappement bouillant de sa moto, lentilles posées sur le même œil…Trains en retard, connexions loupées, vols annulés. Sans oublier ce grille-pain France Bleu obtenu de haute lutte et immédiatement en panne. Les petits riens du quotidien défilent sur son Facebook. Et si l'humour recouvre ces mésaventures d'une certaine élégance, il laisse percevoir une part de prosaïsme que les stars de la radio cachent plutôt. « Je suis dans la salle des bains des auditeurs tous les jours, je peux bien leur ouvrir un peu ma porte. Mais je ne dis jamais rien d'intime. Ni mes sentiments, ni mes opinions. Juste la vie telle qu'elle va », détaille la journaliste, maintenant installée à la terrasse d'un café après ses trois heures d'antenne. Il est 9h30. Fabienne Sintes a fini sa première journée de travail. Café, clope, jamais de sport. Mais les yeux maquillés, les ongles impeccablement peints. Voilà pour le programme beauté.
"Je marche sans drapeau"
Pour tenir, elle s'astreint à la sieste dans la matinée. L'après-midi, elle s'y remet, avec ses cahiers en cuir, l'un pour les notes ordinaires, l'autre pour les idées. Elle épluche l'actu, les invités, leurs œuvres. Work alcoholic of course. À 22 heures, elle dort. Puis les sirènes du commissariat de Central Park hurlent dans son réveil à partir de 1h30. Il en faut plusieurs pour la tirer du lit. À 2h30, après avoir traversé Paris en vrombissant, elle est à la radio. « Une vie réglée ». Sans trop d'espace pour autre chose que les news. « Les uns disent que je suis célibataire pour avoir consacré toute mon énergie à ma carrière. En réalité, ce n'est pas un choix, juste un état de fait. » Voilà pour sa vie de femme, qui conjugue travail et travail.
Des lettres d'amour des auditeurs
Sa mère était bien décidée à voir sa fille profiter de la nouvelle autonomie des femmes. « Ne passe pas à côté », lui a-t-elle glissé. Fabienne Sintes s'est lancée dans les infos locales, puis le reportage, avidement. Nourrie des lectures d'une famille de pieds noirs, plutôt de droite mais pas gaullistes, qui lisaient L'Aurore et Le Figaro. Politiquement, on la dit à gauche, elle affirme marcher sans drapeau. Juste avec la volonté de raconter d'embarquer les gens dans l'info, comme s'ils y étaient.
Elle avance d'ailleurs avec une tribu. Fabienne Sintes, c'est une voix, mais jamais solitaire. On y devine sa mère, Mamichoute, son père, son frère, la nièce qui fait du poney... Et même ses admirateurs qui lui écrivent à la plume des lettres d'amour en lui donnant rendez-vous dans des cafés, comme s'ils la connaissaient. Moi je l'imaginais en pyjama depuis qu'elle avait un jour avoué à l'antenne qu'elle travaillait ainsi dans son appartement de Washington. En réalité, c'est plutôt en femme en cuir. Les cheveux gris depuis qu'un matin, avant 30 ans, c'est arrivé. Maintenant elle en a 45 et on l'arrête dans la rue pour lui demander les recettes de cette chevelure cendrée. Elle rit. Explique, parle, encore et encore. Intarissable. Avec Fabienne Sintes, chassez le micro, le naturel conserve l'antenne.
La dirigeante de Meetphone compte bien damner le pion à Facebook avec FabTown, l'application qui « crée du vrai lien social ».
Photo Dominique Brogi / Meetphone
Avant de créer FabTown, l’application qui entend révolutionner le lien social et l’entraide locale, présentée jeudi au Salon des maires, la dirigeante de Meetphone a eu mille vies, entre Montréal, Tahiti et Paris. Portrait à 360°.
« À Paris, si tu oses dire bonjour à quelqu’un dans un ascenseur, tu es un killer. » Après vingt ans à sillonner la planète, entre Montréal, Toronto, Tahiti et Los Angeles, Dominique Brogi a pris une grosse claque lorsqu'elle est rentrée à Paris en 2010. Divorcée, sans enfants, sans amis, la lumière de Polynésie lui manque. « Pendant deux ans, ça a été très difficile. Je voyais sur Facebook tous les endroits que j'avais aimé, les photos de mes amis qui s’éclataient, et je me sentais encore plus seule, une fois l'écran éteint. » Aujourd’hui à la tête de la société Meetphone, Dominique Brogi a laissé la solitude derrière elle et espère favoriser le lien social avec FabTown, application qui géolocalise les gens en fonction de leurs centres d’intérêt, de la pâtisserie à la solidarité. Le but de ce réseau ? Créer du contact et de l’entraide et non exposer sa vie idéalisée comme sur Facebook. Rencontre avec celle qui donne à nos portables le pouvoir de (vraiment) nous rapprocher.
« Dominique, tu l’envoies dans le désert, elle revient avec un kilo de tomates et une bouteille d’eau fraîche », disent ses proches. À l’aube de la cinquantaine, Dominique Brogi portent les signes de son riche parcours : le teint hâlé de Madagascar, les perles noires de Tahiti autour du cou, une élégance française naturelle couplé à un franc-parler très américain. Elle a vécu de voyages, de rencontres et d’ambition sur trois continents, au fil de 17 déménagements. Née à Madagascar, ses parents fuient les remous de l’Indépendance pour s’installer à Grenoble alors qu’elle n’a que trois mois. Elle hérite de « l’ADN de l’entrepreneur », avec le tempérament volontaire de sa mère et l’hyperactivité de son père, torréfacteur de café. « S’il prenait deux jours de vacances, il avait l’impression de partir un mois », se souvient-elle. Dans une famille qui ne cesse de « regarder dans le rétroviseur » la Grande île qu’ils ont laissée derrière eux, la jeune Dominique n’a qu’une idée en tête : « travailler à l’étranger et créer des choses ». Elle saisit toutes les opportunités.
À peine a-t-elle commencé un BTS commerce international à Grenoble qu’elle accepte un premier boulot en Angleterre avant de revenir finir son diplôme. Des Canadiens viennent la débaucher pour travailler dans l’impression d’emballage. Dominique embarque pour Montréal puis Toronto et sera formée à l’américaine. Elle grimpe les échelons aux résultats. À 21 ans, elle est nommée directrice des ventes. À 22 ans, on l’envoie ouvrir le siège social européen. « J’avais franchi l’Atlantique et voilà que je revenais en Europe, qui plus est à Aix-la-Chapelle, en Allemagne », raconte-t-elle en riant. Jeune mariée, Dominique fait ses bagages pour Paris, lance sa société, la revend, repart au Canada en 1994, toujours dans l’emballage.
De retour à Paris, le choc des cultures
Cinq ans plus tard, celle qui ne tient pas en place fait le bilan. Et se voit soudain lasse de passer sa vie dans des avions. « On me proposait des postes de vice-présidente à l’international dans le même secteur. Je voulais autre chose ». La working girl prend un aller simple pour Paris et un choc des cultures. Malgré son expérience, ses 33 ans la discréditent aux yeux des décideurs. « On me riait au nez quand je disais que je visais un poste de direction ! J’étais jugée trop jeune, et sans le cursus français traditionnel d’une grande école… Aux États-Unis, si tu restes plus de deux ans en place dans le même poste, on considère que tu n’es pas dynamique ni motivé pour évoluer. » Dominique ne lâche pas. Grâce à son anglais impeccable, elle devient trader dans une société de courtage. Empoche un joli capital. Ouvre un magazine d’investissement, hésite entre reprendre une ferme perlière ou une distillerie à Tahiti. Ne sachant pas plonger à 40 mètres de profondeur, elle se reportera sagement vers la deuxième option. Et repart pour dix ans de l’autre côté de l’océan.
Mais, « dans les îles, tu amènes le bonheur avec toi, tu ne le trouves pas sur place », explique Dominique. Alors ,quand elle se sépare de son deuxième compagnon, l’entrepreneur tourne en rond dans l’océan Pacifique. Elle revient à Paris, hantée par les souvenirs des eaux limpides de Tahiti mais prête à tout reconstruire. « J’ai soudain compris ma famille qui ne vivait qu’en pensant à Madagascar. » Sa traversée du désert s’arrête quand la société Meetphone vient lui proposer un nouveau challenge. Positionnée sur les rencontres par centres d’intérêt via Bluetooth, l’entreprise s’essouffle.
Rapidement, Dominique la redresse. Elle réduit les effectifs, enterre le Bluetooth à tout jamais et voit loin. Celle qui a souffert de l’indifférence et de la dureté des rapports humains en France veut donner un peu de chaleur humaine et de spontanéité au quotidien. Pour « montréaliser » Paris en quelque sorte, elle met sur pied FabTown. L’application gratuite se réclame comme un anti-Facebook : sans pub, sans traçage des données, sans voyeurisme. Plutôt qu’un défilé de narcissisme idéalisé, l’application propose de rencontrer les gens qui ont les mêmes loisirs, passions ou préoccupations, le tout géo-localisé sur une carte. « Là où Google va proposer du contenu, nous trouvons des gens », résume-t-elle.
Dans son élan, Dominique a vu loin et a lancé d’autres applications : FabCorp, pour la communication interne des entreprises, FabSchool, pour les écoles et leurs étudiants. Et surtout FabVille qui permet aux collectivités locales de mieux concentrer les informations à destination des citoyens, notamment les offres d’emplois géo-localisées. « Le maire n’a qu’à communiquer auprès des commerçants et entreprises pour qu’ils puissent poster leur annonce. » Dominique se donne cinq ans pour relever le challenge. Ensuite, elle se voit déjà retraverser l’océan direction la côte Ouest des États-Unis, installée près d’un golf, auprès d’une bande d’amis. La retraite ? « Plutôt semi-retraite je pense », conclut la baroudeuse. Sans surprise.
Le club Génération Femmes d'Influence a décerné lundi 8 décembre les prix de la Femme d'Influence politique, économique, et « coup de coeur » choisis par le jury, dont Paul-Henri du Limbert, directeur délégué des rédactions du Figaro, est membre.
Pour la première fois, le club Femmes d'influence vient de désigner, ce lundi 8 décembre des femmes modèles, des icônes inspirantes. À l'aide d'un jury éclectique où figurent Claude Bébéar, Didier Drogba, Laurence Parisot, Alexandre Malsch, Catherine Nayl, Michèle Fitoussi ou encore Paul-Henri du Limbert, directeur délégué des rédactions du Figaro. Parmi les dizaines de nommées, seules trois ont reçu le Prix de la Femme d'Influence, chacune dans leur catégorie : économique, politique et « coup de coeur ». En exclusivité, Lefigaro.fr/madame vous livre les noms des lauréates talentueuses. Portraits.
