À 37 ans, Jacinda Ardern est la femme politique de tous les records : troisième femme première ministre de Nouvelle-Zélande, plus jeune dirigeante du pays depuis 1856 et plus jeune dirigeante de l’histoire du Parti travailliste. Elle sera aussi bientôt la première chef de cabinet néo-zélandaise à avoir un enfant pendant son mandat. Portrait.
Le Canada a Justin Trudeau, l’Autriche Sebastian Kurz et la France Emmanuel Macron. La Nouvelle-Zélande, elle, a Jacinda Ardern pour représentante de cette nouvelle garde politique aux commandes. En octobre 2017, la jeune femme de 37 ans est devenue la plus jeune première ministre de Nouvelle-Zélande depuis 1856.
Une enfance mormone
Jacinda Ardern est née dans une famille mormone et a grandi à Murupara, une ville pauvre qu’elle évoque souvent en interview. Il n’était pas rare d'y croiser des enfants pieds nus et mal nourris. Son désir d’entrer en politique prend racine ici. Sa famille déménage ensuite dans la banlieue d’Auckland, où Ardern finit le lycée et entreprend des études de communication. En parallèle, elle entame une carrière politique avant même sa majorité et intègre en 1999, à 17 ans, le parti travailliste néo-zélandais. Après deux premières expériences de campagne, Jacinda Ardern obtient un poste dans l’équipe de la première ministre Helen Clark, en fonction de 1999 à 2008, et qui devient son mentor.
Ardern abandonne sa religion en 2005 en raison des positions homophobes de l'Église mormone. La même année, elle s’envole pour l’Angleterre et accroît son expérience politique en travaillant pendant deux ans et demi au bureau du cabinet du premier ministre britannique, Tony Blair. À l’issue de cette période, elle est élue présidente de l’Union internationale de la jeunesse socialiste (IUSY) et voyage au Maghreb, au Liban, en Chine, en Jordanie et en Israël.
La résurrection du Parti travailliste
En 2008, Jacinda Ardern est choisie pour représenter le Parti travailliste à l’élection du député du district de Waikato - sans succès. Elle intègre toutefois le Parlement grâce à sa position sur la liste de son parti, et devient, à l’âge de 28 ans, le plus jeune membre de la Chambre des représentants. En 2011, elle candidate cette fois au poste de députée du centre d’Auckland. Face à elle, Nikki Kaye du Parti national de Nouvelle-Zélande, plus jeune qu’Ardern de quelques mois. La «bataille des bébés» - ainsi que la surnomme la presse néo-zélandaise - est remportée de justesse par Kaye, mais Ardern retourne une nouvelle fois au Parlement comme candidate de liste. Son soutien au leader du Parti travailliste, David Shearer, lui vaut un poste de porte-parole chargée du développement social, fonctions étendues en 2014 aux arts, à la culture, à la justice et au petit commerce.
Son ascension s'accélère réellement en février 2017, lorsque Jacinda Ardern est élue députée dans la circonscription de Mount Albert. Très populaire lors des primaires travaillistes, elle est élue vice-présidente du parti en mars 2017. Son parti est alors à son plus bas niveau de popularité depuis vingt ans. À deux mois des élections législatives de septembre, le président du mouvement, Andrew Little, démissionne. Et Jacinda Ardern est choisie pour le remplacer. À 37 ans, elle devient le nouveau leader de l'opposition et le plus jeune chef de l’histoire du Parti travailliste.
La "jacindamania"
À sa nomination, la popularité du parti monte en flèche : à un mois du suffrage, il dépasse en intentions de vote le Parti national. Jacinda Ardern milite pour la gratuité de l’enseignement supérieur, la décriminalisation de l’avortement et un programme de prise en charge des enfants pauvres - et plus largement pour une «situation plus équitable» pour les marginalisés. Optimiste et souriante, la candidate impose son charisme sur les plateaux de télévision. La presse politique constate qu'une «jacindamania» s'empare du pays, où Ardern est comparée à l’envi à Justin Trudeau et à Barack Obama.
Le Parti travailliste obtient 35,7% des suffrages. Jacinda Ardern réussit alors le tour de force de former, le 19 octobre 2017, une coalition avec le New Zealand First de Winston Peters, et avec le Parti vert. Elle devient la troisième femme première ministre de l’histoire de Nouvelle-Zélande, et la plus jeune depuis 1856. Aussitôt nommée, elle met en œuvre les premières mesures du gouvernement de coalition.
Un premier enfant pendant son mandat
Dans la lignée du protectionnisme du Parti travailliste, un accord prévoit ainsi une réduction de l'immigration de 25.000 personnes par an, et une renégociation de l'accord de partenariat transpacifique. Le but : y introduire une clause interdisant aux étrangers d'acheter des terres en Nouvelle-Zélande. 100.000 logements à prix abordables devraient être construits d’ici 2027, et le salaire minimum horaire augmenté. La coalition prévoit aussi plusieurs mesures en faveur de l’environnement, notamment un plan d'assainissement des rivières et des lacs pollués et un objectif de neutralité carbone pour l'économie.
Côté vie privée, Jacinda Ardern est en couple depuis 2013 avec Clarke Gayford, une star de la télévision néo-zélandaise. Le couple donnera prochainement naissance à son premier enfant : le 19 janvier 2018, la première ministre a annoncé sa grossesse sur les réseaux sociaux. Elle aurait appris la nouvelle quelques jours avant son élection, et prévoit de prendre six semaines de congé maternité en juin. Elle sera la première chef de cabinet néo-zélandaise à avoir un enfant pendant son mandat. À son retour au poste, son compagnon deviendra père au foyer. Comme si tout cela ne suffisait pas, la jeune femme a aussi une passion pour la musique et exerce comme DJ à ses heures perdues.