Photo Jean-Christophe Marmara / Le Figaro
Catherine Barba, fondatrice de CB Group, Prix de la Femme d'Influence Économique
On ne saurait dire exactement quel est son métier, tant Catherine Barba est partout. Entrepreneuse, business angel, pionnière du web, femme de réseau, mentor… Elle se surnomme « mamie du French web » sur Twitter et c’est plutôt bien résumé. Catherine Barba, 41 ans, a épousé Internet dès la fin des années 90. Etudiante à l’ESCP, celle qui voulait être prof de philo part aux Etats-Unis se roder aux nouvelles technologies et au storytelling. En 1996, elle obtient son diplôme. Le web balbutie encore. On ne sait pas trop où l’on va avec cet Internet, mais tout semble possible. Et les plus ambitieux sautent dans le train. Catherine Barba sera une des premières à traduire son vocabulaire dans la langue du futur : en y apposant des « e- » avant chaque mot. Elle vendra les premières bannières publicitaires, à la tête du département Internet et publicité en ligne de l’agence OMD (groupe Omnicom). Puis rejoindra l’équipe du site iFrance, créera Cashstore puis Malinéa, un cabinet de conseil en e-business, qu’elle revendra ensuite à Venteprivée.com. En 2012, elle fonde Catherine Barba Group (CB Group), qui convertit les marques de luxe au digital si « mainstream », avec intelligence et flair.
En parallèle, elle fait mille autres choses. Cette accro de la création d’entreprise est la « business angel » d’une dizaine de start-up dont les jeunes Leetchi et Mangopay de Céline Lazorthes. Elle va prêcher la bonne parole de l’entrepreneur auprès des jeunes avec l’association « Nos quartiers ont des Talents » et le club des 100 000 entrepreneurs, s’investit aussi pour « Joséphine pour la beauté des femmes ». Déjà primée Femme en Or en 2011, Catherine Barba organise chaque année la Journée de la Femme digitale au mois de mars, quand elle ne donne pas de conférences TEDx. Elle y raconte souvent ses grands-parents qui avaient fui l’Espagne franquiste. Et ses parents qui lui répétaient : « Fais ! Fais ! Et même si tu te trompes, on t’aimera infiniment, n’aie pas peur ! ». Ne pas avoir peur, c'est ce conseil qu'elle donne à sa fille de 10 ans pour réussir. Avec les yeux grands écarquillés d'une enfant qui n'a pas fini de vouloir dévorer le monde.
Photo François Bouchon / Le Figaro
Nathalie Loiseau, directrice de l'ENA,
Prix de la Femme d'Influence Politique
C’est en imitant son grand frère que Nathalie Loiseau, ancienne pointure du Quai d’Orsay et actuelle directrice de l’ENA, a appris à avoir de l’ambition. Et à la concrétiser. Elle passe le concours de Sciences Po sans trop réviser, à 16 ans, travaille dans la mode, est admise à l’ESSEC en déclarant vouloir être la prochaine Barbara Cartland mais finalement n’y va pas. Quand elle rentre au Quai d’Orsay à 21 ans, les femmes sont peu nombreuses. On l’accueille en lui disant qu’elle a une voix de speakerine de télévision. Elle prend du grade au bout d’un an, suscitant la jalousie et les ragots. Le travail paie. Ses mentors la poussent à voir plus loin, à postuler plus haut. Elle partira travailler dans les ambassades, en Asie, en Afrique et aux Etats-Unis.
Nathalie Loiseau a tracé sa route comme une petite souris, en éternelle outsideuse. Sa voix fluette et ses yeux rieurs n’ont pas peur des grosses responsabilités, même avec quatre garçons à élever. Son mari est là. Ils forment une équipe. Quand elle est débarquée de la direction de l’administration du Quai d’Orsay, on vient lui proposer le poste de directrice de l’ENA, cette école si élitiste dont elle n’a jamais passé les portes. Elle, une femme, non-énarque, qui a bâti son parcours à l'étranger ? Aucune hésitation. Depuis deux ans, elle s’est engagée à réformer les concours d’entrée pour recruter d’autres jeunes que des parisiens du sérail, sortis des meilleures prépas. Y compris des filles, encore minoritaires. En 2014, Nathalie Loiseau apporte un message d’espoir aux mères et femmes actives que l’on serine de choisir entre carrière et famille avec son livre Choisissez Tout. Elle y raconte sa vie, son œuvre, son courage, tout en étant l’anti-thèse de la prétention. D'ailleurs, ne la surnommez pas la « Sheryl Sandberg française » : elle déteste les superwomen.
Zahia Ziouani, chef d'orchestre,
Prix de la Femme d'Influence "Coup de coeur"
Photo Jean-François Robert
Dans la famille Ziouani, à Pantin, on rêvait, écoutait et désirait la musique. La mère ne se lassait pas d’user les vinyles. Le père allait se délecter parfois à la salle Pleyel, à deux pas du travail. Leur fille Fettouma est devenue violoncelliste. Et sa jumelle, Zahia, a enjambé les obstacles comme personne pour devenir un des rares femmes chef d’orchestre au monde.
Zahia commence à 8 ans le conservatoire. À 13 ans, elle le sait : elle sera chef d’orchestre. Même pas majeure, le chef d’orchestre roumain Sergiu Celibidache la prend sous son aile. Pas envie d’atteindre des décennies pour être reconnue dans une profession réputée macho. Quelques années plus tard, malgré son sexe et son jeune âge, Zahia Ziouani a le toupet de créer son propre orchestre, le Divertimento, composé d’anciens étudiants et amis, 80 au total. La baguette bien tenue, Zahia trône fièrement devant des orchestres aux quatre coins du monde. En 2007, la franco-algérienne est appelée pour diriger l’Orchestre national symphonique d’Algérie, à 31 ans. Consécration.
Mais Zahia manie également sa baguette devant les jeunes élèves du conservatoire de Stains dans le 93, qu’elle dirige. Inviter la musique classique entre les barres HLM du 93 comme un langage universel. En rêvant probablement de faire des émules.
Avec Divertimento, son orchestre de 70 musiciens, Zahia joue aussi bien dans les salles les plus prestigieuses (ici le Théâtre du Gymnase à Marseille) que dans les quartiers qui n’ont pas accès à la culture.
Photo Jean-François RobertZahia Ziouani
Chaque jour, Zahia, directrice de l’École municipale de musique et de danse de Stains, embarque les jeunes de 5 à 17 ans qui ne jurent que par le rap dans l’univers de la musique classique.
Photo Jean-François RobertZahia Ziouani
À Pantin, au pied des barres HLM, Divertimento a proposé pour la fête de la ville un concert de musiques de films, de Star Warsà Harry Potter, plus attractives pour la jeunesse.
Photo Jean-François RobertZahia Ziouani
Investie du matin au soir, Zahia a baissé les tarifs pour accueillir les plus défavorisés. En trois ans, elle a doublé le nombre d’inscrits, et la moitié des élèves viennent des quartiers sensibles.
Clara Gaymard est la nouvelle présidente du Women's Forum.
Photo Charles Platiau / Reuters
La présidente de General Electric France succède à Véronique Morali pour mener le grand rassemblement des femmes d'influence du monde entier qui se tient chaque année à Deauville.
Ce sera Clara Gaymard, 54 ans, présidente et PDG de General Electric France, vice-présidente de General Electric International, qui tiendra désormais les rennes du Women's Forum de Deauville. « Je remercie chaleureusement Publicis Groupe (actionnaire du Women's Forum, NDLR) pour sa confiance. J'espère continuer sur la lancée du travail déjà fait et faire du Women’s Forum le lieu où l'avenir se construit et s'imagine grâce au regard, à la volonté et à l'action des femmes », a déclaré celle qui succède à Véronique Morali. Un modèle parfait d'inspiration pour les femmes d'ambition, mères actives et entrepreneuses. Tour d'horizon de son curriculum vitae.
Études
Clara Gaymard est née en 1960 à Paris. Elle trace sa route dans les meilleures écoles : Sciences Po Paris puis l'ENA dont elle sort diplômée en 1986.
Pedigree
Elle cumule les postes dans la haute fonction publique, tour à tour directrice du cabinet de la ministre de la Solidarité entre les générations en 1995, présidente de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII). En 2006, elle intègre General Electric, gagne la présidence de la région Europe du Nord-Ouest deux ans plus tard, grimpe les échelons avant d'être nommée en 2010 vice-présidente de General Electric International. Elle a notamment mené de front le rachat de la branche énergie d'Alstom par GE, aussi convointée par l'allemand Siemens.
Famille
Clara Gaymard est la fille de Jérôme Lejeune, généticien à l'origine de la découverte du gène de la trisomie 21 et militant anti-avortement. Elle est mère de neuf enfants aux prénoms surprenants : Philothée, Bérénice, Thaïs, Marie-Lou, Amédée, Eulalie, Faustine, Jérôme-Aristide et Angélico. « Quand j'ai connu mon mari, on se disait, trois, peut-être quatre, comme une folie ! Et puis l'appétit est venu en mangeant », expliquait-elle en 2010 au site Trucs de Nana. Son époux depuis 1986, Hervé Gaymard, est un ancien ministre de l'Économie, du gouvernement Raffarin III, actuellement président du conseil général de Savoie et député UMP.
Bonus
Elle est un des membres fondateurs de la Fondation Jérôme-Lejeune pour la recherche sur les maladies génétiques de l'intelligence, membre de la Commission Trilatérale et présidente de l'American Chamber of Commerce in France (AmCham France). Rien que ça.
Clara Gaymard a publié trois livres sous son nom de jeune fille, Clara Lejeune : La vie est un bonheur, Jérôme Lejeune, mon père (Éd. Critérion) en hommage à son père, Histoires de femme autres simples bonheurs (Éd. Lattès), S'il suffisait d'aimer, (Éd. Fayard).
À 46 ans, il est le pionnier du E-commerce dans le domaine du luxe.
Photo Gaëtan Bernard
Inconnu du grand public, ce quadra est l’un des hommes les plus puissants de la mode. YOOX, qu’il a fondé en 2000, reçoit une commande toutes les dix secondes. Rencontre avec un visionnaire qui a su faire converger le monde du luxe et le shopping online.
Pull gris (Brunello Cucinelli) sur costume gris (Maison Martin Margiela). Un look à l’image de l’homme : discret mais efficace. Comment imaginer que derrière cette silhouette minimaliste, un brin austère, se cache l’un des digital génies de ce siècle ? Peu connu du grand public, Federico Marchetti est pourtant au e-commerce du luxe ce qu’Anna Wintour est à la mode : une sorte de dieu ! Cet Italien de 46 ans est le créateur de Yoox Group, une entreprise comprenant les sites Yoox.com, Thecorner.com et Shoescribe.com.
Il nous accueille aujourd’hui dans ses bureaux de Milan, au cœur du quartier de Naviglio. Dans les couloirs (plus blancs que blancs), on croise des trentenaires à talons, des œuvres d’art contemporain et des vélos électriques. Bienvenue dans un univers clairement 2.0. Au mur, un écran affiche : « 14 415 705 orders since 2000. » Soit le nombre de commandes passées sur l’ensemble des sites appartenant à Yoox Group depuis sa création. En 2013, la compagnie a livré 2,8 millions de commandes dans plus de cent pays. Depuis début 2014, une commande est passée toutes les dix secondes. Vertigineux. Si, au début, Yoox.com proposait des fins de saison mode à prix cassés, l’offre s’est depuis étendue aux collections actuelles des grands noms du luxe, mais aussi au design et à l’art.
Un succès phénoménal qui n’entame en rien la modestie de ce grand patron…« Le magazine The New Yorker me surnomme “le geek du chic”. Je n’ai pourtant rien d’un geek », s’amuse notre Italien. En revanche, il a de la suite dans les idées. « J’ai toujours su que je deviendrais un jour mon propre boss, raconte-t-il. Gamin déjà, j’avais des envies plein la tête. Mais entre avoir des idées et les concrétiser, il y a un monde. » À 17 ans, Federico envisage ses études comme un parcours initiatique vers une quête ultime : celle de se lancer en solo. « J’étais déjà très stratégique », avoue-t-il volontiers. À la fin du lycée, il quitte Ravenne, sa ville natale, pour étudier l’économie à Milan. Une fois diplômé de l’université Bocconi, il entre chez Lehman Brothers : « Je devais encore apprendre, et je savais pertinemment que la banque serait la meilleure des écoles. » Trois ans plus tard, il démissionne et s’envole pour New York, préparer un master à Columbia. « Les meilleures années de ma vie ! s’exclame-t-il. Je vivais en colocation avec deux autres Italiens dans un appartement de SoHo. J’étais chargé de préparer le risotto… » L’effervescence de New York, les rencontres « connectées » qu’il y fait lui permettent de se familiariser avec Internet et d’en comprendre rapidement l’énorme potentiel.
Au bout de deux ans, il quitte New York, son MBA en poche. Il revient à Milan et accepte un poste de consultant chez Bean & Consulting. « Une catastrophe ! Tous les matins, j’étais triste d’aller travailler, et j’ai compris : j’étais enfin prêt à me lancer ! » Federico rédige alors le business plan de Yoox.com. « Mon idée était très précise : à l’époque, en 1999, il y avait la mode d’un côté et Internet de l’autre. Ces deux mondes vivaient en parallèle sans jamais se rencontrer. Je voulais être le point de convergence, la passerelle qui les réunirait. » Le business plan achevé, Federico se met en quête d’investisseurs… en consultant les pages jaunes. Le businessman Elserino Piol mord finalement à l’hameçon. « Le 21 mars 2000, Yoox.com voyait le jour, se souvient Federico, mais le plus dur restait à faire : convaincre les marques de luxe de me suivre. » Diesel et Armani sont les premiers. Petit à petit, les autres ont suivi. « Et je leur dis chapeau ! s’exclame Federico. J’étais un total outsider, je ne connaissais rien à la mode et ils m’ont fait confiance. » La botte secrète de l’Italien ? Son assurance. « J’y croyais dur comme fer, explique-t-il. Je leur ai vendu mon rêve. »
Visionnaire, Federico Marchetti ? Toujours est-il que quinze ans plus tard, rares sont les marques de luxe qui ne cèdent pas à l’appel du Net, que ce soit via un multimarque comme Yoox.com ou en leur nom propre. Prendre en main l’e-commerce des marques est d’ailleurs devenu l’une des spécialités de Yoox Group. « Balenciaga, Bottega Veneta,Armani, Jil Sander, Moncler, Lanvin… Aujourd’hui, nous assurons le commerce en ligne de 75 marques en nom propre », explique Federico. Les maisons de luxe viennent bien sûr chercher l’expertise du groupe, mais aussi toute son infrastructure. Yoox Group compte 800 salariés et possède 400 000 mètres carrés d’entrepôts entièrement robotisés à Bologne. Transitent là-bas en permanence 3,5 millions de pièces griffées… sans doute le plus grand dressing au monde.
en 2009, le groupe fait son entrée à la Bourse de Milan, puis en 2011, Federico reçoit le prestigieux Leonardo Award for innovation. Est-il un homme heureux pour autant ? « Les entrepreneurs ne sont-ils pas tous d’éternels insatisfaits ? Il faut croire que je n’échappe pas à la règle », lâche-t-il en souriant. Et le fin stratège de reprendre : « Yoox est ma créature. Elle est certes de bonne taille, mais je sais que je peux encore la faire grandir. Lorsque j’ai rédigé le business plan, j’ai écrit un début, un milieu et une fin. Je suis au milieu de l’histoire. Je me donne vingt ans pour écrire les derniers chapitres. Je sais que je peux encore innover et surprendre ! » Il marque une pause. « Lorsque j’apposerai le point final, alors, je pourrai me retirer et couler des jours heureux en famille, à pêcher sur le lac de Côme. »
Anne Hidalgo, première femme élue Maire de Paris. Ici, le jour de son élection le 5 avril.
Photo Philippe Wojazer / Reuters
Ministre, PDG, commissaire… Elles ont brigué des postes réservés jusque-là aux hommes. Tour d’horizon des pionnières qui ont fait l’année écoulée.
En images
Le gang des premières 2014
Mariam al-Mansouri. Première pilote d’avion de combat aux Émirats arabes unis. En septembre, elle participait aux premières frappes aériennes menées par Washington et ses alliés contre les jihadistes de l'État islamique en Syrie. La jeune femme a dit « s’être lancée des défis à elle-même pour améliorer ses compétences » et s’imposer face à ses collègues masculins. Plusieurs tweets ont rendu hommage à son engagement et salué le rôle croissant que jouent les femmes aux Émirats. (25 septembre, Abou Dabi).
Photo Balkis Press / AbacaLe gang des premières 2014
Amélie Mauresmo. Première entraîneuse d’un joueur de tennis de classe mondiale. Le Britannique Andy Murray numéro 6 mondial en simple, a choisi l’ancienne championne en indiquant sur son site Internet en juin : « Je suis exalté par les possibilités offertes par ce partenariat.[…] Amélie est quelqu’un que j’ai toujours admiré ». (27 août, New York).
Photo Alex Trautwig / Getty ImagesLe gang des premières 2014
Mary Barra. Première directrice générale d’un groupe automobile américain. Le 15 janvier, elle prend les rênes de General Motors, deuxième constructeur automobile mondial. À 51 ans, dont 33 passés chez le géant de Détroit, elle devient l’une des femmes les plus puissantes des milieux économiques de la planète selon Fortune. (15 avril, New York).
Photo Dennis Van Tine / AbacaLe gang des premières 2014
Janet Yellen. Première présidente de la banque centrale américaine (FED). Économiste reconnue, elle prend ses fonctions le 31 janvier et succède à Ben Bernanke, devenant, selon le classement de Forbes, la seconde femme la plus influente au monde. (13 novembre, Washington).
La reine du divorce à Hollywood, lors du divorce de Britney Spears et kevin Federline (L.A, 14/08/2007).
Photo Wenn/Sipa
Derrière cette silhouette de fashionista se cache la diva du divorce de stars. Sa spécialité ? Les divorces à plusieurs millions de dollars. Kim Kardashian ou Angelina Jolie ne s’y sont pas trompées… Portrait d’une guerrière des prétoires aux allures de vedette.
Son surnom ? « The Disso Queen », selon le Los Angeles Times, le Vanity Fair ou le Huffington Post. Ses escarpins Louboutin et son dressing peuplé de robes Isabel Marant, Azzedine Alaïa et Lanvin n’y sont pour rien. Le vrai talent de Laura Wasser est ailleurs. Cette avocate de 46 ans, spécialisée en droit de la famille, est devenue experte en « dissolution » de mariage. Autrement dit, la Californienne pure souche a fait du divorce sa spécialité. Comme elle exerce sur les collines de Hollywood, on imagine aisément que son portefeuille de clients est majoritairement composé d’acteurs, chanteurs et autres artistes cathodiques en tout genre. À la question « Quelles célébrités avez-vous représentées ? », la quadra répond aussitôt : « Jetez un coup d’œil sur ma page Wikipédia, elles y sont toutes répertoriées. » Et, guess what ?… la liste est longue.
L’affaire Kim-Kris
Mariah Carey, Christina Aguilera, Kiefer Sutherland, Heidi Klum, Britney Spears, Angelina Jolie… figurent parmi celles et ceux qui ont payé les services de Laura Wasser (on parle tout de même de 600 dollars de l’heure). Et s’il ne s’agissait là que de la partie émergée de l’iceberg ? « Sur mes clients, je préfère rester discrète. » Reste qu’en février 2013 miss Wasser fait la une des tabloïds du monde entier, fittée dans une robe Stella McCartney et perchée sur des talons Manolo Blahnik, tenant par la main Kim Kardashian dans les rues de L.A. Laura est en effet l’élue, celle qui a l’immense privilège de défendre les intérêts de Queen Kim face à Kris Humphries, joueur professionnel de basket-ball et futur ex-mari de cette dernière. L’affaire fait du bruit : enceinte de Kanye West, la star de la télé-réalité veut accélérer la procédure de divorce. Une démarche délicate, obtenue par Laura à coups de négociations musclées.
En images
Laura Wasser, la diva du divorce
Angelina Jolie et Billy Bob Thornton, un couple très controversé qui fut marié de 2000 à 2003.
Photo Angela HubbardLaura Wasser, la diva du divorce
Kim Kardashian et Kries Humpries divorcent après une relation éclair de 72 jours.
Photo AbacaLaura Wasser, la diva du divorce
Antonio Banderas et Melanie Griffith, dont le divorce fut prononcé en juin 2014, après six-huit ans de mariage.
Photo Getty imageLaura Wasser, la diva du divorce
Heidi Klum et Seal divorcent officiellement en octobre 2014. Après sept ans de mariage.
En vingt ans de carrière, miss Wasser peut encore se targuer d’avoir fait trembler Antonio Banderas lorsqu’elle défendait les droits de Melanie Griffith ; d’avoir donné du fil à retordre à Arnold Schwarzenegger quand, en juillet 2011, le gouverneur de la Californie concéda avoir entretenu une relation extraconjugale avec son employée de maison, Mildred Baena, et avoir eu avec celle-ci un fils illégitime alors âgé de 15 ans. Pour Maria Shriver, la femme trompée, the Disso Queen aurait obtenu 150 millions de dollars… Une somme rondelette. Rien, pourtant, face aux 300 millions de dollars obtenus pour Robyn Moore lorsqu’elle a divorcé de l’acteur Mel Gibson, père de ses sept enfants…
Laura Wasser, diplômée de Berkeley et de l’école de droit de Loyola, ne se laisse jamais attendrir : « Je ne perds jamais de vue qu’un divorce est avant tout un acte juridique, avec des transactions financières. » Son père et son mentor, Dennis Wasser, est l’un des avocats les plus réputés de L.A. Fondateur du célèbre cabinet Wasser, Cooperman & Carter, il a notamment réglé les divorces de Clint Eastwood et de Jane Fonda. C’est confrontée à son propre divorce à 25 ans (en 1993) que Laura décide de se spécialiser. Est-elle mariée aujourd’hui ? « Je ne crois pas en cette institution… J’ai deux merveilleux enfants de deux pères différents. Tout se passe bien, car nous partageons un amour commun pour nos enfants et un respect mutuel. » Celle qui habite West Hollywood, au-dessus de Sunset Strip, attaque toujours ses journées par une séance de Pilates avant d’enchaîner les rendez-vous, joue régulièrement les consultantes pour les films où il est question de droit de la famille, comme Liar Liar et Divorce Corp.
À l’instar d’Amal Alamuddin, Laura Wasser fait partie de ces avocates qui ne transigent pas sur le style. « J’aime la mode, pourquoi m’en cacher ? Quant à ma collection de talons hauts… il faut croire que je suis atteinte du syndrome de Napoléon. Je ne mesure qu’un mètre soixante-deux ! » Sur sa serviette en cuir, on peut lire les initiales L.A.W. (« loi » en anglais), pour Laura Allison Wasser. Si ce n’est pas du storytelling, ça…
Les 5 pilliers d'un divorce réussi
En octobre 2013, Laura Wasser publiait aux éditions St Martin’s Press It Doesn’t Have to Be That Way : How to Divorce Without Destroying Your Family or Bankrupting Yourself. Un recueil de conseils pour réussir son divorce sans détruire sa famille ou finir sur la paille. Morceaux choisis :
Restez zen et élégant(e) « Je rappelle à mes clients qu’un jour ils se sont aimés. Cela les aide à rester élégants pendant les négociations financières. »
L’avocat n’est pas votre psy « Il est très important d’être soutenu lors d’un divorce. Mais trop de clients confondent avocat et psychologue – quelle erreur ! Je leur rappelle souvent qu’un avocat prend d’ailleurs bien plus cher de l’heure qu’un psychologue… »
L’intérêt des enfants d’abord « Beaucoup de couples prétendent que les enfants sont leur grande priorité… puis perdent de vue cette priorité pendant la procédure. Pourtant, garder cela en tête est l’une des clés d’un divorce réussi. »
Ne vous arrêtez pas de vivre « Il faut vivre, sortir, rire… Ne laissez pas votre divorce prendre le contrôle de votre vie. »
La loi, pas l’émoi « Le divorce est un acte juridique. L’émotion, la peur, la souffrance, la colère ne doivent pas interférer dans vos discussions et vos négociations. »
Maxime Gaget, auteur de Ma compagne. Mon bourreau, raconte ses mois de calvaire en tant qu'homme battu par sa compagne.
Photo Ed. Michalon
Maxime a vécu comme un esclave, séquestré, dépossédé, torturé et humilié par sa compagne pendant plus d'un an. Aujourd'hui, il raconte son calvaire dans un livre pour briser le tabou des hommes battus. Rencontre.
Il ne prononce pas une seule fois son prénom. Les mots « bourreau », « tortionnaire », « adversaire » ont remplacé le nom de celle qui l'a torturé pendant près d'un an. Dans le livre qui raconte son histoire, paru jeudi 12 février en librairie, Maxime, aujourd'hui âgé de 37 ans, l'a rebaptisée Nadia.
Il la rencontre en 2007, sur Internet, à l'aube de ses trente ans. Vingt-neuf ans, célibataire, une déception amoureuse au compteur. Maxime est un garçon gentil, stable, sérieux, assez « discipliné », veut construire sa vie. Lors de leur première rencontre, Maxime est surpris. Nadia, un peu vulgaire, a des manières grossières et parle un peu comme un charretier. « Mike Tyson avec une perruque », plaisante-t-il. Malgré tout, il y a cette attirance, inexplicable, magnétique. Après tout, « l'habit ne fait pas le moine ». La première nuit avec Nadia est sa première nuit d'amour. « Je n'oublierai jamais son sourire quand je le lui ai dit, se souvient-il. C'est un souvenir que je garde, malgré tout le mal qui a suivi. » Très vite, tout s'accélère, Maxime reçoit son diplôme d'informaticien avec les félicitations du jury. Nadia le presse de venir vivre avec elle et ses deux enfants à Paris. Il saute le pas. Trouve un travail et emménage dans cette grande pièce de 30 mètres carrés qui fait office de salon et de dortoir pour tout le monde. Le premier soir de son arrivée, alors qu'ils viennent de se coucher, Nadia lui saute dessus. Les enfants sont juste à côté. Premier choc. « Ma stupeur était telle que mon corps est resté figé. »
Plus de papiers, plus de carte bancaire, plus d'identité
Son corps commence à ne plus lui appartenir. Tout comme ses moyens. Rapidement, Maxime subvient aux besoins de la famille. Nadia, consommatrice compulsive, irréfléchie, paye tout avec sa carte bancaire, à lui. S'il la lui redemande, elle lui lance : « Qu'est-ce que tu veux faire ? » Elle lui prend sa carte d'identité, s'accapare son ordinateur portable pour occuper ses journées de chômeuse au RSA. « L'agresseur a suivi les mêmes étapes que dans les cas de femmes battues : séduction, chantage, possession des moyens et isolement social », détaille-t-il.
31 décembre 2007. Après quelques verres et joints, Nadia s'énerve. Se rue sur Maxime, enchaîne les claques et met sa chemise en lambeaux. Maxime ne frappe pas les femmes, il reste stoïque. Les enfants assistent à la scène. Consternation. « Dans tous les couples, il y a des hauts et des bas. Je me suis dit que c'était une erreur de parcours. Mais le miracle ne s'est jamais produit. » Elle recommence dès le 13 janvier. Un mois plus tard, Nadia explose : elle n'a pas eu le bijou qu'elle souhaitait pour la Saint-Valentin. Sans aucune illusion, Maxime comprend deux choses : « c'est terminé » et « je suis coincé ».
Nadia coupe les liens qui unissent Maxime au monde extérieur. Il ne peut appeler ses parents que pour demander de l'argent. Nadia pirate sa boîte mail, envoie des messages d'insultes à ses amis, à sa famille, détruit son téléphone portable.
Douche gelée, couteau et acide chlorhydrique
La déshumanisation de Maxime commence. Nadia casse ses lunettes, lui ordonne d'emmener et de récupérer les enfants à l'école. Pour déjeuner, elle ne lui donne que quatre euros. Les retards, les absences et sa mauvaise vue lui coûtent son emploi. Maxime est livré à temps plein à la perversité de son bourreau. Après s'être occupé des enfants, du ménage, des courses, Maxime est assigné à dormir sur un tapis de sol avec un blouson pour couverture. Il est privé de douche et de toilettes. Un soir d'hiver, Nadia lui fait prendre une douche glaciale, fenêtre ouverte. « Comme des centaines d'aiguilles ». Quelques jours plus tard, pour « se rattraper », il a le choix entre une autre douche gelée ou une brûlure. Il tend docilement son avant-bras, sur lequel elle pose un couteau chauffé sur la plaque électrique et qui lui décolle la peau. Un autre jour, elle le frappe avec un manche à balai, lui assène plusieurs coups, fait du trampoline sur son ventre. C'est d'abord le goulot d'une bouteille d'acide chlorhydrique qui se retrouve plaqué sur ses lèvres, puis un couteau de 20 cm sous la gorge. Les enfants, témoins permanents, supplient leur mère, qui lâche prise.
Pourquoi Maxime, qui rêve de s'échapper, ne part-il pas ? Aucun enfant, aucun mariage, aucun amour ne le lie à Nadia. Il suffirait qu'il déclare avoir perdu ses papiers d'identité et sa carte bancaire, appelle ses parents pour qu'ils viennent l'aider. Nous sommes en 2015, en France, pays de la liberté. Un homme pourrait donc être l'esclave d'un autre, en plein Paris, dans l'invisibilité la plus totale, sans issue possible ? L'idée est aussi inconcevable que l'histoire insoutenable. Pourtant, Maxime reste. Tétanisé par la peur. Il est cerné de toutes parts. Tout d'abord, il y a les enfants. « Les coups auraient pu se reporter sur eux, je me devais de faire le tampon. » Il s'en souvient : Nadia n'a battu ses enfants qu'une fois. « Sa fille a perdu la vue pendant vingt minutes. J'ai dû nettoyer le sang par terre. » S'il part, elle l'accusera de pédophilie sur ses enfants. S'il parle, aux voisins, à la police, personne ne l'écoutera. « Mon adversaire m'avait dit qu'elle avait des relations dans la police et qu'elle connaissait des personnes dans les environs qui pouvaient m'épier et me surveiller à tout moment. »
Comme un esclave
Et puis il y a la honte, pesante, inavouable. Celle d'être un homme battu, de ne pas savoir comment réagir. « Si une femme battue se défend, elle va susciter l'empathie. Si j'avais touché Nadia, je serais passé pour un monstre. Ça aurait été sa parole contre la mienne. » En janvier 2009, Maxime débarque à l'hôpital avec le visage défiguré et la nuque ensanglantée. Il est opéré et connaît quatre jours de répit. Il essaie d'éveiller les soupçons de l'infirmière, mais rien. « Je ne pouvais le formuler, l'évoquer, c'était trop difficile. Mon adversaire avait implanté trop de verrous dans mon esprit. » Alors, en sortant de l'hôpital, Maxime retourne dans l'antre de Nadia. Comme un esclave.
Durant sa captivité, Maxime connaît de brefs moments de lumière. La mère de Nadia, qui habite le même immeuble, lui apporte des boîtes de conserve pour qu'il puisse mieux manger. Les enfants, après avoir participé aux maltraitances, se rangent de son côté. Quelques livres lui offrent des espaces d'évasion. Il se rappelle avoir lu Les Femmes savantes de Molière, les mémoires du maréchal soviétique Gueorgui Joukov, le vainqueur de la bataille de Stalingrad - « une histoire compliquée mais instructive ». Pendant tout ce temps, Maxime se croit seul. Il n'imagine même pas qu'il puisse y avoir d'autres hommes battus. « Mon isolement était complet. » Maxime vit dans sa tête, ne peut parler à personne. Quelques fois, Nadia convie un autre homme à dîner. Maxime est présenté comme cet « ami de la famille qui est en difficulté » et qu'elle aide gracieusement. « Aucun ne s'est posé la moindre question à mon sujet. » Même lorsqu'il est congédié et envoyé dans le local d'à peine deux mètres carrés pour les laisser tranquilles après le repas. Avant de ressortir le lendemain matin pour aller chercher les croissants.
Les voisins restent silencieux, les commerçants ne posent pas de questions. Au bout d'un an, Maxime ne sait même plus qui il est. « Je me rappelais mon nom, mon prénom, ma date de naissance. Mais après... Un zombie aurait été plus vivant. Les dernières semaines, je pensais de plus en plus au suicide, la suite n'avait plus d'importance. À quelques semaines près, c'était fini. »
La libération viendra, paradoxalement, de la famille de son « bourreau ». Après une énième bastonnade, les jumeaux de Nadia préviennent Maxime : « Notre oncle veut te prendre en photo, il l'enverra à ta famille. » Le lendemain, Maxime part faire les courses quotidiennes. Une fois dehors, il se retourne : son beau-frère le photographie, puis remonte rapidement chez lui. La famille de Maxime ne verra jamais cette photo. L'oncle les a appelés directement. Ses proches forment aussitôt un commando d'expédition pour aller le chercher à Paris, avec l'aide de la police. Le lendemain matin, deux agents débarquent à l'appartement. Nadia déclare qu'il n'y a personne. La pression monte. Elle demande à Maxime s'il portera plainte si elle le relâche. « Tu n'as rien à craindre », ruse-t-il. Nadia dévale les marches « quatre à quatre », rattrape les policiers dans la rue. « Eh ! Regardez, il est là ! »
"Elle m'a rendu en puzzle"
Ma compagne. Mon bourreau, de Maxime Gaget, éd. Michalon. 224 p., 17 €.
Illustration éditions Michalon
Maxime rentre avec sa famille à Angoulême en mars 2009. Direction l'hôpital. « Elle m'a rendu en puzzle, dans ma tête et dans mon corps. » Maxime passe huit fois sur le billard. Son nez est refait à 100 %, comme son oreille. Son œil droit ne se rouvre qu'au bout de quatre jours ; on remarque alors que sa rétine est décollée. Certaines marques ne sont pas parties, même six ans après. Entre ses sourcils, trois cicatrices forment un triangle. « Ça, c'est l'embout de la bouteille de javel qu'elle m'avait collé entre les yeux. Un peu de liquide est sorti, ça a mal cicatrisé. » Une infirmière de vingt ans de métier lui lance qu'il est « le deuxième cas le plus grave qu'il m'ait été donné de voir ».
Maxime ouvre les yeux. Il n'est pas seul. « Au moment même où nous parlons, des hommes se font martyriser, rabaisser plus bas que terre. Environ un homme meurt tous les treize jours sous les coups de sa compagne », assure-t-il, évoquant les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Maxime porte plainte contre Nadia dès le lendemain de sa libération. Pour la première fois, il met des mots sur son histoire, face à deux agents de police consternés. « C'est trop gros pour nous. » Ils appellent en renfort huit autres policiers, un médecin légiste. « Là, ce n'est plus la même chanson. » Pendant sa convalescence, Maxime mène son enquête. « Il y avait des livres de psychologues sur le sujet des hommes battus et seulement quelques témoignages anonymes... Il fallait crever l'abcès, montrer que ce n'était pas un phénomène marginal mais bien un tabou. »
Cinq ans et demi plus tard, Maxime a fini son livre autobiographique. Il l'a écrit seul, pour que rien ne soit déformé, comme pour s'emparer totalement de son histoire, sans aucune influence extérieure. Ma compagne. Mon bourreau sort le 12 février, huit ans jour pour jour après son licenciement. Comme si la vie se remettait enfin sur les rails. Depuis six ans, il ne travaille pas et vit chez ses parents. A eu deux histoires d'amour, qui se sont soldées par un échec. Mais « je n'ai rien abandonné de mes espoirs. L'avenir, je le vois très simplement : à deux », confie-t-il, tout sourire. Il a revu quelques fois Nadia, lors de confrontations devant le juge. Elle a perdu la garde des enfants après son dépôt de plainte. Le jugement est attendu en avril.
Maxime est prêt, il sait ce qu'il va entendre : ce n'est pas un « vrai homme », « un vrai homme se serait défendu ». Or lui ne se sent pas « moins homme » mais « plus complet ». « J'ai une vision de la masculinité différente. Un homme, ce n'est pas un ensemble compact truffé de testostérone. C'est un être humain, qui peut commettre des erreurs, avoir des faiblesses, des craintes, des doutes. Au même titre qu'une femme. »
Ma compagne. Mon bourreau, de Maxime Gaget, éd. Michalon, 17 euros.
Elles luttent contre le terrorisme, infiltrent des pays hostiles, participent au maintien de la paix, jonglent entre enfants, amis et double vie. À Paris, pour la première fois, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure a accepté qu’une journaliste rencontre ses femmes de l’ombre, classées top secrètes.
Anne affiche la moue de la mère qui culpabilise. « Cette semaine, j’ai oublié trois fois le goûter de ma fille », soupire-t-elle. Ces derniers jours, cette grande brune, regard métallique et corps athlétique moulé dans une veste de cuir noir, dort quasiment au bureau tant la tension grimpe d’heure en heure. Mais cette quadra au look de businesswoman n’a pas les yeux rivés sur des colonnes de chiffres. Non, ingénieur passée par l’ENA, elle est l’adjointe d’un service de renseignement technique à la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) - l’équivalent de la CIA. Soit une équipe de 370 personnes chargées, au moment des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher début janvier, d’intercepter les communications, les e-mails et les SMS des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly. « On a neutralisé les tueurs, explique-t-elle. Mais il reste de nombreux terroristes dans la nature. Mon travail a un impact sur la sécurité du pays. Alors, quand je suis au bureau, j’oublie tout. Et ma vie de famille passe souvent au second plan. » Dans l’univers opaque du renseignement, Anne occupe un poste hautement stratégique : celui d’experte en cyber-espionnage.
Espionne ! Le mot affole l’imagination… Mais oubliez les scènes de ménage au fusil-mitrailleur entre Angelina Jolie et Brad Pitt dans Mr. & Mrs. Smith. Exceptionnellement, Madame Figaro a pu pénétrer dans l’enceinte ultra-sécurisée de la DGSE, hérissée de herses et de barbelés, située boulevard Mortier, à Paris. Quelques jours après les attentats du 7 janvier, le plus puissant service du renseignement français - 6 000 personnes, 600 millions d’euros de budget annuel - nous a ouvert ses portes pour rencontrer des agents secrets au féminin. D’emblée, déminons tout fantasme. Avec leurs silhouettes classiques chics, elles évoquent plus Carrie Mathison, l’héroïne de la série Homeland qui poursuit des terroristes au Pakistan, que des James Bond girls avec un revolver caché dans le porte-jarretelles. « Aux antipodes des “Hirondelles”, ces espionnes qui couchaient avec l’ennemi pour obtenir des informations sur l’oreiller, les professionnelles des services secrets se sont imposées pendant la Seconde Guerre mondiale pour leur expertise et leur détermination », rappelle l’historien Bruno Fuligni. Depuis les années 1990, avec la démilitarisation de la DGSE, leur nombre a triplé, pour atteindre 26 % en 2013. « Elles occupent désormais les mêmes postes que les hommes », souligne Philippe Hayez, enseignant à Sciences Po Paris.
Leur vie est un roman
Installées dans les fauteuils clubs d’un salon à l’atmosphère virile et surannée, orné de statuettes africaines et de bouteilles de whisky de 16 ans d’âge, qui ne déparerait pas dans un roman de John le Carré, quinze femmes de l’ombre, d’ordinaire sans nom et sans visage, aux prénoms modifiés pour raisons de sécurité, nous ont dévoilé un pan de leur vie. Des femmes parfois taiseuses, souvent affables, engagées dans des luttes de pouvoir complexes à l’échelle planétaire et qui, de retour chez elles le soir, redeviennent des mères et des épouses. Des femmes ultra-diplômées (ENA, X, Saint-Cyr, Sciences Po…), aux nerfs d’acier, qui jonglent entre des missions clandestines à hauts risques et les parties de Scrabble avec leurs enfants.
Comment devient-on agent secret ? « À 24 ans, j’ai répondu à une annonce sibylline : “Grande institution cherche des experts en relations internationales”, confie Lise, 47 ans, chef de secteur à la Direction du renseignement. Moi qui n’ai jamais ouvert un roman d’espionnage, j’ai été recrutée à la DGSE sans le savoir ! » Aujourd’hui, on y entre par concours. Une formation leur enseigne le b.a.-ba de l’espionnage à travers un éventail de 500 stages cousus main : déjouer une filature avec le désilhouettage, self-défense et apprentissage du tir, maîtriser le double, voire le triple langage, utiliser les leviers de la manipulation psychologique… « On s’entraîne à convaincre un inconnu dans un café de nous donner son portable en un temps record, raconte Lise. Les instructeurs testent notre faculté de persuasion. Ils nous poussent à l’indiscrétion, et donc à transgresser notre éducation. » Léonie, 41 ans, lieutenant-colonel en charge de l’immigration clandestine, s’est découvert un talent d’actrice. « L’homme que je suivais en filature s’est engouffré dans un hôtel. J’ai alors joué auprès du réceptionniste la femme éplorée qui cherchait son mari volage, et ça a marché ! »
Dès le départ, le culte du secret s’impose : interdiction de divulguer les noms des collègues, de parler de ses dossiers à l’extérieur et éviter d’évoquer son employeur. « Quand on décroche un job d’espionne, c’est frustrant de ne pas pouvoir en parler à ses amis, reconnaît Lise. Mais au fil du temps, on s’y fait. » La stratégie ? Dévaloriser son job pour créer une sensation d’ennui chez un interlocuteur trop curieux. « Mes amis me croyaient fonctionnaire, raconte Corinne, 50 ans, adjointe du chef de service pour les liaisons internationales. Mais un soir de réveillon, mon téléphone a sonné plus de dix fois ! J’ai dû trouver une parade. »
Le poids du secret
Illustration Mick Brownfield
C’est au sein du couple que le poids du secret pèse le plus. Si les conjoints savent qu’elles se rendent tous les matins à la DGSE, impossible pour elles de partager les peines et les joies professionnelles. « Avec mon mari, je m’oblige à trouver d’autres sujets de conversation que le travail, souligne Jeanne, 48 ans, responsable d’un service à la Direction du renseignement. On partage une passion commune pour la photo. Cette contrainte rend le couple plus créatif. »
Comment tout garder pour soi lorsqu’on est confronté comme Corinne, qui couvre le secteur Afrique, à une violence sans filtre au bureau, à des images insoutenables de génocides et de rébellions sanglantes ? « Le soir, je vide mon esprit pendant le trajet en voiture, dit-elle. Cloisonner m’aide à ne pas surcharger mon conjoint avec mes soucis professionnels. Pour compenser mon stress, je cours le week-end. » Mais les couples résistent mal et les divorces sont fréquents.
Et les enfants ? Arthur, 11 ans, ne se doute pas que ses parents forment un couple d’agents secrets. « On est Mr. & Mrs. Smith, mais en plus sereins », plaisante Lise. La principale difficulté ? « Quand ils étaient petits, mes enfants ne comprenaient pas pourquoi mon téléphone sonnait à n’importe quelle heure », se souvient Jeanne.
Elles attendent l’adolescence pour dévoiler leur vrai métier. « Je l’ai caché à mon fils pour éviter qu’il n’en parle à la récréation, raconte Clotilde, 49 ans, analyste en contre-terrorisme. Je le lui ai avoué à l’âge de 15 ans. Il m’a répondu, scandalisé : “Tu m’as menti !” Il a fini par comprendre. » Lise se souvient d’un couple d’agents confrontés à une réaction inattendue : « Leurs trois ados ont éclaté de rire ! Ils ne les ont pas crus car leur père bedonnant, n’avait pas le physique d’un James Bond… » Reste que l’inquiétude mine la vie de famille. « J’impose des consignes de sécurité drastiques à mes enfants, explique Lise. Ils ont même interdiction d’ouvrir au pompier qui vend des calendriers ! » L’hypervigilance devient une seconde nature : « Même quand je fais du shopping, par habitude professionnelle, je m’assure de ne pas être suivie en vérifiant mon reflet dans les vitrines, poursuit Lise. J’ai besoin de contrôler mon environnement. » Au restaurant, Anne s’arrange toujours pour n’avoir personne dans son dos. « Mes copains, qui me croient au Quai d’Orsay, me traitent de parano… »
Une identité fictive
Le danger, elles l’affrontent plus âprement lors des missions à l’étranger, à Kaboul, Bamako ou Islamabad. « Mais impossible d’y aller en famille quand il n’y a pas d’école et qu’il faut circuler en voiture blindée, souligne Véronique, chargée de la “mobilité des carrières” à la DRH. On envoie plutôt des “célibataires géographiques”. » La DGSE compte environ 400 à 500 agents déployés sur la planète, géolocalisés par GPS. Officier traitant, c’est le cœur du métier, celui où l’on se crée une identité fictive. « Pendant une semaine, je me suis créé une “légende” de créatrice de bijoux pour sortir des cailloux d’un pays d’Asie suspecté de fabriquer des armes chimiques, se souvient Nathalie, 50 ans, lieutenant-colonel. Une autre fois, je me suis glissée dans la peau de présidente d’une ONG fictive pour infiltrer un groupuscule de mercenaires des Balkans. »
Illustration Mick Brownfield
Certaines vivent des années sous couverture clandestine. C’est le cas de Camille, 40 ans. Pour lutter contre la prolifération d’armes de destruction massive, cet officier traitant clandestin a infiltré des États opaques d’Asie et du Moyen-Orient. « Pendant cinq ans, j’ai été une vraie-fausse technico-commerciale, avec un vrai-faux bureau, des vrais-faux contrats et des collègues qui ne se doutaient de rien, raconte-t-elle. Mais, à la différence de James Bond, je n’improvise pas. Mon métier est méthodique, cartésien, cadré. Même si on a parfois le cœur qui palpite… » Elle « tamponnait » des sources humaines : « Je ciblais des hauts fonctionnaires, hommes d’affaires ou scientifiques, pour obtenir des renseignements “secret défense” liés aux usines d’armement. » Avant d’approcher une source, elle réalise un profiling serré pour tout savoir de ses réseaux, de sa famille et de ses failles. Puis elle utilise les leviers de manipulation : proposer de l’argent, appuyer sur la fibre idéologique, flatter l’ego ou compromettre sa cible. « Quand on sait tout de l’autre, il est facile de créer un effet miroir, explique-t-elle. On utilise les ressorts de l’amitié. » Si la séduction à connotation sexuelle est proscrite, il arrive que des sources tombent amoureuses de leur OT (officier traitant). Camille le reconnaît : « Un jour, face à un Moyen-Oriental qui me proposait de devenir sa deuxième épouse, j’ai dû m’inventer au débotté un fiancé virtuel ! »
Ne reculer devant rien
Un agent clandestin, donc illégal au regard des lois du pays concerné, ne recule devant rien. « Cambrioler des ministères ? On ne le fait pas, mais on le fait faire, explique Corinne. Nos sources dérobent des documents pour nous. » Ce rapport à l’illégalité est l’un des aspects fascinants de leur vie : « Il faut une haute intégrité personnelle pour transgresser la loi au nom d’un intérêt supérieur », remarque un expert. Après ces aventures exaltantes, comment revenir à la vie parisienne ? « Avec plaisir, affirme Camille. En clandestinité, je ne pouvais me confier à personne. À Paris, j’ai cessé de me contrôler. J’avais besoin de parler. J’ai ressenti une vraie jouissance à raconter le “terrain” à mes collègues. »
À Paris, le directeur général de la DGSE, Bernard Bajolet, se félicite de l’implication de ses agents féminins : « C’est un atout. Comme elles sont moins nombreuses, elles en veulent plus. Plus déterminées que les hommes, elles voient des choses qu’ils ne voient pas. Récemment, une cellule opérationnelle pilotée par des femmes ciblait des terroristes dans un pays sensible. J’ai vu chez elles une patience, une obstination, une précision et une pugnacité rares. »
En 2013, trois jeunes analystes ont traqué durant un an et demi le chef des shebabs impliqué dans l’assassinat de Denis Allex, cet agent de la DGSE pris en otage en Somalie. « Elles ont permis la neutralisation de l’un des terroristes les plus recherchés de la planète, abattu peu après par un drone américain au sud de Mogadiscio », affirme le journaliste Éric Pelletier.
Malgré leurs prouesses, elles peinent à forcer les portes du service Action (9 % de femmes) et de la direction générale (10 %) - deux chasses gardées masculines. Cela n’entame pas leur passion pour ce métier. C’est le cas d’Aude, 53 ans, l’une des femmes les plus puissantes de la DGSE : « Travailler dans le renseignement, c’est addictif, dit-elle. Je peux anticiper l’actualité, avoir la possibilité d’agir sur la marche du monde. Même si nous œuvrons dans l’ombre, notre métier offre de puissantes satisfactions. La conscience de servir son pays, de lutter contre le terrorisme, de participer à maintenir la paix, à éradiquer les menaces et à sauver des vies, tout cela l’emporte largement sur le fait de ne pas pouvoir dire à l’apéro : “Vous savez quoi ? Je suis une espionne.” »
Charlotte/Nour, sa double vie d’agent au Moyen-Orient
Illustration Mick Brownfield
Assise au bord du fauteuil avec les mains posées sur ses genoux, on sent que Charlotte, 44 ans, coupe courte et lunettes triangulaires, vit dans le contrôle permanent. Recrutée par la DGSE juste après la vague d’attentats à Paris en 1995, cette parfaite arabisante travaille comme officier clandestin au Moyen-Orient. « Le jour, je participe à des réunions protocolaires à l’ambassade. Le soir, j’enfile un voile et je deviens Nour, une femme arabe des quartiers populaires. » Elle porte sur elle, cousu dans une doublure, un Dictaphone pour capter les conversations. « J’infiltre des groupes djihadistes pour mettre la main sur des listes de noms, des tracts, des communiqués, tout ce qui peut nous renseigner sur leur fonctionnement. Puis j’envoie des messages cryptés à Paris. » Quels leviers de manipulations utilise-t-elle pour recruter ses sources ? « Faire pression – ce qu’on lit dans la littérature “jamesbondienne” –, c’est une fois sur dix. Je préfère créer une relation de confiance. Récemment, j’ai recruté une source en lui proposant de faire soigner son enfant malade en France. » Face aux djihadistes, est-ce un atout ou un frein d’être une femme ? « C’est un atout. Une fois la méfiance levée, certains me considèrent comme leur sœur. Parce que je suis une femme, ils ne me voient pas comme une menace. » Sur le terrain, Charlotte n’a aucun état d’âme : « Je peux devenir amie avec des criminels, des hommes d’affaires véreux ou des voyous, affirme-t-elle. Je ne mets aucun affect dans mon travail. Les renseignements que j’obtiens aident à libérer des otages ou à déjouer des attentats. Pour moi, c’est une fierté. »
Aude, les grandes oreilles de la France
Illustration Mick Brownfield
Elle vous accueille d’un large sourire tout en vous scrutant de ses yeux d’onyx. Chef du service des interceptions de la direction technique de la DGSE, cette quinqua chaleureuse dirige une équipe de 400 personnes. « Avec trente ans de boîte, j’ai des souvenirs inouïs, lance-t-elle. Par exemple, j’ai entendu les premières preuves de vie de Florence Aubenas quand elle était otage à Bagdad, en 2005. J’en frissonne encore. » Elle se souvient aussi d’une mission cocasse : « Je devais intercepter les communications d’un homme politique dans une chambre d’hôtel à l’étranger. Avec le militaire qui m’assistait dans l’opération, nous avons loué la chambre voisine en nous faisant passer pour un couple. Du coup, impossible de demander deux lits séparés, au risque de griller notre couverture ! J’ai dormi quatre nuits avec un inconnu, dont la femme accouchait au même moment à la maternité ! Moi qui aime bouger dans un lit, je n’ai pas remué un cil. » Ces dernières années, Internet a bouleversé son métier. « Comment pister le chef d’une filière terroriste du Pakistan qui donne ses ordres au Yémen pour agir à Paris ou à Bruxelles ? Le Web nous complexifie la tâche. »
Éric Rochant :“La jouissance de l’identité fictive”
Après les Patriotes, le cinéaste s’immerge à nouveau dans l’espionnage avec le Bureau des légendes, une série de dix épisodes de 52 minutes. Diffusion au printemps sur Canal+.
Madame Figaro. - Dans cette série, certains personnages vivent des années sous identité fictive. Que ressentent-ils ? Éric Rochant. - Il y a une vraie jouissance à mener une double vie. C’est le cas de Sara Giraudeau, envoyée comme fausse ingénieur sismologue en Iran pour recruter des experts du nucléaire. Mathieu Kassovitz, lui, interprète un agent de la DGSE envoyé six ans à Damas. Faux prof de français, il tient un bar littéraire dans cette ville et doit infiltrer la future élite politique syrienne. Mais la vie fictive est souvent plus exaltante que la vie normale – tous ceux qui ont connu l’adultère le disent. Les agents le nient et considèrent cela comme un job. Ils vivent aussi dans une duplicité permanente. À force de mentir sans cesse à leurs proches, l’anxiété doit les miner. À la fin d’une longue mission, où on noue des amitiés, où on vit parfois des histoires d’amour, c’est un arrachement de quitter sa légende. De retour à Paris, Mathieu Kassovitz vit ce dilemme. En réactivant sa légende, il ébranle l’institution.
Avez-vous connu le véritable bureau des légendes à la DGSE ?
Non, mais je me suis beaucoup documenté. Le bureau des légendes forme et pilote à distance les agents les plus importants du renseignement français, les clandestins, envoyés en immersion dans des pays hostiles. Avec une identité fabriquée de toutes pièces : faux papiers, faux métier, fausse vie, faux passé. On leur crée des sociétés fictives qui les emploient. Et un faux « track record » sur Internet. C’est-à-dire un passé virtuel pour que, lorsqu’on les « googlise », on retrouve leurs traces sur le Web.
En quoi l’imaginaire des espionnes au cinéma et dans les séries télé a-t-il changé ?
Les scénaristes ne les cantonnent plus à des rôles d’objets sexuels. Homeland, Zero Dark Thirty ou The Americans montrent des professionnelles, des agents plus efficaces que les hommes, car elles sont moins empêtrées dans les querelles d’ego.
Do you speak spy ?
Petit lexique pour décoder le jargon des espionnes : La Boîte, la Centrale ou le Service : pour désigner la DGSE sans la nommer. « Je suis propre » : « Je ne suis pas suivie. » Le désilhouettage : se changer en un clin d’œil dans les toilettes d’un café ou d’un aéroport pour déjouer une filature. Tamponner une source : recruter une personne susceptible de détenir des informations confidentielles. Le « Mice » : désigne les quatre leviers de manipulation – « Money, ideology, compromise and ego » – pour recruter une source. Boîte aux lettres morte : cache discrète pour échanger des infos. Une chèvre : une source retournée par un service adverse. Dépoussiérer : enlever les micros placés par un service adverse dans une pièce. Il suffit de contacter le service « Aspiro » de la DGSE. Neutraliser : exécuter, en cas de force majeure, des cibles désignées par les autorités et jugées dangereuses. Ce type d’opérations d’entrave est mené par le service Action de la DGSE, considéré comme le bras armé de la France. Seul le président de la République peut lancer des opérations « homo » – pour « homicide ». HVT : pour « High Value Target », qui signifie « cible de haute valeur ».
De gauche à droite : Jacqueline Stadler, 94 ans, Sabine Cassel, 69 ans ,et Chrystèle Chvedoff, 42 ans.
Photo Ingrid Mareski
Une petite attention, un cadeau ou un repas en famille : à chacun sa façon de célébrer la fête des grands-mères, qui aura lieu ce dimanche 1er mars. Créée en 1987 par le Café Grand’mère et organisée depuis cinq ans par l’association Fêtes des grands-mères, l’édition 2015 met à l’honneur soixante portraits de mamies hors normes. Trois d’entre elles ont accepté de partager avec nous leurs premiers émois, leurs doutes, leurs joies et leurs secrets pour vivre à fond ce rôle pas tout à fait comme les autres.
Sabine Cassel , 69 ans, mamie globe-trotteuse
Cinéma, musique, médias : les Cassel font partie des familles privilégiées, celles où les enfants savent rester tranquilles pendant les vols long-courriers et parler plusieurs langues. « Je suis une grand-mère très chanceuse. Je voyage beaucoup et je pars souvent en vacances avec mes petits-enfants. Je sais que de nombreuses personnes doivent continuer à travailler et ne peuvent pas s’investir autant dans leur rôle de grands-parents. » Retraitée mais toujours entre deux projets et deux avions, Sabine Cassel ne compte pas son temps pour ses petits-enfants. « Pour moi, être grand-mère, c’est être là quand on a besoin de moi. J’adore l’univers des enfants et j’assume totalement mon rôle de grand-mère. La seule chose qui me dérange, c’est le mot, qui donne un coup de vieux. » Heureusement pour elle, ces petites-filles l’ont baptisée « nonna » (grand-mère en italien) et son petit-fils, Ohiteka, qui vit au Brésil, « vovó » (grand-mère en portugais).
Comblée avec ses trois petits-enfants, Sabine Cassel se souvient encore de la première fois où elle a été grand-mère. Elle avait 59 ans. « Ma première petite-fille, Deva, est née en Italie. Vincent me l’a mise dans les bras et j’ai réalisé que c’était la fille de mon fils. Mais quand ses parents m’ont laissée quelques heures avec elle et qu’elle a commencé à pleurer, j’ai quand même un peu paniqué. Comme elle prenait le sein, je ne pouvais pas faire grand-chose. J’avais hâte qu’ils reviennent ! » avoue-t-elle en riant. Depuis ces premiers émois, la super nonna a tissé des liens privilégiés avec sa première petite-fille. « Comme j’ai eu des garçons, je me régale avec mes deux petites-filles. Je suis bien sûr plus proche de Deva, qui se confie beaucoup à moi. Quand elle a quelque chose sur le cœur, je le sens tout de suite. Surtout quand elle commence par "nonna, il faut que je te parle". »
À Paris, où les fillettes vivent et sont scolarisées, tous habitent à quelques stations de métro les uns des autres. « Cela me permet de passer les voir quand je veux. En général, plusieurs fois par semaine. Et quand je suis en voyage, j’utilise Skype et Facetime ; c’est génial ! » Admirative et complètement mamie gâteau, Sabine Cassel aime aussi transmettre son goût pour la cuisine. Journaliste culinaire pendant dix ans pour le magazine Elle US, la nonna a hérité de ce plaisir de sa grand-mère. « Deva fait la cuisine avec moi depuis qu’elle est toute petite. Léonie a longtemps fait la fine bouche, mais depuis que je lui ai appris à faire des crêpes, elle adore ça ! » À 69 ans, cette Parisienne qui vit sur les chapeaux de roue garde aussi les pieds sur terre. « Je sais que mes petites-filles sont très privilégiées. Je tiens à leur montrer que la vraie vie, ce n’est pas tous les jours Alice au pays des merveilles. Elles doivent apprendre à partager et à donner. Régulièrement, je leur demande de trier leurs jouets et leurs vêtements pour les donner à des associations. » Pour Sabine, il en va de la vie comme du job de grand-mère : « J’apprécie tout ce que la vie me donne. Et puis je profite à fond, parce que je sais que bientôt Deva passera plus de temps avec ses copains qu’avec sa grand-mère. »
Chrystèle Chvedoff, 42 ans, mamie et maman
Il est parfois des histoires originales. À 42 ans, Chrystèle est devenue grand-mère pour la première fois... mais aussi maman pour la quatrième fois. Une double casquette qui rend l'histoire atypique et la complique : « Quand j'ai annoncé à ma fille que j'allais avoir un quatrième enfant, alors qu'elle-même essayait de tomber enceinte sans succès, elle l'a très mal vécu. Ce n’était pas dans l’ordre des choses, c’était à elle de m’annoncer une grossesse, pas à moi, sa mère ! Elle craignait de perdre sa place d'enfant qui devient parent à son tour, un peu comme si je lui coupais l'herbe sous le pied. » Après quatre mois de silence, les deux femmes se retrouvent enfin quand la fille tombe enceinte : « J'avais l'impression que je devais lui assurer que son enfant passerait avant le mien, pour ne pas lui "voler la vedette". »
Chrystèle se souvient encore de la naissance de sa petite-fille Nina : « J’ai su que j’étais grand-mère quand je l‘ai prise dans mes bras. J'étais très fière, la famille s'agrandissait. Les sentiments sont différents de ceux ressentis quand je porte mon fils. Je fais la différence, comme s'il y avait un instinct "grand-maternel". C’est étrange, j’ai encore plus peur pour ma petite-fille que pour mon fils. » Au quotidien, la situation est parfois étonnante : « Mon fils et ma petite-fille ont pratiquement le même âge. Quand je les garde et qu'ils font des bêtises, je gronde mon fils mais pas ma petite-fille parce que je n'y arrive pas ! » Quand on lui demande ce que signifie pour elle être grand-mère aujourd'hui, elle reconnaît évidemment ne pas être à l'image de celles qu'elle a eues : « Je suis une mamie de 2015, moderne ! » Et définit clairement son statut : « Je ne me sens pas grand-mère, je déteste le mot d'ailleurs. Je suis présente, j'aime ma petite-fille, tout simplement. » Mais elle endosse le rôle par la force des choses : « C'est ma fille qui me repositionne dans ce rôle de mamie, par exemple en me demandant des conseils pour Nina. »
Avec sa « petite poupée » âgée d'1 an, il est trop tôt pour parler de rapports de complicité. Mais cette mamie se plaît à imaginer leur relation future : « De par son expérience, une grand-mère doit faire preuve de sagesse. Alors je serai là pour l’écouter si elle en a besoin. Je serais ravie qu’elle entretienne d’excellents rapports avec sa mère pour pouvoir se confier à elle. Mais si ce n’est pas le cas, ou si elle refuse d’aborder certains sujets avec elle, je serai présente. » Ayant eu ses trois filles jeune, cette mamie atypique espère même « des relations mère/fille » avec la petite Nina : « Dans la rue, avec mes enfants, tout le monde nous prenait pour des sœurs, il était difficile de me positionner en tant que maman. J’espère qu’avec ma petite-fille j’aurai cette relation mère/fille. » Paradoxalement, Chrystèle refuse d'intervenir dans l'éducation des petits-enfants, considérant que ce n'est pas son rôle : « Une mamie est là pour les bons moments, pas pour éduquer. Mais j'avoue que parfois, je craque. J’ai toujours eu la fâcheuse tendance à beaucoup habiller les enfants et je trouve que Nina ne l’est jamais assez. Alors quand les parents ont le dos tourné, je lui mets un gilet ! » En riant, elle espère agrandir la famille : « J'ai quatre enfants, alors si chacun en a un, ça me va très bien ! »
Jacqueline Stadler, 94 ans, arrière-grand-mère
À bientôt 95 ans et toujours en pleine forme, Jacqueline fait tous les jours « le tour du quartier, je trotte un peu. C’est pour m’entretenir, par pour gagner les Jeux olympiques ». Elle n’habite pas loin de Tours, dans une maison avec une grande cour. De l’autre côté de celle-ci vivent son fils et sa belle-fille, âgés de 70 ans. « Ils ne sont pas loin, mais chacun préserve son intimité. » Son fils lui rend souvent visite : « Il m’apporte le journal, il passe me faire la bise, regarder un programme à la télévision avec moi. Il est gentil et ne se force jamais. Il commence un peu à vieillir. »
À l’âge de 29 ans, son fils part travailler en région, sa belle-fille doit se rendre deux semaines par mois à New York. Alors Jacqueline s’occupe de ses deux petits-enfants : « Je les avais tellement avec moi que je les ai presque élevés comme mes enfants, avec moins d’autorité et plus de recul : c’était très agréable, la belle vie. » Depuis, elle a eu quatre arrière-petits-enfants. « C'est très bien, mais suffisant. Déjà que quatre, ça court partout et ça fait du bruit, je n’imagine pas en avoir plus… » Pour elle, le rôle d’arrière-grand-mère est le même que celui de grand-mère : « On est une personne plus âgée que les parents, bienveillante. J’adore garder les enfants, c’est quelque chose de très plaisant. Je leur achète des bricoles, je suis gentille avec eux. L’important c’est de les traiter équitablement. L’autorité, l’éducation, ce n’est pas à moi de gérer cela, mais à leurs parents. Du coup, être grand-mère, c’est entretenir une relation proche et complice avec ses petits-enfants. C’est très rare que je doive les rouspéter, ils considèrent le temps passé avec moi comme des moments de loisir. »
Une situation rendue possible grâce à son fils, « que j’ai bien éduqué. Il est gentil, respectueux, a des valeurs, et ça s’est transmis à ses enfants, j’en suis fière. Le seul reproche que je pourrais lui faire, c’est qu’il bichonne trop les petits. Mais je ne le lui dirai pas, ce sont ses affaires ! » Quant à l’évolution de la relation grands-parents/petits-enfants, « ce n’est plus du tout la même chose, et tant mieux ! J’ai eu une grand-mère adorable. Mais à mon époque, il fallait vouvoyer les grands-parents, ils n’avaient pas une grande affection pour les petits, c’était une relation très distante et froide. Et puis aller les voir, c’était un véritable calvaire, un cauchemar, et des journées qui n’en finissaient pas ». Quand elle est devenue grand-mère pour la première fois, Jacqueline a été très émue, « parce que c’était la famille qui se prolongeait. J’étais contente ». Sans en faire un mélo, « c’est juste la vie, ce n’est pas non plus un évènement extraordinaire ! Mais je sais que je peux partir tranquille, le plus tard possible. D’ailleurs qui sait, peut-être verrais-je mes arrière-arrière-petits-enfants ! »
Terrain de jeu : le Net. Parce que leurs Like déchaînent les foules, les blogueurs, twittos et autres power users font la pluie et le beau temps en matière de prescriptions d’achat et de tendance. Analyse d’une nouvelle forme de lobbycratie.
Ils s’appellent Qorz, Luanna90, Adenorah, Cyprien, Chiara… et ont ce pouvoir inouï de transformer une micro-tendance en phénomène. De créer le buzz en moins de deux, comme de provoquer un raz de marée sur simple évocation d’un produit. Ils sont les influenceurs des temps modernes. Leur dénominateur commun ? Outre une jeunesse évidente (moyenne d’âge 29 ans), ils œuvrent tous sur le Net - Twitter, Pinterest, Instagram, Facebook, YouTube… - en véritables pros des réseaux sociaux, en rois du # bien senti. À coups de posts, certains attirent des centaines, des milliers de followers dans leurs filets, au point de parler de communauté. La reine incontestée est l’Italienne Chiara Ferragni. En 2009, elle crée son blog « The Blonde Salad ». Joli succès, belle reconnaissance. « J’étais heureuse, raconte-t-elle, mais ma notoriété était principalement locale. Tout a changé lorsque je me suis lancée en parallèle sur Instagram. Soudain, j’ai touché des millions de personnes à travers le monde. Juste comme ça, en un clic et un clin d’œil. Aujourd’hui, je compte une communauté de 3 millions de followers. » Bluffant. À 27 ans, la jolie Italienne est désormais à la tête d’une entreprise de 18 personnes. Instagram est pour beaucoup dans ce succès. Ce réseau via lequel on poste un cliché instantané, accompagné ou pas d’un commentaire, a été créé en 2010. En 2012, Facebook le rachète pour 594 millions d’euros. De 80 millions d’utilisateurs actifs, il passe à 300 millions, dépassant Twitter. Il est sans conteste le terrain de jeu préféré des nouveaux e-influenceurs.
« Nous sommes dans une société de l’image, s’exclame Séverine Bourlet de la Vallée, créatrice de l’agence Tribegram Lab. Tous les jours, sur Instagram, 70 millions de photos sont postées, et on peut considérer qu’une photo est plus parlante qu’un texte, plus rapide à regarder qu’une vidéo : c’est un langage immédiat et universel. Soudain, il n’y a plus de barrière de langue. » Un exemple ? En février 2013, la reine du talk-show américain Oprah Winfrey poste une photo d’elle sur ses comptes Twitter et Instagram, dans sa cuisine, câlinant sa nouvelle friteuse Seb : ça donne 3 millions de vues, 1,3 milliard de contacts et 1 600 articles écrits sur le produit en quarante-huit heures. Le cours de l’action Seb a grimpé de 4 % dans la journée qui a suivi le post. C’est ça, l’effet Instagram ! Or, ce langage universel, cette force de frappe inouïe, n’échappe pas aux marques.
Aujourd’hui, 86 % d’entre elles sont présentes sur les réseaux sociaux, principalement sur Instagram. Elles ont leur propre compte, bien sûr. Mais elles sollicitent aussi les instagramers intéressants, autrement dit les e-influenceurs qui, via une photo postée, pourront augmenter la cote de popularité d’un produit. « Un instagramer devient influent lorsqu’il comptabilise au moins 50.000 followers, résume Séverine Bourlet de la Vallée. Les marques, au-delà de la visibilité, recherchent aussi une certaine créativité, et surtout une interactivité : entendez des Like et des commentaires. On parle d’une belle interactivité lorsqu’un post engendre entre 5 000 et 10 000 réactions. Dans ce domaine, Instagram est imbattable : son taux d’engagement est cinquante fois supérieur à Facebook ! » Cette trentenaire, à la tête de Tribegram Lab, la première agence française qui met en relation les marques avec des e- influenceurs, poursuit : « aujourd’hui, certains instagramers sont de véritables “individus média”, car ils offrent des images conversationnelles, c’est-à-dire qui créent des commentaires, une interactivité. » Du pain bénit pour les marques. « J’appelle cela du partage social, reprend Chiara Ferragni. Instagram est le moyen de communication le plus excitant, instantané, populaire et efficace, du moment. » David Horain, responsable digital du groupe Etam, confirme : « Les e-influenceurs nous permettent de toucher un public extra-large en un temps record. Ils nous permettent aussi d’aller chercher une cible plus jeune que celle des médias traditionnels. Notre nouvelle génération de clientes, les moins de 30 ans, lisent peu de journaux, regardent la télé via la VOD. Pour les toucher, nous devons parler le langage des réseaux sociaux ».
Un but : faire le buzz
L’année dernière, Etam a mis sur pied une opération d’envergure appelée « Le meilleur job d’été ». L’idée ? Dénicher, via des CV, la parfaite testeuse de maillots de bain et l’envoyer trois semaines aux États-Unis accompagnée d’un e-influenceur dont la mission serait de la shooter tous les jours dans un endroit différent et, bien sûr, dans un maillot différent. L’heureux élu fut l’instagramer Qorz. « Évidemment, ses 176.000 followers nous ont séduits, s’amuse David Horain. Mais pas seulement : nous le suivions depuis quelque temps, et ses photos sont vraiment belles, son univers est créatif. Nous savions que nos maillots de bain étaient entre de bonnes mains. » Résultat ? Une moyenne de 4 000 Like et 80 commentaires par photo. La vente de maillots de bain a-t-elle explosé pour autant ? « Impossible de dire quelle a été l’influence de cette opération sur nos ventes, reprend David. Mais le buzz était là. Pour nous, le contrat était rempli. » Qorz, graphiste dans la vraie vie, photographe amateur devenu e-influenceur un peu par hasard, partage l’engouement. « J’ai commencé à poster mes photos sur Instagram il y a trois ans. Je voulais me confronter à la réalité, avoir un avis sur mon travail. En quelques mois seulement, j’ai atteint 4 000 followers. Je me suis pris au jeu. Le nombre de followers n’a cessé d’augmenter et les sollicitations ont commencé. Au début, c’était une de temps en temps… » Aujourd’hui, Qorz peut collaborer avec deux ou trois marques par mois.
Quid de la rémunération de ces influenceurs d’un nouveau genre ? Les règles diffèrent d’une marque à l’autre. « Nous les rémunérons souvent en nature, explique David Horain. Pour Qorz, par exemple, l’intégralité de son voyage et de ses frais aux États-unis était prise en charge. » Séverine Bourdet de la Vallée a, quant à elle, instauré une sorte de barème : « Nous rémunérons 0,002 euro par abonné la publication. Un instagramer avec 10 000 abonnés peut ainsi toucher 20 € par photo. Ces prix grimpent selon l’influence de l’instagramer. » Pour des influenceuses telles Chiara Ferragni, la donne change quelque peu. Pour l’année 2013, l’Italienne dit avoir enregistré 1,2 million de bénéfices sur l’ensemble de son activité… Pas de doute, certains Like valent de l’or. #àbonentendeur…
L'influence pour les nuls
Trouver son style. Tous les e-influenceurs vous le diront : votre compte doit avoir un fil conducteur, un thème, une patte. Créer le contact. Pas question de se contenter de poster. Vous devez vous intéresser aux autres, laisser des commentaires et bien sûr répondre à ceux que vos followers formulent. Plus vous créerez d’interactions, plus vous serez suivi et donc influent. Bichonner votre bio. Dans la catégorie « profil », n’hésitez pas à vous décrire. À vous de jouer pour mettre l’eau à la bouche. Le but : donner envie de vous suivre partout. Poster quotidiennement. 75 % des influenceurs instagramers français postent dix photos minimum par semaine. La régularité permetde fidéliser le follower. Attention : chaque photo doit avoir un intérêt. Poster au bon moment. Certains moments de la journée sont plus propices aux Like. Il est conseillé de poster le matin avant 8 h 30 et le soir à partir de 19 heures. Hashtaguer intelligemment. La durée de vie moyenne d’un post est de quatre heures. Pour toucher un maximum de personnes rapidement, usez et abusez des #. Ces derniers permettront à ceux passionnés par les mêmes choses que vous de vous trouver facilement et de vous suivre. Laisser tomber les filtres. Apparemment, les followers n’aiment pas les filtres. Les photos sans sont les plus populaires. #nofilter. N’hésitez pas à « shoutouter ». C’est mentionner le compte d’un autre utilisateur en invitant votre communauté à le suivre. Celui-ci,en guise de remerciement, fera de même avec sa communauté. Cette technique permet parfois de gagner des centaines de followers d’un coup.
Qui sont-ils ?
Norman. Norman Thavaud, humoriste et réalisateur français de 27 ans, se fait connaître sur la Toile via ses vidéos postées sur YouTube en 2010.
Son domaine : avoir rire de tout. Sa vidéo consacrée à Mario Bros., « Luigi clash Mario », a cumulé 30 millions de vues.
Terrains de jeu : Facebook etYouTube.
Nombre de followers : 4 millions sur sa chaîne YouTube et 3,5 millions sur Facebook.
Qorz. Trentenaire et graphiste pour la télévision, Qorz se lance sur Instagram en 2010.
Son domaine : une vision très poétique de la nature, des villes, des voyages…
Terrain de jeu : Instagram.
Nombre de followers : 176.000.
Mimi poste tous les jours des recettes sur blog, Manger.
Mimi Thorisson. Cette Franco-Chinoise ravissante de 41 ans vit avec mari (1), enfants (7) et chiens (20) dans un château du Médoc.
Son domaine : la cuisine. Mimi poste tous les jours des recettessur son blog, Manger.
Terrains de jeu : la blogosphère et Instagram.
Nombre de followers : 118.000.
Zoe Elizabeth Sugg. Une blogueuse anglaise de 24 ansplus connue sous le nom de Zoella.
Son domaine : la mode et la beauté. Elle a créé son blog en 2009. Fin 2014, il comptait 140 millions de visites.
Ses terrains de jeu : la blogosphère et YouTube.
Nombre de followers : 7 millions d’abonnés sur sa chaîne YouTube.
Olivia Thébaut. À 26 ans, Olivia est directrice artistique, graphiste et photographe.
Son domaine : le lifestyle, les jolies choses, qu’elle photographie avec grâce.
Terrain de jeu : Instagram. Elle s’est inscrite en 2011, s’est prise au jeu et travaille aujourd’hui grâce à lui.
Nombre de followers : 312.000.
Luanna90. Péruvienne de 24 ans, Luanna Perez-Garreaud, à New York depuis trois ans, a créé son blog, Le Happy, en 2010.
Son domaine : la mode et le style. Ses selfies quotidiens comptabilisent en moyenne 45.000 Like.
Terrains de jeu : la blogosphère et Instagram.
Nombre de followers : 1,3 millions.